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la biche de Jean !
 
tête de chevreuil (dessin)Il était largement 22 h quand le téléphone a sonné…
 
Il s'agissait d'un cousin qui tout de go m'annonce son arrivée d'ici 1 h, et surtout avoir une biche blessée dans le coffre de sa voiture.
 
À l'entendre il rentrait d'une réunion, et alors qu'il traversait une forêt d'Ille et Vilaine, l'animal s'était littéralement jeté devant la voiture, et il n'avait pu l'éviter. Il comptait évidemment sur moi pour faire le nécessaire, et le cas échéant pour jouer les bouchers, éventualité qui était bien loin de m'enchanter.
 
Le moment de surprise passé je voyais mal une biche dans le coffre de sa 4L. Suite à ma demande, la description qu'il donna de l'animal confirma ce que je pensais. Il s'agissait d'un chevreuil, et en l'occurrence d'une chevrette. La bête lui paraissait fortement commotionnée, mais elle n'était cependant pas morte. Il ne pouvait m'en dire plus, sinon qu'elle avait été heurtée et projetée par l'aile de ladite 4L.
 
À l'époque j'habitais en ville, de surcroît en appartement, et en outre j'étais pour l'heure passablement grippé. Autant dire que je ne me voyais pas du tout sorti de l'auberge.
 
Jean est arrivé un peu plus tard que prévu, et non sans soulagement, j'ai constaté que notre chevreuil avait quelque peu récupéré. Il était tranquillement couché sur le ventre, col relevé, tête bien droite, et nullement effarouché par notre présence.
 
Au fond de la cour de l'immeuble, chaque locataire avait ce qu'il est convenu d'appeler un caveau. Le local était évidemment minuscule, sans éclairage, mais nous n'avions pas le choix.
 
Les choses se sont corsées quand il a fallu sortir la bête du coffre. Bien que nous soyons 2 à la tenir, elle a failli nous échapper et surtout elle s'est mise à pousser des cris véritablement déchirants et d'une incroyable puissance. Sans exagération aucune je voyais déjà les fenêtres s'ouvrir et les gens crier " à l'assassin ! ".
 
Une fois dans le caveau, et de nouveau sur ses pattes, l'animal s'est tu et très vite calmé. À la lumière d'une pile électrique j'ai alors pu l'examiner à loisir, et on peut dire qu'il s'en tirait bien, et par le fait moi aussi. En dehors d'un beau " cocard ", et d'une estafilade sur toute la longueur de la cuisse, la bête était a priori indemne de toute fracture, notamment des membres.
 
Nanti d'une œillère, et du produit oculaire voulu, j'ai longuement nettoyé l'œil tuméfié. Très étonnamment notre chevreuil se laissait faire quand je lui inclinais la tête, puis la relevais, afin de bien faire circuler le liquide. Puis l'estafilade a été pareillement lavée et désinfectée. Curieusement la peau était coupée avec la netteté d'un coup de rasoir, mais les muscles sous-jacents n'étaient pratiquement pas entamés.
 
A priori le pronostic était excellent, et chacun a regagné ses pénates avec la satisfaction du devoir accompli. À l'heure convenue, tôt le lendemain matin, nous sommes allés prendre des nouvelles d'un " patient ", qui finalement l'était fort peu.
 
De fait notre chevreuil avait totalement récupéré, et sitôt la porte entrouverte il s'est mis à bondir tous azimuts. Il fallait donc l'immobiliser très rapidement, car dans l'étroitesse du caveau l'animal risquait évidemment de se rompre le cou, et plus encore de se briser un membre dans les entrelacs métalliques de mes vélos.
 
Non sans mal on a pu se saisir de l'animal, mais aussi prendre toute la mesure de sa puissance, et de sa nervosité. Alors que nos quatre mains enserraient les pattes arrières réunies, et que les antérieures ne touchaient plus le sol, nous piquions littéralement à la machine sous la répétition de ses coups de reins. Vu l'extrême finesse des pattes c'était proprement incroyable, d'autant que le cousin était plutôt du genre " sportif-baraqué ".
 
Définitivement maîtrisé, et les 4 pattes réunies et attachées par des bas nylons pour éviter toute lésion, j'ai pu prodiguer les derniers soins. À cette occasion on a constaté que le " cocard " s'était déjà bien résorbé, car l'œil était nettement moins enflé, et quasi normalement ouvert bien qu'encore injecté de sang.
 
Ainsi entravé, puis roulé dans une vieille couverture, notre chevreuil a réintégré la 4L, avant de regagner sa forêt natale.
 
À mon grand regret je n'ai pu assister au relâcher, mais aux dires du cousin la bête est partie au petit trot, et s'est arrêtée au bout d'une vingtaine de mètres. Elle s'est alors retournée, a regardé son sauveur quelques instants, puis elle est repartie vers les siens, et sa destinée, toujours en trottinant, et toujours aussi tranquillement.
 
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