A l'image de la coccinelle, le Lampyre ou ver luisant ( ci-contre ! ), est un insecte très populaire, et quel que soit notre âge c'est toujours un petit bonheur de voir son lumignon resplendir par une belle nuit d'été.
Présentation !
Comme la coccinelle c'est un Coléoptère, et comme elle c'est un redoutable prédateur. La comparaison s'arrête là car notre Lampyre est par ailleurs un insecte bien peu ordinaire et nous allons voir en quoi consiste son originalité ... et plus exactement ses originalités !
La plus connue de ses particularités, est bien sûr la faculté qu'il a d'émettre une lumière très nettement discernable, et à la fois quelque peu irréelle tant elle donne l'impression d'émaner de nulle part. Cette bioluminescence, puisque tel est son nom, est effectivement peu banale car il s'agit d'une lumière dite froide c.a.d. ne dégageant aucune chaleur. Sans entrer dans le détail du processus biochimique la générant, disons que cette luminescence résulte de l'oxydation enzymatique d'une graisse très spécifique.
Par référence à la bionique notez au passage que notre Lampyre a inventé le concept de la lumière froide bien avant l'homme. Notez également que ce type de lumière est tout particulièrement adapté à l'observation rapprochée (loupe binoculaire par exemple) du matériel biologique vivant, et donc fragile par définition. Bien entendu dans ce dernier cas le processus d'obtention est plus électronique qu'enzymatique !
Enfin, est-il besoin de le préciser, larves et adultes sont actifs de nuit, et donc lucifuges. A ce titre ils fuient la lumière du jour en se réfugiant sous les bois tombés, les pierres, la litière, les plantes herbacées. Ils y trouvent l'humidité (pouvant faire défaut ailleurs) qui leur est nécessaire, et à l'occasion un possible déjeuner, escargots et limaces recherchant également cette même humidité.
Morphologie et dimorphisme sexuel !
Notre ver luisant, qui d'ailleurs n'a rien d'un ver, se singularise par un dimorphisme sexuel véritablement hors normes car si le mâle a tous les attributs d'un coléoptère qui se respecte, et entre autres une paire d'élytres, on peut dire que la femelle ressemble à tout, sauf précisément à un coléoptère. Tout d'abord on notera son aptérisme total, phénomène toujours extrêmement rare chez les coléoptères (Pachypus candidae par exemple), mais bien connu chez d'autres insectes tels certains Lépidoptères nocturnes, comme Orgyia antiqua ci-dessous présenté. On notera aussi et surtout que la femelle adulte conserve une morphologie de type larvaire tout au long de sa vie, ce qui est tout à fait exceptionnel pour un coléoptère, mais peut se rencontrer chez d'autres insectes, tels les termites, encore faut-il préciser qu' il s'agit de femelles néoténiques, et donc non adultes sensu stricto (cf. page entomo "termites".)
Tout le monde vous le dira, c'est le lampion des femelles qui attire les mâles, et c'est vrai. Par contre ce n'est pas lui qui initie l'accouplement proprement dit, sinon comment expliquer les "coïts" en plein jour ( comme ci-dessous ! ), de plus à répétition, et bien sûr "tous feux éteints" ... si je puis dire ! En fait l'attraction visuelle ( et donc le fameux lampion ! ) est logiquement suivie d'une incitation chimique via les classiques phéromones sexuelles. Je rappelle que ces dernières sont le plus souvent émises par les femelles, et qu'elles sont propres à chaque espèce d'insecte ( d'où l'utilisation de phéromones de synthèses en agriculture biologique, le principe étant bien sûr d'attirer les mâles, afin de les détruire, et d'ainsi limiter la reproduction d'insectes nuisibles).
Le lampion !
La nuit venue les femelles vierges allument leurs lampions, qu'elles éteindront dès qu'un mâle sera venu les visiter. En cette attente, et afin de déjouer la concurrence, la bestiole fait en sorte d'exposer au mieux son "enseigne lumineuse" et donc la partie ventrale de son extrémité abdominale. Pour cela elle s'efforce de gagner un peu de hauteur en profitant des opportunités du substrat environnant (tige sèche, pierre, branchette de bois mort, etc...). Avec un peu de chance ( ou en regardant la vidéo ! ) vous verrez qu'elle agite parfois son petit fanal, tel le drapeau rouge des chefs de gares d'antan, afin de mieux capter l'attention des mâles en maraude la survolant. Au passage je rappelle le caractère hautement incitatif du mouvement, notamment en matière de prédation où le simple fait de bouger fait office de déclencheur. Si une grenouille a par exemple repéré une mouche immobile, il suffit que cette dernière se dégourdisse une patte ... et c'en est fini pour elle !
Vous noterez qu'au pays des lampyres tout le monde a sa "loupiote", mais sans jamais égaler la puissance de celle de la femelle. Cela vaut notamment pour les larves et nymphes des 2 sexes, et le fait de fréquemment les voir "s'allumer" au moindre dérangement incite à privilégier une réaction défensive, mais c'est là une simple hypothèse.
Les mâles sont également dotés d'organes lumineux, sous la forme de 2 très nets "points chauds", mais leur prétendue absence n'est pas dénuée de tout fondement. En effet, la brièveté des "allumages", et une réactivité des bestioles assez aléatoire, ne facilitent pas l'observation des phases luminescentes. D'autre part, et ce n'est pas le moins étonnant, certains mâles ne s' "allument" jamais, et pour l'heure j'avoue ne pas avoir d'explication.
Comme vous le verrez ci-dessous, la comparaison avec la Sésie apiforme (Lépidoptère ressemblant à un frelon) est pour le moins troublante. En effet chez notre lampyre il y nettement extrusion de ce qui ressemble fort à des glandes atriales, organes connus pour générer les fameuses phéromones. J'ajouterais que les mouvements attractifs du lumignon, sont également de nature à favoriser l'émission et la dispersion de phéromones, à voir en vidéo ( guère spectaculaire, mais original et instructif ! ). Au final, et comme déjà dit, le lampion sert uniquement à attirer le mâle à proximité de la femelle, et les accouplements diurnes, y compris en main (à voir en vidéo là encore) en témoignent. J'ajouterais qu'il ne s'agissait pas de femelles vierges, mais de bestioles ayant déjà passé la nuit précédente "in copula", d'où la persistance ou le renouvellement des phéromones au-delà de l'accouplement "primaire", ce qui là encore sort de l'ordinaire. Est-il besoin de le préciser, la "disponibilité" des mâles est à la mesure de celle des femelles ... si ce n'est plus !