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les "gaspards" d'antan !
 
Rat commun naturaliséCette page témoigne d'une époque où toute économie était déjà bonne à prendre…
 
Les moyens financiers du Labo de Zoologie étaient assez limités en regard de ses besoins, et au lieu d'acheter des rats blancs pour les dissections des travaux pratiques, nous allions "faire nos emplettes" chez Kulman....
 
L'usine en question fabriquait des engrais à partir d'os de boucherie collectés chez les grossistes et détaillants de la région, et cette "matière première" était stockée dans de vastes hangars bordant la Loire. C'est là que nous nous rendions périodiquement, pour des safaris semi-nocturnes aux ingrédients très spéciaux...
 
Imaginez la nuit tombante, et la brume montant de la Loire. Imaginez encore les hangars ouverts à tous vents, et plongés dans la semi pénombre d'un éclairage diffus. Imaginez enfin une lune blafarde à souhait, et le silence inquiétant d'une nuit pas comme les autres....
 
Dans ce décor, érigez des montagnes d'os et de crânes encornés sur une hauteur de 4 à 5 m, puis donnez vie à des centaines pour ne pas dire des milliers de rats. Faites-les sortir de la nuit, pour monter à l'assaut de cette monstrueuse manne, et s'y fondre furtivement. Entendez aussi le crissement des dents taraudant l'os à moelle, et les brèves échauffourées ponctuées de couinements aigus et de galopades effrénées...
 
Ajoutez à cela les longs chuintements, et plus encore le glacial cri de chasse des fantomatiques effraies venues ici festoyer, mais aussi les évolutions ouatées et zigzagantes des chauves-souris pareillement occupées.
 
Ajoutez pour finir des myriades de moustiques issues de Loire, des nuées de mouches assoupies sur l'innommable, et le grouillant tapis d'une progéniture vermiforme s'étalant parfois jusqu'à 2 m alentour de ces sanguinolents et monstrueux ossuaires.
 
Pour couronner le tout tentez d'imaginer l'odeur pestilentielle, et insoutenable, née de ces pratiques d'un autre âge....
 
Vous l'aurez compris, c'est dans cette atmosphère pour le moins "Hitchcockienne" que Jean Claude D. , sa femme, et moi-même, économisions les deniers publics.... à grands coups de gourdins !
 
Au milieu de tous ces os il était difficile d'ajuster nos coups et beaucoup de rongeurs en réchappaient, souvent plus ou moins éclopés, aussi préférions-nous les attendre cachés derrière les piliers de soutènement des hangars. Le museau frémissant ils sortaient de la nuit par vagues successives et ondoyantes de 6, 8, ou 10 individus, et au passage nous "matraquions" promptement.
 
La technique était efficace, mais non sans risques, les bêtes blessées pouvant évidemment se rebiffer. C'est d'ailleurs pourquoi nous étions bottés, gantés, et ne lésinions pas sur l'énergie de nos coups. À cet égard nous avions des émules car un jour nous avons eu la mauvaise surprise de trouver " notre " hangar vidé de ses os, et manifestement d'une bonne partie de ses locataires. De fait en son milieu 2 tas de rats de 70 à 80 cm de haut, sur 1,5 m de diamètre, ainsi qu'une demi-douzaine de pelles et fourches aux manches brisés, témoignaient éloquemment de l'âpreté du combat.
 
Par la suite on tenta d'améliorer la technique car trop d'animaux s'avéraient "impropres à la consommation", c'est-à-dire aux dissections, tant nous y allions de bon cœur. De plus les rats étant réputés pour leur intelligence, on craignait l'éventualité d'une sorte de "coalition", n'étant pas en mesure de faire face à plusieurs assaillants à la fois, vu la rapidité et l'agilité de ces animaux.
 
Le labo a donc fait l'acquisition de grandes ratières, mais les trop nombreuses prises s'entre-dévoraient et nous n'y trouvions pas davantage notre compte. Sur une idée du " patron ", en l'occurrence le professeur Robert S. , j'avais même blindé une grande caisse en la tapissant d'une feuille d'acier d' 1 mm d'épaisseur. En définitive elle n'a d'ailleurs que très peu servi tant il était périlleux d'en extraire les captifs, et de les manipuler, sachant que les incisives de ces énormes rats parvenaient quasiment à entamer le métal.
 
On a finalement repris nos gourdins, nous efforçant de viser la tête afin de préserver l'intégrité viscérale de nos victimes, ce que l'expérience aidant nous parvenions à faire sans trop de "bavures".
 
Bien entendu ces rats portaient la trace de leurs vicissitudes, mais qu'ils soient pelés, galeux, pustuleux, ou parasités, tous échouaient dans les cuvettes à dissection des étudiants, après un bref passage à l'alcool. Je vous laisse alors imaginer les réactions, et les ongles carminés des étudiantes aux prises avec nos affreux "gaspards".
 
En conclusion d'une époque depuis longtemps révolue, je précise que l'on dissèque maintenant des souris blanches, ce qui est très nettement plus hygiénique et sécurisant, mais infiniment moins pittoresque !
 
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