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le SPHINX du TROÈNE (Sphinx ligustri) !
(Lépidoptère Sphingidae)
 
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Intro !
 
Alors que les hirondelles font le printemps, et les coccinelles la joie des enfants, les chenilles sont réputées "sales", "affreuses", "hideuses", "répugnantes", "dégoûtantes", "repoussantes".....et j'en passe. De plus elles ont l'impudence de dévorer nos salades ....et pour comble de donner des boutons !
 
Les représailles sont censément à la mesure, et les "pôv chenilles" finissent bien souvent sous la semelle d' un pied rageur, au point de s'y retrouver aussi complètement "écrabouillées" qu'une "Rolex" de contrefaçon sous le rouleau compresseur des Douanes !
 
Bien que certaines puissent effectivement nuire ( encore que ce ne soit pas de leur faute ! ), et que d'autres soient dignes de la palette d'un peintre (sans l'avoir voulu là non plus ! ), je rappelle qu'une chenille c'est avant tout un futur papillon, et donc vie et couleurs au jardin, là même où l'insecticide sèmerait la mort.
 
J'ajouterais que sur les 5000 espèces françaises de papillons, et donc de chenilles, 3 seulement sont vraiment urticantes, ce qui est fort peu, même s'il est plus facile de les rencontrer que de décrocher le jackpot d'une bien connue loterie.
 
Présentation
 
Le Sphinx ligustri, ou Sphinx du troène , est l'un de nos plus grands Sphingidae, Famille de papillons nocturnes représentée en France par plus d'une vingtaine d'espèces. C'est aussi l'un de nos plus grands papillons, toutes espèces confondues, son envergure alaire atteignant la douzaine de cm. Comme tous les Sphingidae, ligustri est un excellent voilier.
 
 
Sphinx du troène..... Sphinx du troène étalé.... (Sphinx ligustri)
exemplaire étalé (collection ! )
 
 
Contrairement à la trompe démesurée (10 à 12 cm) du Sphinx du liseron (Agrius convolvuli), celle de ligustri est très courte, et j'avoue ne pas être certain qu'il puisse véritablement s'alimenter, sauf à "suçoter" je ne sais quoi. La durée de vie des Sphinx est courte, et toute entière axée sur la reproduction, ce qui est assez habituel chez de nombreux insectes, et plus encore chez les papillons.
 
Le Sphinx du troène est largement répandu, mais il n'abonde jamais, sans pour autant être rare. Selon qu'il vive à Lille ou Marseille, si je puis dire, il a une ou deux générations annuelles ( = "monovoltin" ou "bivoltin").
 
Sphinx ligustri femelle (début Juillet) photo 1 Sphinx du  troène (Sphinx ligustri) photo 2 Sphinx du  troène (Sphinx ligustri) photo 3 Sphinx du troène (Sphinx ligustri) phto 4 Sphinx du troène (Sphinx ligustri) phto 5 Sphinx du troène (Sphinx ligustri) phto 6
 
exemples de Sphinx du troène sur le vif (début Juillet)
 
Sphinx ligustri femelle (début Juillet) Sphinx ligustri femelle (début Juillet) Sphinx ligustri femelle (début Juillet) Sphinx du troène (Sphinx ligustri)
 
 
Détails !
Sphinx du troène (Sphinx ligustri) détail du graphisme thoracique Tête de Sphinx du troène "portrait" du Sphinx du troène spiritrope de Sphinx du troène
de gauche à droite: 1)- détail du graphisme thoracique; 2)- profil de la tête; 3)- vue faciale; 4)-
trompe spiralée (= "spiritrompe") prélevée sur insecte de collection .
Vous noterez que celle du Sphinx du liseron atteint la longueur record (pour la faune française) de 10 cm. 
 
Le dimorphisme sexuel et l'accouplement !

Comme chez la plupart des Sphinx, le dimorphisme sexuel est plus que discret, voire nul pour le profane. Les femelles sont en principe plus grandes, et l'abdomen logiquement plus volumineux, mais ce n'est pas toujours évident quand la ponte est bien avancée. Par opposition l'abdomen des mâles est plus pointu et il se termine par 2 valves génitales accolées qu'avec un peu de chance vous verrez s'ouvrir ... et se refermer !

Dans l'incertitude il vous reste le "détail qui tue", à savoir le frein alaire, parfois appelé "joug". Bien visible chez le mâle, il est localisé au revers des ailes, non loin de leur insertion sur le thorax Il s'agit d'un astucieux dispositif de couplage des ailes (de surcroît "réglable" ! ) permettant d'améliorer les qualités et performances du vol. Comme les illustrations ci-dessous le montrent, ce frein est constitué d'une forte soie (implantée sur le bord antérieur de l'aile postérieure), sur laquelle s'enroule une bride spiralée formant ressort, située cette fois sur la bordure costale de l'aile antérieure. Est-il besoin de le préciser, ce frein a ma préférence, et quasi instinctivement mon premier coup d'oeil est pour lui .... la bête s'en trouvant sexée en une fraction de seconde !

 
Sphinx du troène (Sphinx ligustri), extrémité abdominale du mâle. ......... Sphinx du troène (Sphinx ligustri),  localisation du frein . Sphinx du troène (Sphinx ligustri), détail du frein.
 à gauche: lors de l'accouplement les valves génitales enserrent l'extrémité abdominale de la femelle, à la manière d'une pince, et concourent ainsi à la cohésion du "tandem"; à droite: le fameux frein alaire ... qui permet de voler plus vite ! ... comprenne qui pourra ! Vous noterez sa localisation, sa petitesse, et néanmoins son excellente visibilité, du moins chez les mâles ... et pour un oeil averti !
 
La femelle est réceptive 48 h après son émergence, ou plus exactement la seconde nuit, et en règle générale son attente est très vite "récompensée" tant les très attractives phéromones sexuelles sont efficaces. L'accouplement proprement dit dure généralement toute la nuit ... et souvent très largement au-delà ! A titre d'exemple un accouplement observé à 22 h s'est prolongé jusqu'au lendemain 16 h, et au royaume des Sphinx cela n'a rien d'exceptionnel.
 
Sphinx du troène (Sphinx ligustri), accouplement, photo 1. Sphinx du troène (Sphinx ligustri), accouplement, photo 2. Sphinx du troène (Sphinx ligustri), accouplement "en main"
"Flag" nocturne !
 
Sphinx du troène (Sphinx ligustri), accouplement, photo 3 Sphinx du troène (Sphinx ligustri), accouplement, photo 4 Sphinx du troène (Sphinx ligustri), accouplement "en main", photo 2 Sphinx du troène (Sphinx ligustri), accouplement en "suspension".
 ... et des prolongations diurnes nettement plus prolongées que celles du foot !
à droite: vous noterez l'accouplement en "suspension", et partant l'efficience de l'uncus, véritable "crochet d'attelage", permettant (avec les valves ! ) le maintien de la femelle lors de l'accouplement. Vous noterez enfin la rituelle prise en main, ressentie comme une sorte de "communion" avec la Nature.
 
La ponte !

La ponte commence la nuit suivant l'accouplement, et elle peut se prolonger plusieurs jours , voire plusieurs semaines, y compris en élevage si la prise de nourriture est régulière et suffisante. Les oeufs sont joliment verts, relativement gros, et ils sont le plus souvent pondus au revers des feuilles nourricières, tantôt isolément, tantôt par lots comme ci-dessous. Présentement j'ai obtenu une cinquantaine d'oeufs, mais il s'agissait d'une femelle sauvage, et à coup sûr d'un reliquat de ponte. Ultérieurement une femelle captive a été nettement plus prodigue puisqu'elle m'a gratifié de ...avant de recouvrer sa liberté.

abdomen d'une femelle de Sphinx ligustri oeufs de Sphinx du troëne (Sphinx ligustri) ............. Sphinx du troène (Sphinx ligustri),  oeufs, détails, photo 1. Sphinx du troène (Sphinx ligustri), oeufs, photo 2.
à gauche: abdomen de femelle avant ponte (pas vraiment "prometteur" ! ), et une partie des oeufs pondus (photos 2008)
à droite: 5 ans plus tard ... belle illustration des avancées technologiques en matière d'APN "grand public" !
  
La chenille .... généralités !
 
La chenille du Sphinx du troène compte parmi les plus belles, et les plus grosses, qui puissent se rencontrer en France. Hormis celle du Grand paon de nuit (voir site), il n'est guère que le fabuleux Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) pour la supplanter en taille et beauté. J'ajouterais que la posture de prédilection de ces 2 chenilles (ligustri & atropos), n'est pas sans rappeler la très symbolique "hiératique attitude", du célèbre Sphinx de Gizeh ... d'où les dénominations de Sphinx et de Sphingidae, respectivement attribuées à ces papillons, et à leur Famille ...CQFD !
 
Bien entendu cette chenille se développe sur les troènes, y compris les haies "urbanisées", mais aussi sur les frênes, forsythia, sureaux, et lilas. Selon Michel Henrotay (Michel111949) la Spirée Vanhoutei est également appréciée, et même préférée aux mets plus classiques quand ces derniers sont simultanément proposés. Le développement de la chenille est rapide, et à titre d'exemple moins de 4 semaines se sont écoulées entre la naissance des "chenillettes", et leur arrivée à maturité.
 
Typiquement la plupart des chenilles de Sphingidae portent une sorte de corne ( = "scolus"), plus ou moins différenciée, à l'extrémité de l'abdomen. Celle du Sphinx du troène est particulièrement développée, et acérée, mais en dépit de ses allures d'aiguillon elle est parfaitement inoffensive et bien incapable de provoquer la plus minime blessure, d'autant que la chenille est aussi réactive ....qu'une saucisse de Strasbourg !
 
Sphinx du troène (Sphinx ligustri), lot de chenilles en élevage Sphinx du troène (Sphinx ligustri), chenille en position typique du sphinx, photo 1 Sphinx du troène (Sphinx ligustri), chenille en position typique du sphinx, photo 2 Sphinx du troène (Sphinx ligustri),  lot de chenilles en fin de développement. Sphinx du troène (Sphinx ligustri), détail du "scolus" ou corne.
 de gauche à droite: 1)- à ce stade l'appétit va bon train et le sécateur est de sortie tous les jours; 2 & 3)- la sphinx attitude ! 4)- chenilles au maxi de leur taille; 5)- le fameux et inoffensif scolus. Apanage des chenilles de sphinx, cette "corne" reste une énigme, car nul ne sait si elle a sa raison d'être ou pas, autrement dit si elle sert à quelque chose ou pas ... et si oui, à quoi !
 
 La chenille .... développement !

Quelque soit l'espèce, le suivi des 5 stades larvaires d'une chenille n'est pas toujours évident. C'est encore plus vrai quand la livrée de la bestiole est du genre "invariable", ou que vous menez plusieurs élevages de front. C'est là mon lot quotidien, et en plus je vous fais grâce des coléoptères et autres "pensionnaires" à 6 pattes. Pour cette chenille vous devrez donc vous contenter d'un suivi plus chronologique que biologique, cette simplification préservant bien sûr l'essentiel.

  
3 juillet chenille naissante de Sphinx ligustri chenille naissante de Sphinx ligustri chenille naissante de Sphinx ligustri chenille naissante de Sphinx ligustri 8 Juillet
 de gauche à droite: 1 à 3)- chenilles naissantes (remarquez la longueur de la "corne";
4)- les chenilles, c'est comme les champignons: ça pousse vite !
 
 
15 juillet chenille de Sphinx ligustri (jeune) chenille de Sphinx ligustri (jeune)
 à gauche: la "robe", vert foncé, se fait granuleuse, et rayée de jaune.
à droite: les rayures sont encore jaunes, mais le vert s'est éclairci.
(vous noterez que la distension des téguments, derrière la tête ,témoigne de la toute proximité d'une mue)
 
 
chenille en "sphinx attitude" chenille en "sphinx attitude" chenille en "sphinx attitude" (photo 3) 20 juillet
A gauche: le tégument est encore "granuleux", mais les stries blanches et violacées se précisent. Au centre et à droite: la taille maximale est proche, la coloration définitive est acquise, et le tégument, parfaitement lisse, est d'une extrême douceur. Vous noterez la "Sphinx attitude", particulièrement patente chez cette espèce. J'ajouterais que la chenille adopte cette position en maintes circonstances, et qu'il ne s'agit donc pas d'une réaction purement défensive.
 
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr