Intro !
En matière de faunistique, ou de floristique, le choix d'une dénomination latine n'est pas rien, car par principe cette dernière accède à la pérennité et à l'universalité d'usage. C'est ainsi qu'en son temps (1775) notre Boarmie fut décrite sous le nom de "roboraria", et sans doute fort flattée de se voir par le fait associée au Quercus robur (lui même décrit en 1753), et donc au chêne pédonculé, l'essence reine de nos forêts.
Egalement appelée "Phalène du rouvre" (sous entendu du chêne rouvre), la Boarmie du chêne relève des Geometridae (550 espèces en France) et donc de la plus importante Famille de notre faune lépidoptérologique, du moins après les Noctuidae (650 espèces, là aussi "bien de chez nous"). Vous noterez l'existence, et souvent la coexistence, d'espèces morphologiquement voisines, voire très voisines. Pour info on peut citer la Boarmie rhomboidale (Peribatodes rhomboidaria), la Boarmie ponctuée (Aethalura punctulata), ou encore la Boarmie parente (Serraca punctinalis) également appelée l' "Affermie". Je vous fais grâce de la Boarmie festonnée, de la Boarmie ceinte, de la Boarmie veuve, de la Boarmie lunulée, de la Boarmie du sapin ... et j'en passe ! Autant dire qu'avec ces bestioles le "mélange de pinceaux" n'est jamais bien loin.
La Boarmie du chêne atteint une envergure de 40 à 50 mm, et à ce titre c'est l'une des plus grandes Boarmies, sinon la plus grande. Largement répandue en France, et même bien au-delà de nos frontières, cette Boarmie affectionne évidemment les forêts de feuillus, et plus généralement les zones plus ou moins boisées de moyenne altitude. L'espèce vole habituellement de Mai à Juillet, mais une seconde génération (septembre), cette fois partielle, est possible au sud de son aire. Ce papillon n'est pas rare, mais jamais abondant.
Par-delà leur morphologie, parfaitement illustrée ci-dessous, il est comme toujours très difficile de chiffrer le nombre d'oeufs quand ces derniers sont émis plus ou moins isolément, comme dans le cas présent. C'est encore plus vrai quand la bestiole s'alimente, d'où une durée de vie nettement supérieure aux espèces livrées "prêtes à pondre" par Dame Nature. Dans ce dernier cas tous les oeufs sont en effet formés avant l'émergence du papillon, là où les ovaires des autres espèces continuent de "produire" jusqu'à ce que mort s'ensuive. Bien entendu, quand il est possible, l'élevage facilite grandement cette ... comptabilité !
Là où les chenilles "normales" comptent 5 paires de "pattes ventouses" abdominales, celles des Géomètres (= Phalènes) en ont seulement 2 paires. Ces dernières étant de plus localisées à la toute extrémité de l'abdomen, il s'ensuit un mode de déplacement très particulier, d'où le nom de chenilles "arpenteuses". Vous noterez que la réduction du nombre des pattes ventouses, et donc des "accroches" sur le support, est compensée par le très fort développement de la "pince anale", et des 2 ventouses la précédent (comme ci-dessous illustré).
Vous remarquerez surtout l'étonnant mimétisme de cette chenille qui ressemble à s'y méprendre à une branchette de bois mort. La forme, la couleur, la position au repos, la parfaite immobilité, les pattes jointes, ... tout est fait pour ! Vous noterez que ce mimétisme est à la fois "homochromique" ( = même couleur ! ), mais aussi "homotypique" ( = même forme ! ) ... position en sus ! En cela cette homotypie est en effet doublement exemplaire, car elle va encore au-delà de celle du phasme dont la ressemblance avec une brindille fait pourtant référence.
Pour finir vous noterez que cette chenille atteint 50 mm, et qu'elle se développe évidemment sur le chêne, mais aussi sur le hêtre, ou encore le bouleau. Vous noterez également qu'elle hiverne, et qu'il s'ensuit un temps de développement particulièrement long. Présentement il aura été de 8 mois 1/2 , mais la douceur de la côte atlantique laisse supposer des temps de développements encore supérieurs là où les températures sont moins clémentes.
Entre les aléas inhérents à tout élevage, et les inévitables contingences familiales, le suivi du très long développement de cette chenille ( plus de 8 mois je le rappelle ! ) n'est pas exempt d'incertitudes, voire d'imprécisions. A titre d'exemple j'arrive à 6 stades larvaires, là où leur nombre est habituellement de 5, mais je ne saurais dire si ce stade a priori surnuméraire est lié au sexe, à l'espèce, à la longueur du développement, ou encore aux conditions d'élevage, ces divers facteurs étant effectivement possibles ... comme peut l'être une erreur de ma part !
Issues d'une femelle sauvage en fin de vie, et d'une ponte par le fait résiduelle, mon cheptel comportait seulement ...7 chenillettes ! En pareil cas la gestion s'en trouve facilitée, mais dans le même temps on doit redoubler de vigilance car la moindre négligence ou maladie peut réduire à néant des mois de travail ... et renvoyer aux calendes grecques la "page entomo" espérée.