L'APION DES ROSES TREMIERES !
La petitesse de la bestiole fait que les photos et vidéos ne sont pas simples à réaliser, et c'est encore plus vrai sur le vif. Vous devez en effet vous plier au bon vouloir d'une bestiole pas toujours décidée à faire ... ce que voudriez qu'elle fasse ! Il faut donc faire preuve de patience, mais aussi de réactivité, tout en travaillant à "main levée" ... voire au "pied levé" ! Autant dire qu'il faut privilégier un APN alliant simplicité, maniabilité, et performances ... à l'image de mon petit Lumix TZ 30 ! Par-delà les inévitables imperfections je vous souhaite de passer un bon moment en compagnie de cet apion, et comme lui ... "de voir la vie en rose" !
Présentation ... et p'tite parenthèse !
L'apion longirostre, ci-dessous représenté, est un petit Coléoptère faisant partie des très nombreux "charançons" (près de 1500 espèces en France). Numériquement parlant la palme revient aux très atypiques coléoptères que sont les Staphylins, avec 2500 espèces sur notre sol. Toujours pour info, et toujours "chez nous", on dénombre 10862 espèces de coléoptères (source Taxref 2022). Comme tous les "charançons", cet apion porte un "rostre", d'ailleurs fort long, d'où la dénomination latine de Rhopalapion longirostre. Comme vous le verrez cette longueur a sa raison d'être, au demeurant primordiale puisqu'elle conditionne la pérennité de l'espèce.
Au passage vous noterez qu'au fil des ans et des évolutions de la classification des insectes cet apion est passé de la Famille des Curculionidae, à celle des Apionidae, puis des Brentidae ! Par-delà le terme de classification, ceux de nomenclature et de systématique sont non moins valides, là où celui de taxonomie est quant à lui consacré par l'usage, bien que l'Académie des Sciences préconise ... taxinomie! L'entomologie c'est aussi cela, et aux yeux de certains c'est même l'art de couper les cheveux en 4 ! Cela dit vous verrez que les cheveux en question ont leur utilité ... sans pour autant devoir les couper en 4 !
Quasi signature du site, la traditionnelle allumette (ci-dessous) illustre bien la petitesse millimétrique de notre Apion. Il s'ensuit évidemment une grande discrétion de la bestiole, d'autant que les "gendarmes" (Pyrrochoris apterus) sont aussi d'assidus "usagers" des trémières. En raison de leur nombre, de leur taille, et plus encore de leur très voyante parure rouge, ces punaises captent facilement le regard et l'attention, ce qui tend bien sûr à occulter la présence de nos minuscules apions. Les fourmis, elles aussi omniprésentes, font également diversion, et au final notre trio vit selon une sorte d'entente cordiale, si ce n'est en parfaite harmonie. A n'en pas douter cela tient à la luxuriance de la plante qui tel un "garde-manger" abondamment garni n'est pas de nature à favoriser la concurrence, ni l'agressivité pouvant en découler ... si tant est que ces contingences puissent exister !
Nota: cette plante, au grand développement, porte des hampes florales atteignant couramment 1,5 m à 2 m, voire beaucoup plus. La floraison est abondante, les fleurs très grandes, et leur coloration très variée. La rose trémière a la particularité de pousser là où il lui plait, en ce sens qu'elle peut végéter en pleine terre (comme chez moi !), et se complaire dans la caillasse, voire dans une anfractuosité de dallage. C'est le cas par exemple des ruelles de certaines îles océaniques, comme Ré ou Oléron, où elles prospèrent (et c'est peu dire !) quasiment dans le bitume le long des murs et façades des maisons.
Initialement inconnue en France la minuscule bestiole s'est largement répandue et comme elle ne fait pas les choses à moitié, on peut même dire qu'il n'est pas un pied de rose trémière qui lui échappe là où elle sévit. Cet Apion est par ailleurs largement répandu (Europe moyenne et méridionale, Asie mineure, Moyen-Orient, Amérique du Nord) mais nul ne sait comment il est arrivé chez nous, et encore moins comment il peut pareillement progresser ... encore que !
Selon Alain Sadorge (*), Rhopalapion longirostre a été découvert en France en 1982 (Ardèche et Vaucluse), puis il a été trouvé dans l'Hérault en 1983; dans les Alpes-de-Haute-Provence en1984; dans les Bouches-du-Rhône, le Gard, la Drôme, l'Aveyron en1985; dans les Pyrénées-Orientales et la Haute-Garonne en 1989; dans la Vienne, la Haute-Savoie, l' Indre et Loire en1991 ... etc, etc ! Encore absent de Loire-Atlantique (où je réside ! ) en 1994, il y est devenu plus que présent. en l'espace d'une décade. Au fil des ans, et aussi étonnant que cela puisse paraître notre minuscule apion est actuellement arrivé, excusez du peu ... au nord de l'Allemagne (source INPN) !
Bien entendu le vol aisé de cet apion favorise sa dissémination, mais sa propagation est avant tout favorisée par les jardiniers amateurs qui au fil de leurs déplacements (vacances et autres ! ) collectent fréquemment des graines "habitées". A cela s'ajoutent bien sûr la filière commerciale, mais aussi conviviale (jardineries, bourses, etc.) Pour autant cela n'explique pas tout, et la bonne question est de savoir jusqu'où notre minuscule Apion continuera une progression sans doute favorisée par le réchauffement climatique et bien sûr par la présence de mauves en tous genres (alias les "Malvacées" !) hôtes de prédilection de cet insecte.
Dimorphisme sexuel !
Biologie & développement !
Une fois l'emplacement à sa convenance déterminé, la pondeuse y enfonce profondément son rostre, en procédant petit à petit par grignotage. Il lui faut en effet atteindre la surface du noyau central constitué par le très dense compactage des étamines en devenir. Au préalable la bestiole devra perforer la très épaisse et charnue double enveloppe protectrice des sépales (formant le calice de la fleur), ainsi que l'ébauche des futurs pétales.
Au terme de son creusement, et du pertuis ainsi réalisé, la femelle retire son rostre et se retourne illico pour y introduire son ovipositeur, autrement dit son organe de ponte. Ce dernier, très particulier, est à l'image de la démesure du rostre, puisqu' il doit atteindre le fin fond du forage. Hormis son extrémité, seule partie momentanément visible lors de la ponte, l'ovipositeur est en effet doté d'une partie pouvant se qualifier de télescopique, prolongée par une hampe rigide atteignant la quasi longueur de l'abdomen, comme chez les balanins (nota ci-dessous)
Les oeufs (toujours en petit nombre pour chacun des forages) sont déposés à la surface des étamines précitées lesquelles serviront de nourriture aux larvules qui migreront ultérieurement dans les graines une fois celles-ci formées. Les larves, chacune dans leur graine, pourront alors poursuivre leur développement et donner in fine une nouvelle génération de bestioles.
La nature faisant toujours bien les choses (du moins le dit-on !) vous verrez que les larves préparent la sortie des insectes adultes en pratiquant une ouverture dans la très coriace enveloppe de la graine. En prélude à la nymphose cette ouverture sera obturée par un "bouchon" protecteur qui sera en temps voulu perforé, puis peu à peu grignoté pour permettre l'émergence du nouvel apion. Bizarrement l'émergence en question s'apparente souvent à une forme d'accouchement tant elle s'avère laborieuse. Reste à savoir si le trou pratiqué est toujours trop petit ... ou les bestioles toujours trop pressées de se dégourdir les pattes !
En dépit de l'échelonnement des pontes, et donc de celui des développements larvaires et des émergences, il n'y a qu'une génération annuelle à telle enseigne qu'en milieu pourtant confiné les plus alléchants boutons floraux proposés n'ont pas attiré le moindre individu parmi les nombreux émergeants, et ce quel que soit le sexe. Par-delà l'absence évidente de besoins alimentaires la seule préoccupation de cette nouvelle génération était manifestement de me fausser compagnie afin que chacun puisse trouver un gîte d'hivernage à sa convenance. Bien qu'elles soient vivaces, et puissent donc fleurir tous les ans, je rappelle que les roses trémières sont souvent cultivées en bisannuelles ... au grand dam des apions ! En pareil cas la floraison intervient en effet la seconde année, la première étant consacrée à la seule croissance de la plante.
1)- Prélude à la ponte !
On dira que notre Rhopalapion longirostre peut s'avérer nuisible aux roses trémières, sous réserve de véritablement pulluler. En cas d'infestation "normale" le nombre des graines, toujours très important, me paraît une sauvegarde suffisante ... mais c'est là un avis personnel !
(*) Résumé de conférence (Bulletin de la Société des Sciences Naturelles de l'Ouest de la France, nouvelle série, tome 16, N°4, 1994, page 160)