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la NÈPE CENDRÉE ou SCORPION d'EAU !
(Nepa cinerea, Hétéroptère Nepidae)
 
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Intro !
 
Elle n'a de cendrée que le nom, car compte tenu de son mode de vie sa couleur est plutôt vaseuse, terme à prendre au sens propre ... encore que la vase ne soit pas modèle de propreté ! A cela s'ajoute l'assombrissement important issu du mouillage des téguments, d'où un aspect final nettement plus charbonneux que cendré. Par ailleurs si son allure générale évoque effectivement celle du scorpion, elle n'en a pas l'attribut principal, à savoir l'aiguillon venimeux. Reste qu'au premier abord ( et même au second ! ) cet insecte aquatique incline plus à une certaine défiance ( voire une défiance certaine ! ) qu'il n'inspire de sympathie. Comme vous le verrez la bestiole vaut néanmoins le détour ... d'où cette "page entomo" !
 
Présentation !
 
Pour l'entomologiste la Nèpe cendrée, Nepa cinerea (= rubra) est un Hétéroptère, autrement dit une punaise. Avec sa cousine la Ranatre (Ranatra linearis, voir page entomo), elle relève de la famille des Nepidae, et ce sont là les deux seules espèces de la faune française. Dotée d'un corps très aplati (long de 25 mm), prolongé par un fin siphon respiratoire (15 mm), la Nèpe vit en eau douce et elle affectionne les eaux stagnantes, comme les mares, étangs, et marais.

La bête n'est pas rare, mais elle donne volontiers dans la discrétion. Outre une coloration quelque peu "passe-partout", elle aime en effet se dissimuler dans la végétation, ou évoluer sur des fonds vaseux auxquels elle emprunte souvent pour mieux se dissimuler. Le plus souvent elle se tient à faible profondeur, au plus près des rives ou de la végétation superficielle, car il lui faut périodiquement venir "respirer" en surface. Tout en restant en rive, à la limite de l'eau, la nèpe aime crapahuter à l'air libre, ce qu'elle fait le plus souvent de nuit. Cela vaut notammnent au printemps, l'approche des amours semblant lui donner des "fourmis dans les pattes".

La Nèpe sait bien sûr nager, mais l'absence de vraies pattes natatoires limite beaucoup ses performances, d'où sa préférence pour des déplacements aquatiques "pédibus" (au sens français du terme ! ). A terre sa vélocité est par contre remarquable, d'autant que les pattes ravisseuses se font illico "marcheuses" … et même "coureuses" ! ( le tout à voir en vidéo ! ).

 
 
Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte dans son élement, photo 1. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte dans son élement, photo 2............ Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte à sec, photo 1. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte à sec, photo 2.............Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte  mangeant une aselle.
à gauche et au centre : dans mon "népodrome", et hors d'eau !  à droite: la chasse aux aselles (petits crustacés d'eau douce) est ouverte ! Vous noterez que l'on doit dire un aselle, et non une aselle, même si cette féminisation est largement pratiquée ... et j'en suis !
 

Non contente de savoir nager, et de pouvoir évoluer à terre avec une grande aisance, la nèpe sait également voler ... bien qu'elle passe pour en être incapable. Certes je ne suis pas encore parvenu à "immortaliser" ses essors ( chose faite pour la ranatre ! ), mais les 3 témoignages cités sont incontestables. Cela dit, la nature des stimuli générant l'envol restent pour moi un vrai "mystère" car en dépit de multiples tests je n'ai pu en faire "décoller". Même en situation de totale détresse (comme relatée dans la partie intitulée "complément") les bestioles ne cherchaient même pas à fuir leur "bain de boue", et encore moins à s'envoler.

Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte ailes ouvertes, photo 1.......Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte ailes ouvertes, photo 2.
Les règles de la nomenclature font que l'appellation "cinerea" (cendrée ! ) prévaut, mais comme ces illustrations le montrent, la bestiole est assurément plus rouge que cendrée, encore que l'intensité et l'étendue de cette coloration puissent beaucoup varier. Bien entendu l'ancienne dénomination, Nepa rubra, faisait logiquement référence à cette surprenante coloration, l'insecte étant par ailleurs totalement neutre, limite "crasseux" ... camouflage oblige !
Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte avec ailes ouvertes, photo 1 Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte avec ailes ouvertes, photo 2. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte, détail de la coloration abdominale.
 

La respiration !

Comme tout être vivant la nèpe doit "respirer", ce qu'elle fait grâce à un siphon faisant office de "tuba". Constitué de 2 demi-gouttières (= valves ! ) accolées ce très fin siphon d'une quinzaine de mm est conçu pour capter l'air en pointant à la surface de l'eau. Sans être véritablement articulée, au sens mécanique du terme, la base de ce siphon est moins chitinisée que la hampe, ce qui permet des pliages tous azimuts, y compris "à l'équerre" (et même nettement en deça des 90° ! ) ou encore des écartements ( petits ou grands ! ) le tout sans le moindre dommage. Ce dispositif "anti-casse" est particulièrement utile dans un milieu de vie très souvent encombré par la végétation et ses débris, d'autant que la bestiole remonte fréquemment à reculons (et sans rétroviseur ! ) pour aller reprendre son bol d'air.

Afin de permettre des immersions totales et prolongées, l'air est stocké entre les "ailes" et l'abdomen grâce à des structures tégumentaires "faites pour". Au gré des besoins l'air est semble-t-il "dispatché" par le biais de mouvements élytraux parfois étonnamment rythmés. Cette sorte de "respiration" est de plus spectaculaire car l'air entreposé se fait miroir en prenant un aspect mercurisé particulièrement lumineux et du plus bel effet ... à voir en vidéo ! (Nota: sur la seconde séquence, la pseudo articulation basale du siphon est à plusieurs reprises parfaitement illustrée).

En dehors de la toujours remuante période des amours, les nèpes passent en "pause" ( si je puis dire ! ) la nuit venue. Pour cela elles remontent en surface et profitent de la végétation environnante pour se stabiliser, siphon en permanence plus ou moins longuement dardé hors d'eau. Comme sur l'illustration, elles peuvent pareillement se positionner à la verticale, tête en bas et siphon pointé à fleur d'eau. Dans tous les cas elles semblent ainsi dormir, en toute quiétude et dans une parfaite immobilité ... sauf si un doigt inquisiteur vient troubler leur repos !

 
Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte à sec, vue dorsale. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte à sec, vue ventrale. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte, extrémité abdominale, vue dorsale. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), adulte, extrémité abdominale, vue ventrale.
Nèpe adulte (à sec ! ) en vues dorsale et ventrale, suivies du siphon aérifère pareillement présenté.
(disjointes par la mise hors d'eau, les 2 demi-gouttières constituant ce siphon sont ici parfaitement visibles)
 
 
 
Nèpe cendrée (Nepa cinerea),  le siphon, gros plan. Nèpe cendrée (Nepa cinerea),  le siphon, détail................ Nèpe cendrée (Nepa cinerea),  siphon à l'équerre.. Nèpe cendrée (Nepa cinerea),  siphon en "grand écart".........
ci-dessus à gauche: détail du siphon et de ses valves; à droite:tel un processus "anti-casse", la partie basale du siphon est conçue pour pouvoir se plier tous azimuts. (Nota: si la position à l'équerre n'est pas rare, le "grand écart" a été un peu "aidé", ce qui n'enlève rien à la finalité de la démonstration )
ci-dessous de gauche à droite : 1 et 2)- stocké entre les ailes et l'abdomen l'air "siphonné" y prend un typique aspect mercurisé; 3)- en dehors de la période des amours ( qui souvent se prolonge au pays des nèpes ! ) les bestioles ont tendance à se coucher comme les poules ... voire à faire la grasse matinée ! Comme cette photo le montre, la position est typique, l'immobilité totale, et la prise d'air permanente. Objectivité oblige, ce genre de comportement a pu être favorisé par la relative exiguïté de ce "népodrome", du moins en regard de l'aqua-terrarium ayant pris le relais; 4)- détail de la prise d'air du siphon respiratoire
Nèpe cendrée (Nepa cinerea),  mise en évidence de la réserve d'air, photo 1. Nèpe cendrée (Nepa cinerea),  mise en évidence de la réserve d'air, photo 2 Nèpe cendrée (Nepa cinerea),  groupe de nèpes  "endormies" Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  extrémité du siphon à la surface de l'eau, détail.
 
La prédation !

Par ses moeurs la Nèpe est parfaitement adaptée à la chasse à l'affût, et elle l'est aussi par sa morphologie. Elle dispose en effet de pattes antérieures à la fois préhensiles et "ravisseuses" (ci-dessous) qui lui permettent d'aisément capturer ses proies (autres insectes aquatiques, larves diverses, et à l'occasion petits têtards et alevins). Comme toutes les punaises, la Nèpe dispose d'un rostre acéré lui permettant de piquer ses proies afin de s'en nourrir. Vous noterez que le rostre est doté de stylets totalement "escamotables", extrêmement fins et "fureteurs". Sensiblement de même longueur que le rostre, ces stylets résultent de la modification des palpes labiaux et maxillaires, avec formation d'un double canal aux fonctions inversées. L'un est en effet chargé d'injecter des sucs me semblant plus liquéfacteurs que digestifs (tant l'action est rapide), là où l'autre permet de "pomper " les éléments nutritifs ainsi mis à disposition.

Donnant l'impression de toujours fonctionner au ralenti, tant ses pas et déplacements sont mesurés, pour ne pas dire comptés, la bestiole sait faire preuve d'une extrême promptitude quand il s'agit de capturer une proie. A titre d'exemple, l'aselle de cette vidéo en a fait les frais, mais quand on a l'impudence ( ou l'inconscience ! ), de "crapahuter" sur le dos d'une nèpe en embuscade ... la "sanction" est de rigueur !

 
Nèpe cendrée (Nepa cinerea), avant corps, face dorsale. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), avant corps, face  ventrale. Nèpe cendrée (Nepa cinerea) détail du rostre.
à gauche : avant corps de la nèpe en vue dorsale. Vous noterez la proéminence des yeux, d'où un très large champ de vision, facteur primordial pour toute chasse à l'affût; au centre : idem en vue ventrale. Vous noterez la morphologie du rostre, sa conformation permettant de littéralement "poignarder" ses proies, voire un agresseur ... ou votre doigt ! à droite : détail du rostre et des stylets "escamotables" ... ici sortis ! Compte tenu de cette vidéo montrant l'action du rostre en gros plan, je pense que la perforation des téguments de la proie ( ou de votre épiderme ! ) est plus le fait des stylets que du rostre proprement dit.

 

Nèpe cendrée (Nepa cinerea), patte ravisseuse fermée. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), patte ravisseuse entrouverte.. Nèpe cendrée (Nepa cinerea), patte ravisseuse grande ouverte.
Détail des pattes dites ravisseuses. Tout comme une lame de couteau pliant, le tibia se replie dans une gouttière du fémur. Vous noterez que les bords de la gouttière, et du "bras" qui y trouve place, sont dotés de fines rugosités érigées, propres à assurer une excellente rétention des proies capturées. Pour finir vous noterez l'éperon terminal (tarse modifié), sa conformation et son acéré faisant office de harpon.
 
Par-delà une morphologie plus ou moins mimétique (homotypie, homochromie), et donc "faite pour", la première vertu du chasseur à l'affût est bien sûr l'immobilité sans laquelle le prédateur serait de suite détecté, et la proie alertée. Non moins logiquement la seconde consiste à se "planquer" dans l'environnement tout en se positionnant au mieux pour capturer la proie passant à portée.

Le summum, si je puis dire, est atteint quand la bestiole y ajoute l'art d'elle-même se camoufler en usant des ressources de son environnement. C'est ainsi que les nèpes affectionnent les dépôts vaseux où elles s'y fondent pour mieux s'y confondre, ou encore qu'elles se végétalisent (tels nos toits et terrasses) pour mieux passer inaperçues. N'ayant quasiment que faire du toilettage, les téguments des nèpes finissent en effet par s'encrasser, voire plus ou moins s'encroûter ... et les algues par y prendre racines !

 
Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  adulte camouflé sur fond vaseux, photo 1 Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  adulte camouflés sur fond vaseux, photo 2 ..............Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  illustration du camouflage par encroûtement. Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  illustration du camouflage par encroûtement, détail.
ci-dessus à gauche : positionnées à faible profondeur, et boueuses à souhait, ces nèpes à l'affût illustrent parfaitement le propos, et les dépouilles d'aselles (petits crustacés aquatiques) témoignent de l'efficience du camouflage ; à droite : surprise à se balader à sec, cette nèpe est là encore particulièrement démonstrative; ci-dessous de gauche à droite : 1)- illustration de la "végétalisation", processus concourant à l'efficacité du camouflage; 2)- en dépit de leur réactivité, de leur vélocité, et de leur robuste cuirasse, les gammares (Gammarus sp.) figurent au menu, ce qui témoigne bien des qualités prédatrices des nèpes; 3 et 4)- nettement plus "cool", les aselles (Asellus aquaticus) constituent une proie très appréciée, et facile à capturer; 5)- à titre comparatif : larve de réduve masqué (Reduvius personatus), punaise carnassière terrestre fréquemment "domiciliaire". La bête s'enduit de poussière, et de tout ce qui traîne dans les coins et recoins (tels les incontournables "moutons") pour mieux passer inaperçu ... et parole de mouche ça marche !
Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  végétalisation de camouflage Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  capture d'un gammare. Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  adulte "siphonant" une aselle, photo 1 Nèpe cendrée (Nepa cinerea)  adulte "siphonant" une aselle, photo 2 Réduve masqué (Reduvius personatus) larve mangeant une mouche.
 
 
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr