Cela dit l'Anoxia villosa est un coléoptère Mélolonthidé, autrement dit un hanneton au sens large du terme. L'espèce est assez répandue, mais toujours localisée aux zones sablonneuses. A ce titre elle affectionne les espaces dunaires du littoral atlantique et sa larve s'y développe au détriment des racines de divers végétaux. Cet insecte est rarement rare, si je puis dire, et il serait même plus conforme à la réalité (au moins pour la Vendée) de dire que certaines années il est encore plus abondant qu'à l'accoutumée. L'adulte vole le soir et dans la journée il s'ensable au pied de la végétation, et notamment des oyats qui lui offrent protection et relative fraîcheur.
j' escomptais trouver le grand hanneton des dunes, autrement dit Polyphylla fullo (ci-dessous). Encore appelé hanneton des pins ou hanneton foulon, ce grand et bel insecte me faisait en effet rêver, et bien sûr j'avais hâte de m'y frotter.....
En fait j'étais trop tôt pour le fullo, à la fois en soirée et en saison, si bien que je suis tombé sur l'Anoxia qui n'était pas prévu au programme. L'espèce étant cependant nouvelle pour moi, je ne me suis pas fait prier.
Très vite l'envol s'est généralisé, et des dizaines de bestioles se sont mises à tournoyer autour de moi, certaines allant même jusqu'à se poser sur ma modeste personne, dès l'instant où j'arrêtais de marcher. A l'évidence je n'ai pas eu grand mérite à faire une ample moisson, et je suis donc rapidement retourné vers mon engin, toujours accompagné de ma vrombissante escorte.
J'ai alors découvert un étonnant spectacle car de véritables grappes d'Anoxia s'accrochaient sur la mob partout où cela était possible. Certains étaient même entrés dans les sacoches, tandis que d'autres continuaient d'arriver et de tournoyer !
Je n'ai compris que plus tard, c'est-à-dire en examinant ma collecte. De fait la proportion des femelles était extrêmement faible, et vous l'aurez compris il y avait la presse autour des belles. Apparemment il importait peu que la place soit déjà prise, l'essentiel étant en quelque sorte de participer, et en l'occurrence d'espérer.
A noter au passage que l'explication est classique car chez beaucoup d'insectes les mâles éclosent majoritairement avant les femelles, et les premières nées sont évidemment très sollicitées. A titre d'exemple j'ai vu des mâles de papillons s'empresser autour de femelles émergentes dont les ailes n'étaient pas encore complètement développées.
Par ailleurs les Anoxia ont une propension très marquée pour tout ce qui domine le sol, et dans la dune, vous l'avez vu, la fameuse mob et son heureux propriétaire remplissaient éloquemment les conditions requises.
En d'autres occasions j'ai également constaté que les anoxia sont d'une étonnante ponctualité, car les premiers envols se produisent toujours au moment même où le soleil disparaît à l'horizon. C'est véritablement réglé comme du papier à musique, et une seule fois j'ai vu déroger à la règle, et là encore le spectacle était au rendez-vous.
Après plusieurs jours d'un temps exécrable le soleil était enfin revenu. Tout comme moi les Anoxia étaient pressés de se dégourdir les pattes, à telle enseigne que les premiers envols commencèrent alors que l'astre du jour était encore très haut sur l'horizon....et surtout que les mouettes n'étaient pas encore couchées !
Plus les hannetons sortaient, et plus les mouettes rappliquaient. Le concert de leurs cris se faisait assourdissant, et au gré d'évolutions qui tenaient du ballet aérien les malheureux hannetons disparaissaient dans la profondeur des gosiers. Pas un n'y échappait, à l'instar de ces malheureuses petites tortues naissantes que de noires frégates viennent cueillir sur nos écrans TV.
Tout ayant une fin, les envols d'Anoxia commencèrent peu à peu à se tarir, et quand un retardataire prenait son essor, deux, trois, ou quatre volatiles piquaient sur lui dans l'instant. C'était vraiment superbe à voir, car si la plus rapide des mouettes empochait la mise, les autres devaient s'éviter à la faveur d'un zig ou d'un zag, et le plus souvent au dernier moment. Dans d'autres cas le freinage en catastrophe s'imposait, et les corps à la verticale restaient comme suspendus au gré d'ailes battantes brassant l'air à rebours, ou comme crucifiés l'espace d'un instant, ailes figées et largement déployées....