ACCUEIL - COLEOPTERES - LEPIDOPTERES - AUTRES -VIDEOS - HISTORIETTES - NEWS - LIENS - WANTED ! - MAILS d'OR -
 
 
LE CIGARIER du BOULEAU (Deporaus betulae) !
( Coléoptère Curculionidae )
 
 (page 2 sur 3)    
 
- pour quitter les agrandissements faire "page précédente" dans votre navigateur -

Avant-propos !

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il me semble bon de situer ces insectes dans leur contexte "familial ", lequel est caractérisé par le foisonnement des espèces, et par des particularismes biologiques et morphologiques qui s'apparentent parfois à de véritables "curiosités".

Les "Cigariers" sont de petits Coléoptères qui relèvent de l'immense Famille des Curculionidae ( 1325 espèces en France ! ), autrement dit des "Charançons", au sens très large du terme. Les "membres" de cette Famille sont principalement caractérisés par la présence d' un "rostre" plus ou moins allongé, lequel prolonge la tête et porte les pièces buccales à son extrémité. Le rostre en question peut parfois égaler la longueur du corps, comme chez les Balanins que j'ai la faiblesse de trouver charmants (ci-dessous).

exemple de balanin (sur doigt) ! Portrait de balanin Exemple de balanin (sur allumette)
Une bonne "bouille", et un rostre qui n'en finit pas de finir !
Suivant les espèces, les larves des curieux balanins évoluent dans les glands, les noisettes, ou encore les châtaignes
 
A l'inverse le rostre peut être court et massif, comme chez la Bruche du haricot (cf. page entomo) bestiole qui sous forme de larve ou d'adulte peut se retrouver dans votre assiette, et bien souvent aller au-delà à votre insu. Personne n'en meurt ( à part la bestiole ! ), mais sauf à être entomophage ( voir page entomo ! ) défiez-vous de la "mojette" ou du "lingot" porteur d'une petite tache noire plus ou moins diffuse. Il s'agit en effet de la bruche qui attend tranquillement son heure, et transparaît ainsi sous l'enveloppe du haricot où sa larve s'est développée. Quant à cette dernière disons qu'elle se confond aisément avec le germe de la graine, ce qui lui assure de se retrouver illico ( et incognito ! ) dans votre estomac ... "comme lettre à la poste" ! 
 
Intro !

Par une belle journée de Mai, je vous laisse imaginer une balade champêtre au fil d'un petit chemin arboré ponctué d'aulnes, noisetiers, et bouleaux. De mon côté j'imagine votre surprise quand vous y découvrez çà et là, appendus sous les feuilles, des sortes de mini "pétards" pouvant atteindre 6 cm de longueur, si ce n'est plus ! Issus de feuilles savamment découpées et enroulées, ces "cigares", puisque tel est leur nom, sont l'œuvre de bestioles aussi douées que ces femmes cubaines (les "torcedoras" !) qui subliment l'art de rouler les cigares du genre "barreaux de chaises", chers à Jacques Dutronc !

 
Les "Cigariers"... généralités !

Pour les initiés ils relèvent de la Famille des Attelabidae. Plusieurs dizaines d'espèces sont présentes en France, d'où la diversité des végétaux concernés, mais aussi des modes opératoires. Il s'ensuit des cigares courts, allongés, coniques, cylindriques, le point d'ancrage au niveau de la feuille pouvant lui-même varier (pétiole, nervure principale, limbe). Les cigares servant de nourriture aux larves, et donc de réceptacle aux oeufs, le nombre de ces derniers (1 à 6 en général) est sans doute fonction de l'espèce, mais aussi de leur taille en regard du volume consommable, logiquement déterminé par les dimensions de la feuille !

Les choses sont cependant moins simples qu'il n'y paraît, car les cigares en question doivent impérativement tomber, et cela pour 2 raisons. D'une part la nymphose de l'insecte se fait dans le sol, et d'autre part le cigare doit bénéficier d'une certaine humidité pour être consommable. En d'autres termes un cigare qui ne tombe pas devient rapidement immangeable pour une jeune larve, car trop dur, et surtout trop sec, comme le saucisson du même nom peut parfois le devenir.

Le cigarier, à la fois noir et minus ( 3,5 mm ! ) qui a initié cette page entomo est le Deporaus betulae (= femoralis Latr. = femoratus ol.), lequel vit donc sur le Bouleau, mais aussi sur l'Aulne, le Charme, ou encore le Noisetier, arbuste très apprécié par chez moi ... voire plébiscité ! Bien entendu il y a des espèces nettement plus grosses, et plus vivement colorées, telle Apoderus coryli, le curieux "poinçonneur des noisetiers" (voir site ! )

Certaines espèces sont nuisibles, entre autres pour la vigne, (via le très polychrome Byctiscus betulae) l'insecte adulte provoquant la chute des jeunes pousses en les attaquant à la base. Les adultes et larves des "cigariers" sont phytophages, comme le sont tous les Curculionidae.

Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  "à table",photo 1 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  "à table",photo 2 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  "à table",photo 3 ............. Exemples chromatiques de Bysticus betulae
à gauche : exemples de Deporaus betulae "attablés"; à droite : trio de Bysticus betulae illustrant bien la variabilité chromatique de cette espèce. En dépit de son nom, cet autre cigarier peut s'avérer nuisible à la vigne, bien qu'il soit lui aussi censé préférer le bouleau..

Deporaus betulae ... morphe et dimorphisme !

Comme déjà dit, la bestiole est entièrement noire, très petite, et la traditionnelle allumette permet d'en juger. Le mâle se distingue aisément par l'ampleur de ses fémurs postérieurs lesquels valent largement les biceps du célèbre "Popeye". Reste que tout le mérite de l'ouvrage revient à la femelle, le minuscule insecte montrant pour ce faire d'une force très inattendue, et d'un savoir-faire qui pour être instinctif n'en surprend pas moins ... et cette "page entomo" en témoigne !

Cigarier du bouleau (Deporaus betulae) femelle, photo 1 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae) femelle, photo 2 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae) femelle, photo 3..................Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  mâle, photo 1 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  mâle, photo 2 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  mâle, photo 3
ci-dessus à gauche : morphologie de la femelle ! à droite : le mâle et ses gros "biscotos" postérieurs !
ci-dessous: "déambulations cigarières" !
Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  in natura, photo 1 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  in natura, photo 2 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  in natura, photo 3 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  in natura, photo 4 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  in natura, photo 5 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  in natura, photo 6 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  in natura, photo

A titre d'exemple, la nervure centrale faisant présentement office de "clé de voute" doit être attaquée "pile poil" de façon à permettre à la fois la confection du cigare, et sa chute ultérieure une fois sec ( à l'occasion d'un coup de vent par exemple). Trop attaquée, et le futur cigare tombera en cours d'ouvrage. Pas assez attaquée, et le cigare restera appendu, ou tombera trop tardivement, d'où la condamnation de facto des larvules.

Chez les Cigariers tout se passe au niveau de la reproduction, à savoir dudit "cigare", et notre Deporaus betulae ne fait pas exception à la règle. On peut même dire qu'il compte parmi les espèces les plus "douées", comme les "cigares" ci-dessous en témoignent. D'aucuns vous diront qu'il s'agit plutôt de "pétards", cette forme ayant d'ailleurs sa raison d'être, tant au niveau biologique que technique.

Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   groupe de cigares, photo 1 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   groupe de cigares, photo 3 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  groupe de cigares in natura Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  détail d'un cigare, in natura
Exemples de cigares "in natura".
 
Il va sans dire que tout cela représente un véritable travail de titan, et que l'insecte n'a pas trop de ses 6 pattes (et de son rostre!), pour le mener à bien. Là encore l'illustration ci-dessous est particulièrement éloquente. A noter qu'il n'est pas toujours évident de trouver la bestiole, et encore moins de la surprendre en plein ouvrage. Par-delà une période d'apprition réduite, et de plus tributaire de la météo du lieu et du moment, il faut en effet compter avec sa petitesse et le fait qu'elle s'envole ou se laisse tomber à la moindre alerte. Particulièrement efficace cette technique défensive est usitée chez de nombreux insectes, y compris à l'état larvaire (chenilles par exemple). A noter également qu'une même femelle est à coup sûr capable de confectionner 2 à 3 cigares par jour, mais j'avoue ignorer le chiffre global. A l'occasion, merci à qui pourra me le préciser!
 
Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  rapport de taille entre l'insecte et son cigare Cigarier du bouleau (Deporaus betulae) comparaison entre l cigare à l'échelle d'une allumette.
ci-dessus : l'oeuvre ( + 60 mm ! ) ... et son artisan ( 3,5 mm ! ).
Remarquer la taille de la bestiole en regard d'un "cigare", et celle du cigare, en regard de l'allumette.
ci-dessous : un "pétard" pouvant se qualifier de record !
Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   grand cigare en main Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   grand cigare , sous la toise !
 
Le "secret" du cigarier !

C'était à la mi-Mai, en bordure d'une allée forestière, et la chance aidant je suis tombé sur un noisetier où les cigares étaient particulièrement nombreux, et les "manufacturiers" eux aussi bien présents. Ne pouvant m'attarder (en dépit d'observations déjà prometteuses!), j'ai pu récupérer un petit lot de bestioles, lesquelles se sont très vite retrouvées au jardin, sur un noisetier en quelque sorte "vierge".

Dès le lendemain plusieurs cigares "pendouillaient" déjà au bout des branchettes, et à maintes reprises j'ai pu voir la minuscule bestiole à l'oeuvre, qu'il s'agisse de la découpe de la feuille, ou du plus "énigmatique" enroulement du cigare.

a)- le choix de la feuille !

Elle est manifestement préférée horizontale, ou inclinée vers le sol en deçà de 45°. La taille importe peu, si ce n'est qu'elle influe évidemment sur la longueur du cigare, et non moins logiquement sûr la durée de la découpe, laquelle est de l'ordre d'1 h en moyenne.

b)- la découpe !

Elle se fait transversalement, généralement entre le milieu et le 1/3 supérieur de la feuille, et selon une sinuosité globalement constante propre à l'espèce. La nervure centrale n'est que "mâchouillée" ( si je puis dire ! ) sur une longueur de 5 à 10 mm, ce qui va créer un point faible, expliquant que la partie foliaire sectionnée puisse basculer d'un coup (sous l'effet de la gravité et de son propre poids), pour se retrouver appendue à la verticale, dès l'achèvement de la coupe transversale.

A noter que le basculement de la partie sectionnée est souvent aussi brutal que spectaculaire, si bien que la bestiole a tout intérêt à se cramponner pour ne pas chuter (imaginez que vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis !). En cas de vent la bestiole use d'une astuce peu banale. Les nervures secondaires de la 2e moitié de la feuille sont en effet incomplètement sectionnées et une fois arrivée au terme de découpe la fûtée bestiole revient sur ses pas et achève les nervures une à une ce qui réduit l'effet drapeau, généré par le vent, et donc le flottement de la partie sectionnée. Toujours pour résister au vent les tarses de la bestiole comportent de véritables crampons (les "pulvilli") griffus, lesquels joueront d'ailleurs un rôle primordial lors de la confection des fameux cigares

A noter encore que le "mâchouillage" de la nervure centrale va tarir le flux de sève, parachevant ainsi le processus de flétrissement du végétal, ce qui favorise évidemment l'enroulement du cigare, mais aussi son dessèchement ultérieur, et à terme sa chute. Le découpage se fait toujours sur le dessus de la feuille, le plus souvent de gauche à droite, la bestiole se placant toujours sur la partie qu'elle découpe. Vous noterez également qu' elle se positionne, toujours là encore, perpendiculairement à la coupe, d'où son déplacement latéral (en "crabe") au fur et à mesure de la découpe.

 
Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   schéma de découpe des feuillesCigarier du bouleau (Deporaus betulae)   découpe typique.
De la théorie à la pratique !
à gauche : schéma de principe du découpage; à droite : exemple !
 
L'art du découpage !
 
Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 1 bCigarier du bouleau (Deporaus betulae)  découpe typique, détail.
La découpe d'une feuille, vues globales et détails.
Sur la photo ci-dessous la plus à droite : la bestiole est revenue parfaire le "mâchouillage" de la nervure centrale afin que la partie découpée de la feuille, restée horizontale, passe à la verticale, comme il se doit
Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 2 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 3 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 4 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 5 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe,  détail.
 
 
Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 7 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 8 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 9 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 10 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 11. Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)   phase de découpe, photo 12
Autres scènes illustrant la découpe des feuilles, et le savoir faire du minuscule "artisan".
 
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr