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LE CIGARIER du NOISETIER (Apoderus coryli) !
( Coléoptère Curculionidae )
 
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Intro !

Parfois appelé "cigarier okapi" ( allez savoir pourquoi ! ), le cigarier du noisetier ( Apoderus coryli, pour les intimes ! ) a une étonnante particularité. Pour qui la connaît, la bestiole fait de suite penser au célèbre et talentueux Serge Gainsbourg, auteur et interprète du cultissime "Poinçonneur des Lilas" qui en 1958 faisait "des trous, des p'tits trous, toujours des p'tits trous".
 
L'un fait les trous ... cigarier du noisetier (Apoderus coryli), feuille perçée, photo 1 Pochette album S. Gainsbourg cigarier du noisetier (Apoderus coryli), feuille perçée, photo 2 ... l'autre les chante !

A sa manière Dame Nature a en effet écrit une partition non moins originale, car notre cigarier pourrait pareillement s'appeler le "poinçonneur des noisetiers". Certaines feuilles de cet arbuste peuvent en effet se voir transformées en véritables passoires, et cela de jour comme de nuit tant les minuscules bestioles font preuve d'un bel appétit ... à toute heure !

Présentation !

Pour les initiés le cigarier du noisetier est un coléoptère Curculionidae, autrement dit un "charançon", au sens large du terme. Il relève des Attelabidae, Famille représentée en France par plusieurs dizaines d'espèces. Toutes sont phytophages, d'où la diversité des végétaux concernés, mais aussi des modes opératoires. Il s'ensuit logiquement des cigares différemment concoctés et conformés ( courts, allongés, coniques, cylindriques ! ) ... avec à la clé de bluffants savoir-faire !

Bien entendu ces "cigares" ne sont pas là pour la "déco" (encore qu'ils fassent leur petit effet quand ils sont nombreux ! ), puisqu'ils servent de réceptacles pour les oeufs, mais aussi de gîte et couvert pour les larves. En outre ils permettent de "tempérer" les excès de la météo, tant positifs que négatifs, tout en limitant l'inévitable impact de la prédation ... du moins autant que faire se peut !

Cigarier du bouleau (Deporaus betulae) adulte sur allumette-échelle. Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  cigares in situ.photo 1 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  cigares in situ., photo 2 Cigarier du bouleau (Deporaus betulae)  gros-plan d'un cigare in situ. ........... cigarier du noisetier (Apoderus coryli), sur allumette-échelle. cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  cigare, photo1 cigarier du noisetier (Apoderus coryli), cigare photo 2
ci-dessus à gauche : le mini cigarier du bouleau, et le look très "pétardier" de ses cigares; à droite : le cigarier du noisetier ... et son oeuvre !
ci-dessous : pas d'accouplement ... pas de cigares ! Vous noterez, à gauche, le très discret dimorphisme sexuel, la tête du mâle étant à la fois plus allongée et postérieurement rétrécie.
cigarier du noisetier (Apoderus coryli), dimorphisme sexuel. cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  accouplement sur feuille. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), accouplement sur mon doigt.
 
Comment se les roule-t-il ?

Comme le cigarier du bouleau ( Deporaus betulae, cf. "page entomo" dédiée ), celui du noisetier doit commencer par tarir la circulation de la sève dans la feuille de son futur cigare, ce qui entraîne logiquement son flétrissement, et favorise ainsi sa "maniabilité". Comme son nom l'indique, le noisetier a sa préférence, mais à défaut ( ou par goût ! ) il peut "se les rouler" sur d'autres arbres, tels que l'aulne et le bouleau.

Quand celui du bouleau "mâchouille" la nervure centrale (sans toutefois la couper car le cigare y sera un temps suspendu), celui du noisetier la coupe carrément. C'est donc le limbe de la feuille, incomplètement sectionné (comme ci-dessous à droite) qui va retenir le cigare ... ni trop ni trop peu là aussi ! A découvrir ... disons en temps voulu !

Toujours à titre comparatif le premier nommé enroule la feuille sur elle-même comme on le fait d'un tapis, là où le second la plie préalablement en 2, dans le sens de la longueur, et ce avant de la rouler comme vous le faites d'une serviette de table ... et cette vidéo est parfaitement explicite !

 
cigarier du noisetier (Apoderus coryli), découpe de la feuille...................cigarier du noisetier (Apoderus coryli), détail de "l'accroche", photo 1 cigarier du noisetier (Apoderus coryli), détail de l'accroche, photo 2
ci-dessus à gauche : la découpe, prélude à l'enroulement proprement dit; à droite : ce qui reste du limbe foliaire ... qui cédera le moment venu ! ci-dessous à gauche : digne des travaux d'Hercule, l'incroyable cigare du minuscule cigarier du bouleau ( agrandissement impératif ! ). Nota : pour bien illustrer le propos une femelle lambda de D. betulae a été posée sur un cigare à la fois typique et de belle taille; au centre : le cigarier du noisetier dans ses oeuvres ... rien à envier à celui du bouleau ! A souligner les multiples et impressionnantes prises "à bras le corps" qui rendent bien compte de la puissance requise pour plier ou enrouler la feuille; à droite : aspect de cigares frais (droite) et plus anciens (gauche).
Cigarier du bouleau (Deporaus betulae) adulte avec son cigare. .............cigarier du noisetier (Apoderus coryli), pliage de la feuille. cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  roulage de la feuille. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), finition du cigare...............cigarier du noisetier (Apoderus coryli), exemples de cigares frais et plus anciens.
 
Le cigarier du noisetier étant largement plus gros et "costaud ", le découpage de la feuille est logiquement bien plus rapide, d'où un flétrissement retardé d'autant ! Réalisé dans la foulée, le simple pliage vertical de la feuille (tel un livre que l'on referme) s'en trouve de facto nettement plus laborieux physiquement parlant, mais aussi techniquement car dans le même temps la bestiole doit préparer l'étape suivante, à savoir l'enroulement proprement dit du fameux "cigare".

De fait, la rigidité de la nervure centrale s'y oppose nettement, ce qui amène la bestiole à faire preuve d'une très astucieuse parade. La finalisation du pliage "en deux" de la feuille nécessitant plusieurs allers et retours le long de ladite nervure (faisant office de charnière) la bestiole en profite pour jouer des mandibules, de place en place. Du fait de ces multiples entailles, la nervure perd évidemment une grande part de sa résistance, et devient dès lors plus aisément "enroulable" … CQFD !

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cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  ligne d'attaque de la nervure. cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  obturation du cigare avec cerclage cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  détail de l'obturation avec cerclage. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), obturation du cigare par recouvrement. cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  mise en évidence du feuilletage.
 Quelques détails "architecturaux" témoignant du savoir-faire de la minuscule bestiole, et de sa parfaite maîtrise du végétal.
de gauche à droite : 1)- "coups de mandibules" sur la nervure centrale, en vue de faciliter l'enroulement ; 2)- exemple d'obturation de la partie supérieure d'un cigare. Remarquer les coups de mandibules sur la nervure centrale faisant office de cerclage, lesquels permettent l'enroulement "collé-serré" de la feuille; 3)- notez le parfait agencement de l'obturation et de son "cerclage" où les coups de mandibules restent bien visibles; 4)- même niveau d'obturation, mais cette fois par recouvrement; 5)- mise en évidence du "feuilletage" précédemment qualifié de "collé-serré" Ce cigare contenait la jeune larvule ultérieurement figurée.

 Quand la Vie continue !

Je rappelle qu' il n'y a pas de cigares sans accouplement préalable, ni d'oeufs sans cigares pour les recevoir, et bien sûr pas davantage de larves sans cigares puisque ces derniers sont consommables ... et de fait consommés !

Comme je l'ai précédemment laissé entendre les cigares sont conçus de telle façon qu'au moment voulu ils finissent par tomber au sol ( par exemple suite à un coup de vent ) car un cigare restant appendu se dessèche à l'excès et devient dès lors immangeable, au grand dam de ses occupants. D'autre part, une fois rendues à terme, les larves abandonnent les cigares pour se nymphoser en terre, superficiellement s'entend. Bien entendu les nervures "mâchouillées", les découpes partielles du limbe , ou encore les pétioles rongés aux 3/4, trouvent là leur double raison d'être, à savoir tarir la sève et générer la chute du cigare en temps voulu.

Nettement plus gros que ceux du cigarier du bouleau,  les oeufs de notre rouge bestiole sont simplement déposés à l'intérieur des cigares, et donc non inséré sous l'épiderme de la feuille le constituant. Pour la même raison le cigare disons "noisetier" se verra au plus doté de 2 oeufs, là où celui de son noir et minus cousin pourra nourrir 4 ou 5 larves, si ce n'est plus..

Tout en sachant que les oeufs sont déposés au sein de la partie inférieure du cigare, je ne suis pas parvenu à précisément définir quand ils le sont. L'observation de cigarières en action me donne à penser qu'ils sont émis au terme de la confection du cigare, juste avant l'obturation de la partie basse, au demeurant très imparfaite, du moins en regard du côté opposé très exposé à la pluie ... ceci expliquant cela !

cigarier du noisetier (Apoderus coryli), obturation des cigares frais cigarier du noisetier (Apoderus coryli), extrémité inférieure  d'un cigare ancien, photo 1 cigarier du noisetier (Apoderus coryli), extrémité inférieure d'un cigare ancien, photo 2
Evolution de l'obturation inférieure des cigares; à gauche : aspect sur cigares frais;
à suivre : suite au dessèchement du végétal les replis se déplient, facilitant ainsi l'évacuation des éventuelles infiltrations.
 

Illustration du développement !

cigarier du noisetier (Apoderus coryli), oeufs. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), oeuf sur allumette-échelle................cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  jeune larvule avec allumette-échelle. cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  très jeune larvule
ci-dessus à gauche : les oeufs : 1 à 2 oeufs par cigare, ni plus ... et bien sûr ni moins ! à droite : très jeunes larves
ci-dessous à gauche : larves à terme; à droite : cigares : trous de sorties larvaires. Dans le cigare du bas on devine la larve ... juste avant sa sortie !
cigarier du noisetier (Apoderus coryli), larve à terme. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), larve à terme avec allumette-échelle............... cigarier du noisetier (Apoderus coryli), cigares avec trous de sorties larvaires.
 
 
 
..........cigarier du noisetier (Apoderus coryli), nymphe juste formée, photo 1 cigarier du noisetier (Apoderus coryli), nymphe juste formée, photo 2.cigarier du noisetier (Apoderus coryli), nymphe, début de la pigmentation, photo 1 cigarier du noisetier (Apoderus coryli), nymphe avec allumette-échelle..cigarier du noisetier (Apoderus coryli),  nymphe âgée, photo 1
ci-dessus de gauche à droite : 1 & 2)- nymphe juste formée, et donc totalement dépigmentée; 3 & 4)- la pigmentation commence classiquement par les yeux ! 5)- ... ça va très vite ! ci-dessous de gauche à droite : 1 & 2)- après mise en logette artificielle : mue imaginale imminente ! 3 & 4)- la chromatogenèse ( = acquisition des couleurs ! ) est en route ! 5)- ... et in fine !
cigarier du noisetier (Apoderus coryli), nymphe avancée, photo 1. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), nymphe avancée, photo 2. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), imago émergeant, photo 1. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), imago émergeant, photo 2. cigarier du noisetier (Apoderus coryli), imago au terme de son évolution

En guise de conclusion !

Une comparaison plus complète avec le cigarier du bouleau me paraît éminemment souhaitable tant les 2 espèces sont représentatives, à la fois par leurs divergences et leurs complémentarités.

D'autre part, pour avoir élevé et observé moultes bestioles en tous genres, et cela des années durant, j'avoue m'être plus d'une fois interrogé sur les notions mêmes d'instinct et d'intelligence, tant la frontière apparaît parfois ténue lorsque les confins de l'une semblent s'arrêter là où ceux de l'autre commencent.

Cette "page entomo" a fait l'objet d'une publication, dans la revue "INSECTES" de l'OPIE (N° 209, 2e trimestre, 2023)
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FIN
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr