Intro !
Tout de blanc vêtu, et délicatement nervuré de noir, tel se présente Aporia crataegi, plus communément appelé le "Gazé", ou encore la "Piéride de l'aubépine". Au passage vous noterez que son nom scientifique fait à la fois référence à sa plante nourricière de prédilection, et à la réduction du nombre des écailles, nettement observable chez les femelles.
Ce papillon ayant déserté mon jardin ( et pas que lui, hélas ! ), vous noterez également que cette page entomo doit beaucoup à une ponte envoyée par Tavotte Teurtroy, que je tiens à remercier pour son aimable et providentielle contribution.
Présentation !
Avec une envergure atteignant 65 mm c'est la plus grande de nos Piérides (à égalité avec celle du chou ! ), Famille représentée en France par un peu plus d'une vingtaine d'espèces. Autrefois très commun, et souvent nuisible aux vergers, le Gazé tend de nos jours à se raréfier et se "ponctualiser", géographiquement parlant. Certes ce papillon est connu pour ses déconcertantes fluctuations d'effectifs, au point de pouvoir devenir introuvable là où il abondait, et de pareillement réapparaître là où il avait disparu, mais les causes majeures de sa régression ne lui sont pas spécifiques car elles touchent et impactent l'ensemble de notre entomofaune (pesticides, urbanisation, pollutions, pratiques agricoles et forestières, etc... etc...).
Le Gazé est très largement répandu, y compris au-delà des frontières hexagonales, et même européennes. C'est un hôte des orées boisées, allées forestières, friches arborées, zones bocagères humides. Ce papillon n'a qu'une génération annuelle, et suivant la région et l'altitude il s'observe de Mai à Juillet. Comme vous le verrez la jeune chenille est grégaire et vit dans un nid soyeux au sein duquel elle passera l'hiver.
Dimorphisme sexuel !
Bien qu'assez peu accusé, il est généralement suffisant pour distinguer les sexes, mais là comme ailleurs il faut parfois se méfier des apparences, et en l'occurrence du manque de transparence (s.str. ! ) de certaines femelles, et plus encore quand elles sont récemment écloses.
L'accouplement !
La virginité n'étant guère de mise chez les insectes, et notamment chez les papillons, la pariade suit de peu l'émergence des femelles. Pour "assurer le coup", si je puis dire, Dame Nature fait d'abord éclore les mâles, de façon qu'ils soient au "top" le moment venu ... et croyez-moi ils le sont ! Vous noterez que ce devancement des mâles s'observe chez de très nombreux insectes, notamment quand la durée de vie est brève.
La ponte !
Trouvé accouplé, le duo s'est séparé lors de son introduction dans la bourriche ci-dessus présentée, puis il s'est de nouveau accouplé quelques minutes plus tard, ce qui était de fort bon augure pour la suite. Moyennant la mise à disposition d'une grappe fleurie de buddleia, d'une branchette d'aubépine pour "attirer" les oeufs, et de brumisations à l'eau de pluie au plus chaud de la journée, j'ai obtenu une première ponte le 12 juin, soit 48 h après capture et accouplement
.J'étais bien sûr ravi, mais loin d'imaginer la suite, car entre le 12 et le 27 juin (2013 ! ) la femelle m'a gratifié de 15 pontes pour un total de 1278 oeufs ! Si on me l'avait dit, je ne l'aurais pas cru tant ce chiffre est exceptionnel, car chez les papillons dits "de jour" la norme est de l'ordre de 200 à 300 oeufs. Certes cette femelle était on ne peut plus "bichonnée", et la réduction de son espace vital limitant ses besoins énergétiques, on peut supposer que le surplus a profité à la ponte. C'est là une simple hypothèse car il faut également tenir compte de l'hivernage des très jeunes chenilles, d'où un facteur de risque important ... et la nécessité de compenser la "casse" !
Au final, et aussi surprenant que cela puisse paraître je m'étais "attaché" à ce papillon, et il me coûtait de le voir se défraîchir au fil des jours et des pontes. Comme l'âne de Buridan j'étais partagé entre l'envie de lui rendre une liberté bien méritée, et celle de connaître le nombre d'oeufs pondus ... et cela jusqu'au dernier ! Au final je n'ai pas eu à trancher car le 28 juin, lendemain de la dernière ponte recensée, la bestiole a profité d'une mauvaise fermeture de la bourriche pour s'évader à mon insu ... et ce magistral "pied-de-nez" m'a plutôt fait plaisir !