- La larve ! ... suite
!
Les larves à
"baluchon" !
Au pays des chrysopes les larves de
certaines espèces sont dotées de longs poils dorsaux
plus ou moins adhésifs donnant l'impression de pouvoir
"récolter" tout ce qui traîne, d'où un
excellent camouflage vis à vis des prédateurs, mais
aussi des proies convoitées. Il peut s'agir de
débris végétaux, grains de sable,
dépouilles de proies consommées, graines, (etc. !)
que la larve saisit entre ses mandibules avant de basculer la
tête en arrière pour les positionner sur son dos, et
au besoin les y arrimer avec quelques fils de soie. Bien entendu
ces larves ne sont pas des modèles de
vélocité, mais grâce à leur camouflage
elles peuvent mener leur vie sans chercher à se "planquer".
Non sans logique les larves nues, telle la "verte", sont au
contraire très réactives et véloces, leur vie
se passant le plus souvent "à couvert", afin de limiter
leur visibilité, évident facteur de
vulnérabilité.
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- Illustration des larves
"camouflées" !
- Elles se rencontrent
principalement au sein du Genre Dichochrysa, et de sa quinzaine
d'espèces françaises.
- Volontairement
"dénudée", la larve de la photo centrale montre la
localisation, la longueur, et la densité, des "poils
accrocheurs"
-
.... à la naissance
!
- Comme chez les autres espèces, les larvules naissantes
s'immobilisent sur les "oeufs vides", durant 1 à 2 heures,
afin de durcir leurs jeunes téguments. En second lieu les
larvules commencent à se mouvoir, puis à
carrément s'agiter, avant de quitter leur "perchoir" en
empruntant la tige résultant de l'union des
pédicelles. Là encore l'instinct fait merveille, car
sitôt descendues ( et je dis bien sitôt ! ), les
frêles larvules s'empressent de se camoufler, ce qu'elles
font avec beaucoup d'adresse et de précision. J'ajouterais
qu'elles ne font pas les choses à moitié, le poids,
le volume, et la nature des matériaux
récoltés et entassés donnant l'impression de
fort peu importer .... et
cette vidéo en
témoigne
!
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- Sur une ponte reposant partiellement
à plat sur le support, l'empressement à se camoufler
s'est vu démontré de très amusante
façon. De fait, j'ai vu une larve naissante se saisir d'un
oeuf un peu à l'écart des autres, l'arrimer sur son
dos, et vouloir partir avec. Retenu par son pédicelle
l'oeuf est évidemment très vite tombé, mais
loin de se décourager la minuscule bestiole s'y est reprise
4 à 5 fois d'affilée ... avec le même
résultat !
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- à gauche : larvules au
sortir des oeufs. Vous noterez les nombreuses longues soies dont
les extrémités sont en quelque sorte
"encollées" afin de maintenir les très
hétéroclites "baluchons"; à suivre :
exemple de camouflage chez une larve naissante.
Le volume transporté est tout aussi
bluffant que le sont le poids et l'arrimage du "baluchon" ! Bien
qu'étant "chargée comme une mule" la minuscule
bestiole fait preuve d'une belle célérité, et
d'une résistance à l'avenant, car dans le cas
présent elle enchaînait les "longueurs d'allumette"
sans jamais daigner s'arrêter un instant pour me permettre
de lui tirer le portrait dans de bonnes conditions.
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- Le cocon !
Au terme de sa croissance la larve de la
chrysope verte cesse de s'alimenter, se fait moins active, puis
s'immobilise sous une feuille, un repli, une enfourchure,
où elle va coconner. Emise par l'anus, la soie est
secrétée par les "tubes de malpighi", organes
excréteurs des insectes assimilables aux reins des
vertébrés. Légèrement ovalisé
le cocon de soie blanche fait 3 mm de diamètre, et il est
élaboré en l'espace de 24 h.
Comme cette
vidéo le montre le
tissage requiert une étonnante "gymnastique" de
l'extrémité abdominale, mais aussi une grande
précision tactile, tout se passant bien souvent "à
l'aveugle" ... les yeux étant à l'autre bout
!
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- ci-dessus à gauche :
début du tissage du cocon; à droite : cocons
terminés; ci-dessous à gauche : 4 à 5
jours après le tissage du cocon la larve devient
prénymphe et au fond dudit cocon la mue compactée
forme une tache noire généralement bien visible. La
seconde photo montre la dépouille larvaire ...
décompactée ! au centre : certains cocons,
peu denses, laissent percevoir la nymphe par transparence;
à droite : les yeux de la nymphe sont très
souvent perceptibles, mais ils peuvent changer de place ou
momentanément disparaître, au gré des
mouvements et positions de la bestiole.
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- La nymphe !
Une fois le cocon terminé la larve
va progressivement se figer, enroulée sur elle-même,
et former ainsi une "prénymphe". Comme son nom l'indique,
il s'agit d'une forme transitoire, au demeurant fort brève,
la mue nymphale intervenant 4 à 5 jours après le
"coconnage". Comme vous le verrez la nymphe a la
particularité d'être très mobile ... mais
durant un laps de temps très court !
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- à gauche :
prénymphe en typique position "foetale"; au centre
: nymphe tout juste formée; à droite :
nymphe prête à éclore.
- Par-delà l'évolution
pigmentaire (de règle pour tous les insectes), vous noterez
la très notable et inhabituelle évolution
morphologique, mais aussi sa probable relation avec la grande
mobilité nymphale, tout aussi inhabituelle.
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- L'émergence
!
Chez les chrysopes rien n'étant
ordinaire, et tout allant très vite, l'heure de la sortie
va sonner 10 à 12 jours après le coconnage. En
pareil cas on attend l'éclosion d'un insecte adulte, mais
c'est une nymphe étonnamment mobile qui va émerger
du cocon, et cela de peu banale façon. Apparemment aussi
affûtée qu' une lame de rasoir, et utilisée
comme telle, la bordure externe des mandibules permet en effet le
découpage d'un opercule si parfaitement net et circulaire
qu'un compas ne saurait mieux faire, et
cette vidéo en témoigne !
Chez d'autres insectes, tel le Bombyx
laineux (Eriogastes lanestris, voir page entomo
dédiée) l'opercule est en quelque sorte
prédécoupé ... comme le sont les couvercles
de nos boîtes de conserves ! Dans le cas de ce bombyx, c'est
bien sûr la chenille qui concocte le dispositif, le papillon
naissant n'ayant plus qu'à "pousser la porte".
Dame Nature est rarement prise en
défaut, mais présentement elle a mal calculé
son coup en attribuant à la chrysope des antennes à
l'évidence trop longues. Le fait est d'ailleurs patent, car
en dépit de ses étirements et tractions, l'imago
émergeant ne parvient pas à totalement les extraire
de leurs gaines exuviales. Il s'ensuit une très originale
manière d'y remédier, la chrysope en devenir usant
de ses mandibules avec une grande dextérité,
exactement comme on tire sur une corde pour la remonter d'un
puits. Via une sorte de très rapide "tricotage" desdites
mandibules, chaque extrémité antennaire est en effet
dégagée, article par article, millimètre par
millimètre. La progression se traduit par la formation
d'une boucle qui bien sûr se "déboucle" avec le
déploiement des antennes, comme
cette vidéo le montre !
A propos des vidéos
ci-dessus !
- 1)- la mue imaginale et
l'étalement des ailes demandant un "certain temps", il a
fallu pratiquer des coupes. Le passage instantané
des ailes en position "toit" pouvant prêter à
confusion, je confirme la réalité de cette
instantanéité, comme c'est également le cas
chez les papillons nocturnes porteurs d'ailes "en toit" au repos.
- 2)- Pouvant se faire de jour
comme de nuit, la sortie de la nymphe est souvent très
rapide, et de plus imprévisible, d'où la
difficulté de réaliser des photos et vidéos,
surtout avec un matériel ultra basique (mon petit Lumix TZ
30 en l'occurrence). Présentement j'ai pu profiter de
bestioles disons "hésitantes", ou d'opercules quelque peu
"récalcitrants" !
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- ci-dessus à gauche : la
découpe du cocon ! Chapeau les mandibules ... un rasoir ne
ferait pas mieux ! au centre, 1)- la nymphe risque un oeil
! 2)- ... puis les deux ! 3)- après
s'être affranchie du cocon, la nymphe éprouve le
besoin de brièvement se dégourdir les pattes. Il
s'ensuit une certaine fébrilité et la quête
d'un emplacement à sa convenance, où elle
s'immobilise pour effectuer sa mue imaginale, et donc passer
à l'état adulte, via le processus ci-dessous;
à droite : cette ouverture "ratée", au
demeurant exceptionnelle, montre qu'il y a bien découpage
par la nymphe, et non pré-formation de l'opercule, comme il
peut parfois se dire ou s'écrire.
- ci-dessous : séries de
gonflements et contractions faisant, l'exuviation commence
classiquement par une ouverture thoracique dorsale qui permet
à la jeune chrysope de s'extirper de la dépouille
nymphale. Une fois totalement libéré, l'imago va peu
à peu défriper et étirer ses ailes, avec
envol une fois les nouvelles structures suffisamment affermies.

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- à gauche : cocons
vides, avec opercules en place montrant l'existence d'une
très subtile "charnière" formée par son
incomplète découpe; au centre : opercules
isolés, et détail. Vous noterez la perfection de la
découpe et de la forme de ces cupules; à droite,
photo 1 : elle permet de "tout voir" : le cocon proprement
dit, sa charnière, la mue larvaire compactée en son
fond, et enfin l'ultime exuvie, dite imaginale; photo 2 :
... pour le fun et la délicatesse du cocon
!
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- Récapitulatif
des séquences vidéos ! Butinages
; Parades
nuptiales ; Pontes
; Eclosion
des larves ;
- Larves à
l'oeuvre ; Tissage
du cocon ; Nymphe
sortant du cocon (non-stop) ; Du
cocon à l'imago (la totale ! )
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- En guise de conclusion
!
Les Chalcidiens (dont font partie les parasitoïdes des
oeufs de chrysopes) comprennent le plus petit insecte volant
connu. Il s'agit de Megaphragma mymaripenne qui affiche 200
microns de longueur sous la toise ... soit 1/5 de
millimètre !
-
FIN !
-
- Cette "page entomo" a fait
l'objet d'une publication, dans la revue "INSECTES" de l'OPIE
(N° 193, 2e trimestre, 2019)
-
les
pages entomologiques d' andré
lequet :
http://www.insectes-net.fr