logo "insectes.net"la tortue baromètre - la momie - la tortue acrobate - les lézards ocellés - la "serial killer" - morsures - le "sermon" de Luz Ardiden - les esculapes de la "Jonn" - mauvaise blague - légendes et réalités - inoubliables rencontres - subterfuge - les vipères "présidentielles" - le défaut de la cuirasse -
 
 
Morsures !
 
vipère aspic mâleC'était à la fin des années 60, et à cette époque, entre autres animaux, les étudiants de Zoologie disséquaient vipères et couleuvres.....
 
Compte tenu de mes affinités pour les reptiles, j'étais évidemment chargé de préalablement capturer les "bestioles" en question.
 
C'était également l'époque où j'avais à voir avec les deux salles d'élevages du labo, l'une étant dévolue aux invertébrés, et en l'occurrence aux insectes, et l'autre aux vertébrés. Par-delà les incontournables souris blanches, il s'agissait essentiellement d'amphibiens et de reptiles.
 
Parmi ces derniers élevages figurait un grand aquarium, aménagé en terrarium, où évoluaient une petite dizaine de vipères aspics sortant quelque peu de l'ordinaire par la coloration, et à l'occasion par la taille.
 
Compte tenu de la nature de cette enceinte, toutes les interventions se faisaient évidemment par le dessus. Pour le nettoyage j'avais l'habitude de procéder en deux temps, c'est-à-dire de repousser les vipères d'un côté du terrarium tandis que je nettoyais le côté opposé. Tout en officiant je gardais bien sûr un œil sur les bestioles, et au final tout se passait bien.
 
Ce jour-là, allez savoir pourquoi, une de mes pensionnaires ne voulait pas rester dans son coin, et à plusieurs reprises j'avais déjà été contraint d'interrompre mon nettoyage pour la renvoyer avec ses congénères.
 
De guerre lasse j'ai fini par soulever l'animal de la main droite, tout en continuant mon nettoyage de la gauche. Malheureusement les branches de la pince avaient certainement été faussées, car à un moment donné elles se sont croisées. Ce faisant la vipère s'est trouvée libérée, et en me tombant sur la main elle en a profité pour me mordre au pouce gauche.
 
Bien entendu nous avions le sérum voulu, et plus vexé que véritablement inquiet j'ai demandé à un enseignant qui se trouvait là de bien vouloir pratiquer l'injection. N'ayant jamais piqué que des lapins il s'est sur l'instant déclaré incompétent, mais devant l'urgence, et surtout mon insistance, il a finalement fait le nécessaire.
 
Connaissant parfaitement les conséquences d'une morsure de vipère, du moins en théorie, j'attendais la suite des évènements avec une relative sérénité. Tout à coup j'ai réalisé que nous venions l'un et l'autre de commettre une monumentale et impardonnable erreur. De fait le sérum avait été injecté en une seule fois, alors qu'il devait l'être en trois, et de plus en respectant des intervalles d'une demi-heure.
 
Très vite les choses se sont gâtées, les effets négatifs du sérum massivement injecté s'ajoutant à ceux du venin proprement dit. Allongé dans le couloir du labo, à même le sol, j'étais secoué de spasmes très douloureux et d'une extrême violence. À cette occasion je me vidais littéralement de tous les bouts, et ce n'est pas une image.
 
Entre deux crises je restais quasi ratatiné, les yeux clos, et en total état de prostration. J'étais cependant parfaitement conscient, ce que semblaient ignorer les personnes m'entourant, et les propos tenus n'étaient pas forcément des plus rassurants.
 
Bien entendu un médecin résidant à proximité de la Fac avait été demandé en urgence, mais bizarrement il se faisait pour le moins attendre. À un moment j'ai senti qu'on me prenait le poignet, et la voix bien connue d'un professeur, ex-médecin de son état, annonça à la cantonade " il n'est pas mort, le pouls bat encore ! ". À l'entendre il venait manifestement de découvrir l'Amérique, et le fusillant des yeux j'ai réussi à articuler " encore heureux ! ".
 
Le " vrai " médecin a fini par arriver, et s'est excusé de son retard, car il avait dû attendre qu'une voiture malencontreusement stationnée devant son garage veuille bien s'en aller. Ultérieurement j'ai appris qu'il était arrivé dans une voiture de prestige, à la mesure de son tour de taille, mais surtout qu'il résidait à 100 m, ce que j'ai pu moi-même vérifier. No comment !
 
Par-delà les tonicardiaques il n'y avait apparemment pas grand-chose à faire, sinon me ramener chez moi et attendre en croisant doigts. Il s'en est suivi 2 jours particulièrement critiques, et huit sans dormir tant les élancements étaient incessants et la douleur intense.
 
Il faut dire que tout le bras était démesurément enflé, et en grande partie tuméfié. Il me semblait peser une tonne, et l'enflure gagnait même l'aisselle et la base du cou. À l'époque le boxeur poids-lourds Cassius Clay, alias Mohamed Ali, était au faîte de sa forme et de sa gloire, et il me souvient qu'à deux petits centimètres près j'égalais son tour de biceps !
 
Au final il aura fallu trois semaines pour totalement récupérer, et reprendre mes activités…. y compris herpétologiques. Dix mois plus tard c'était re-belote, mais cette fois en dehors du cadre professionnel. Les choses se sont relativement mieux passées, du moins au départ, car j'ai bien failli perdre l'usage de mon index droit, voire le doigt lui-même. Il a fallu opérer, et plus de 2 ans ont été nécessaires pour retrouver une mobilité et une sensibilité acceptables.
 
Pour conclure je dirais qu'une troisième édition m' a été très fortement déconseillée, et c'est là un euphémisme. Je me suis donc définitivement tourné vers l'entomologie, mais au gré de mes pérégrinations j'ai toujours grand plaisir à rencontrer des représentants de mon ex grande passion.
 
 
ACCUEIL historiettes
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr