Les caractères sexuels dits "secondaires" ne "sautent pas aux yeux", mais ils sont néanmoins bien présents, sous réserve d'un minimum d'attention. Comme toujours les femelles sont en principe un peu plus grandes, et les abdomens plus volumineux, mais ces critères sont évidemment assez "piégeux". Comme chez les humains, si je puis dire, il peut y avoir des grands mâles, mais aussi des petites femelles, et d'autre part le volume de l'abdomen décroît très vite avec la ponte. Chez certaines Familles de nocturnes les antennes constituent le meilleur et le plus visible des critères ... mais là elles sont identiques ! :-(
Fort heureusement il y a des critères beaucoup plus "parlants" et fiables, à commencer par les extrémités abdominales. Celle du mâle se termine en effet par une sorte de pinceau plat de poils écailleux, là où la femelle en est dépourvu, son abdomen se terminant en cône assez largement obtus. Attention cependant car le pinceau a fâcheusement tendance ... à perdre ses poils ! La présence de "cymbales" sous-alaires est par contre imparable, mais leur localisation nécessite d'un peu relever les ailes. Ce relevage est encore plus nécessaire pour repérer le "joug" ou "frein". Apanage des mâles ce très étonnant dispositif permet de coupler les ailes antérieures aux postérieures, et d'ainsi améliorer les performances du vol. La petitesse de ce joug, alliée à celle du papillon, impliquent de bons yeux ... et une loupe !
Dans le monde animal il y a mille et une façon de "déclarer sa flamme", et les parades nuptiales sont parfois très originales, voire spectaculaires. Chez les insectes le "message sexuel" est le plus souvent odorant, et transmis via des phéromones propres à l'espèce. La femelle est généralement émettrice, et attire donc un partenaire. Chez un coléoptère, le fameux "pique prune" (Osmoderma eremita), les rôles sont inversés, cas de figure peu fréquent. Le "chant" a également ses adeptes, notamment chez les Orthoptères (sauterelles grillons, etc..), tout comme l'émission lumineuse a les siens (vers luisants, lucioles). Les papillons diurnes ont aussi leur rituels, et notamment des vols dits nuptiaux, parfois forts gracieux. Les modalités varient en fonction des espèces ... mais la conclusion est toujours la même !
Bon nombre d'insectes sont connus pour "striduler", chaque espèce ayant son propre registre. Les "zones sonores" (émettrices et réceptrices) sont également différemment situées et constituées selon les "chanteurs". Toujours selon les espèces, l'émission sonore peut être très puissante (cigales par exemple) ou au contraire très discrète, à la limite de l'audible. Comme vous le verrez L'Ecaille tessellée témoigne d'une belle originalité puisqu'elle "cymbalise" ... d'où le nom de Cymbalophora ! ... CQFD !
Les cymbales ... comment ça marche !
Comme les photos ci-dessous le montrent, le mâle dispose d'une volumineuse et peu banale paire de "cymbales", parfois dénommées "timbales" comme pour les cigales. Contrairement à certaines espèces qui usent d'ultrasons aux seules fins défensives, le son produit est pour partie, si ce n'est totalement, dans une gamme de fréquences parfaitement perceptibles par l'oreille humaine.
La "cymbalisation", terme consacré, se produit en vol, mais dans la mesure où elle n'est pas systématique, je ne saurais dire si elle est totalement "autonome", ou tributaire d'une connexion cymbales / mouvements alaires se faisant à la demande. Les sons produits se traduisent par une sorte de cliquetis, ou encore de crépitement, et à cet égard le témoignage ci-dessous est fort intéressant par la précision de l'observation, et plus encore par le "décorticage" technique de l'enregistrement. Pour moi c'est évidemment de l'hébreu, et je ne pense pas que ce genre de "partition" puisse être "joué", mais ce document est néanmoins tout à fait exceptionnel, d'où son intérêt.
Tout venant à point pour qui sait attendre, j'ai le plaisir de vous proposer la fameuse "cymbalisation". Elle a été captée par Nicolas Vissyrias, lui aussi amateur de chiroptères, que je tiens à chaleureusement remercier. Au plan technique, je cite : "En examinant les sons enregistrés avec mon micro à ultrasons, il semble que les sons soient composés de 3 harmoniques, la première harmonique étant la seule audible. La seconde harmonique, beaucoup plus intense est comprise environ entre 17 et 34 kHz. Les sons sont composés d'impulsions cycliques (associé à un battement d'aile ?) : environ 60 impulsions par seconde".
Pour ma part je considère que cette cymbalisation a pour but de rechercher une partenaire en attente au sol, et d'ainsi en solliciter les "bonnes grâces". Si la femelle est réceptive, elle le fera savoir, et en pareil cas l'émission de phéromones (captée par les organes sensoriels du mâle), est le plus souvent de règle. Vous noterez le caractère tout à fait exceptionnel de cette cymbalisation, version lépidoptères, en tant qu'appel sexuel audible par l'homme. A titre comparatif, et informatif, un autre appel sexuel , non moins exceptionnel, fait appel à notre odorat. Il s'agit des phéromones émises par le mâle du précité "Pique-prune". Comparées à une odeur de "cuir de Russie" les effluves émises sont si puissantes qu'elles sont perceptibles en plein air, et parfaitement identifiables, sous réserve d'être ...au "parfum" !
Compte tenu du volume, de l'originalité, et de la sophistication de ce dispositif sonore, il ne serait pas étonnant que son rôle aille au-delà du simple appel sexuel. N'étant pas en mesure de le prouver, ni d'en déterminer la nature, je suis évidemment preneur de toute info sur la question, et plus généralement sur le fonctionnement de cette drôle de "timbale". C'est là une hypothèse ( à mon avis fort plausible ! ), mais sous l'action de muscles appropriés le cliquetis pourrait fort bien provenir de la déformation d'une membrane semi-rigide ( comme chez la cigale ! ), puis être amplifié par la volumineuse "conque" sous-alaire. Pour ajouter au propos j'évoquerais les fameux "crickets" du "Jour le plus long", dont le fonctionnement est basé sur le même principe, et dont la réplique touristique fait un tabac sur les plages normandes du fameux "D-Day" ... et donc du "Jour J" pour les allergiques à la langue de Shakespeare !
Il y a 2 jours (14/09/09), vers Perpignan (commune de Ponteilla) j'ai croisé un papillon nocturne qui crépite en vol. Le vol est assez rasant, environ 1 m au dessus du sol, dure sur quelques dizaines de mètres. Le bruit est assez aigu et s'entend quand même à quelques dizaines de mètres. Dans un premier temps, j'ai cru à une stridulation lointaine de Ruspolia nitidula. Le papillon m'a paru assez clair avec peut-être du rouge (sur l'abdomen ?) mais de nuit, je n'ai pas réussi ni à le suivre, ni à le retrouver...
Comme je faisais une prospection chiroptères, j'ai fait un enregistrement en expansion de temps. Voilà les caractéristiques physiques du bruit : il est composé de strophes de 5 accents : 4 accents contigus en 4,5 ms et accent légèrement séparé et plus bas en fréquence. La durée de début d'une strophe à un autre est de 15,5 ms. La fréquence du maximum d'énergie se situe environ à 28 khz (dans l'inaudible) avec une bande s'étalant de 12,5 khz à 36 khz, pour l'accent supplémentaire, c'est légèrement plus bas avec un max à 23 khz.