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L'ISABELLE ou PAPILLON VITRAIL ( Graellsia isabellae ) !
(Lépidoptère Attacidae / Saturniidae)
 
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Intro !
 
Protéger les uns .... n'est-ce pas délivrer le permis de tuer les autres ?? !!
 
Isabelle (Graellsia isabellae) mâle collection En vertu de la Loi sur la protection de la nature (1976), et ultérieurement de l'arrêté du 22 juillet 1993, l'emblématique bestiole dormait depuis des lustres au fin fond de mon ordi. Elle y était en quelque sorte "assignée à résidence", au demeurant assez injustement, car mes "pages entomologiques" sont connues pour faire oeuvre utile, et être conformes à l'esprit de la Loi.
 
Concernant ladite Loi, et bien qu'elles aillent censément dans le bon sens, je pense que les protections nominatives focalisent à l'excès, et tendent de nos jours à fâcheusement occulter le devenir du plus grand nombre. De fait, la méconnaissance des "Choses de la Nature" tue sans doute autant que les biocides ( sinon plus ! ), et cela dans l'indifférence quasi générale, et bien sûr au grand dam d'un patrimoine entomologique faisant figure de peau de chagrin. En d'autres termes, et c'est là une évidence, mieux vaudrait éduquer, qu'en être réduit à devoir protéger !
 
L'année 2010 étant officiellement décrétée "année internationale de la biodiversité", l'occasion m'est donnée d'un peu rééquilibrer la donne. Dans le droit-fil des considérations ci-dessus, et de l'hommage ci-dessous rendu, j'ai en effet décidé d'exhumer la verte Isabelle, en espérant que les espèces laissées pour compte bénéficieront un peu de son aura !
 
Rendons à César !
 
Pour clore cette intro, je tiens à souligner l'ampleur et la qualité des travaux faisant l'objet du rapport d'études de l'OPIE (vol.3, décembre 1998) intitulé "Contribution à la connaissance de Graellsia isabelae galleagloria Oberthur (Lepidoptera Attacidae) connu uniquement de France". Je tiens également à souligner l'exemplarité d'un travail collectif (*) qui n'aurait pu être mené à bien sans la contribution d'entomologistes amateurs .... une "espèce" trop peu souvent reconnue !
 
(*) OPIE, Parc National des Ecrins, Parc naturel régional du Queyras, Laboratoire des médiateurs chimiques (INRA-Versailles), Station de Zoologie forestière (INRA-Orléans), Amateurs éleveurs adhérents de l'OPIE.
 
Si besoin était, je précise que les illustrations de la présente "page entomo" ont été réalisées dans un contexte expérimental,
et bien sûr en dehors de tout prélèvement dans la nature.
 
Présentation
 
Selon les auteurs, et les nomenclatures afférentes, l'Isabelle relève de la Famille des Saturniidae, ou de celle des Attacidae. Dans le même esprit le nom d'espèce en latin s'orthographie généralement avec deux "L" (isabellae) ... mais parfois avec un seul (isabelae) ! ... don acte !
 
Avec une envergure atteignant les 10 cm, ce qui en fait l'un des plus grands lépidoptères européens, je dirais que la bestiole joue véritablement dans la cour des grands, et plus encore par sa beauté. Si Attacidae il y a, elle joue même dans celle des très grands, puisque l'Attacus atlas (Asie) ci-dessous figuré atteint les 30 cm.
 
Découvert dans la région montueuse de Madrid, et dédié à la Reine Isabelle II d'Espagne, ce papillon nocturne a été décrit par Graëlls (*) en 1849. Sans entrer dans le détail de sa répartition ibérique, disons que l' Isabelle est connue de l'Espagne centrale et pyrénéenne, où elle est représentée par 4 sous-espèces au demeurant peu différenciées.
 
(*) Don Mariano de la Paz Graëlls, alors Directeur du Muséum d'Histoire Naturelle de Madrid.
 
 
Isabelle (Graellsia isabellae) mâle sur le vif Attacus atlas: mâle sur le vif Attacus atlas: femelle étalée (collection)
La nuit tous les chats sont noirs ... et les papillons gris ! .
..... mais que dire au grand jour !
à gauche: Isabelle mâle (envergure 10 cm); au centre: Attacus atlas mâle (sur le vif); à droite: femelle de collection, et donc "étalée"
 
L'Isabelle française (sous-espèce gallaegloria) a été découverte beaucoup plus tard, puisque décrite des Hautes-Alpes en 1922, par Charles Oberthur. Outre ce dernier département elle est également connue de l'Ain, de la Drôme, des Alpes-de-Haute-Provence, de l'Ardèche, et des Pyrénées-Orientales. Dans cette dernière région la morphe est très comparable à la sous-espèce paradisea qui occupe le versant espagnol, et la Catalogne. La belle est également présente dans le Valais Suisse, et pourrait même l'être en Italie (val d'Aoste).
 
Joliment appelé "Papillon vitrail", l'Isabelle est un hôte des pinèdes subalpines à climat méridional. Elle s'y rencontre de 500 à 1800 m et affectionne tout particulièrement les "pentus" de pins sylvestres. L'espèce n'a qu'une génération annuelle, et vole de Mai à Juin, suivant l'altitude. L'Isabelle ne s'alimente pas, d'où une durée de vie censément très courte (le plus souvent inférieure à la semaine), et entièrement consacrée à perpétuer l'espèce.
 
Isabelle (Graellsia isabellae), mâle, photo 1 Isabelle (Graellsia isabellae), mâle, photo 2 Isabelle (Graellsia isabellae), femelle, photo 1Isabelle (Graellsia isabellae), femelle, photo 2
L'Isabelle ou Papillon vitrail ( 2 "photos mâles" à gauche, et 2 "photos femelles" à droite ! ) 
 
Pour info !
 
Chez les papillons (diurnes et nocturnes), les "ocelles" sont très fréquents, et le plus souvent "décoratifs", comme chez l'Isabelle. Chez d'autres espèces, ils peuvent prendre un caractère défensif, et être assimilé à des "yeux" en raison de leur forme, et de leur position. Ils sont alors censés effrayer le prédateur .... ou au moins le dissuader de passer à l'acte!
 
Isabelle (Graellsia isabellae), ocelle aile postérieure. Isabelle (Graellsia isabellae), ocelle aile postérieure, détail. Isabelle (Graellsia isabellae), ocelle aile postérieure, détail de l'écaillure
à gauche et au centre: détail des ocelles; à droite: détail de leur "écaillure"
Vous noterez le caractère purement décoratifs de ces ocelles.
 
Sphinx ocellé (Smerinthus ocellata) au repos Sphinx ocellé (Smerinthus ocellata) en position défensive, photo 1 Sphinx ocellé (Smerinthus ocellata) en position défensive, photo 2
 à gauche: Sphinx ocellé (Smerinthus ocellata) au repos; au centre et à droite: le même en position défensive.
Le redressement des ailes, et leur brutale ouverture, fait apparaître les fameux "yeux".
 
Dimorphisme sexuel
 
Comme les illustrations ci-dessous le montrent, le dimorphisme sexuel porte très visiblement sur la longueur des "queues" prolongeant les ailes postérieures, et plus classiquement sur la conformation des antennes. Les femelles vierges ne le sont jamais bien longtemps, car elles émettent des phéromones sexuelles, qui "rameutent" les mâles des alentours. L'attractivité cesse dès l'accouplement, lequel se prolonge plusieurs heures ... ce qui est plutôt court au pays des Saturniidae .... notre "Grand paon" (Saturnia pyri, voir site) y passant volontiers la nuit !
 
le bel .....Isabelle (Graellsia isabellae), couple (collection).... et sa belle !
Si besoin était ....
Chez le mâle: les queues "jouent les prolongations", les ailes antérieures sont "pointues", les antennes sont dites "plumeuses", ou encore "pectinées", l'abdomen est pointu et peu volumineux. Chez la femelle: c'est logiquement l'inverse: "queues" courtes, ailes antérieures plus "obtuses", antennes filiformes, abdomen arrondi et volumineux.
 
 
Isabelle (Graellsia isabellae), antennes du mâle Isabelle (Graellsia isabellae), antenne mâle, détail, photo 1 Isabelle (Graellsia isabellae), antenne mâle, détail, photo 2 ....................... Isabelle (Graellsia isabellae), antennes femelles Isabelle (Graellsia isabellae), antenne femelle, détail
A gauche: chez le mâle les antennes sont très visiblement "plumeuses" (plume), ou encore dites "pectinées" (peigne). Ce sont elles, ou plus exactement les innombrables sensilles (poils sensoriels), visibles sur l'agrandissement, qui captent les phéromones émises par les femelles vierges, et dirigent le mâle vers sa future partenaire ... à condition d'arriver le premier !. A droite: chez la femelle, les antennes sont pratiquement filiformes, et bien sûr moins "high tech" .... encore que !
 
Honni soit ....
 
Compte tenu de l'historique de ce papillon, et de son origine ibérique, l'appellation "Isabelle de France" me semble pour le moins prêter à confusion ( limite "usurpation d'identité" ! ), sans parler d'une autre Isabelle de France (1) ... devenue en son temps Reine d'Angleterrre ! Je préfère donc parler de l'Isabelle française, ce qui est certes beaucoup moins poétique et flatteur, mais nettement plus conforme à la réalité.
 
Je pense également que l'appellation "Isabelle de France" n'est pas étrangère au caractère emblématique d'un papillon qui doit sûrement plus à sa beauté qu'à sa rareté. Selon Patrice Leraut (2), expert s'il en est, ce papillon serait en effet "localisé, mais non menacé". J'ajouterais que la médiatisation cinématographique (3), et le talent du regretté Michel Serrault, sont venus donner corps à ce quasi mythe .... et la légende. s'en est trouvée définitivement scellée .... et popularisée !
 
Je m'interroge enfin sur l'orthographe latine du nom d'espèce de l'Isabelle, puisque l'on trouve aussi bien "isabelae" .... qu' "isabellae" ! N'ayant pu déterminer laquelle de ces appellations prévalait officiellement, je suis preneur de toute info sur la question. Selon la règle dite d'antériorité (de la description en l'occurrence) je penche évidemment pour isabelae .... mais cela ne m'éclaire pas sur la raison d'être d' isabellae ... si raison d'être il y a !
 
(1) Isabelle de France (1292-1358), alias la "Louve de France", fille de Philippe le Bel et et de Jeanne de Navarre.  
(2) Papillons de nuit d'Europe, volume 1, NAP éditions, 2006.
(3) "Papillon", film de Philippe Muyl sorti en 2002.
 
La ponte
 
Comme chez toutes les espèces qui ne s'alimentent pas, les choses vont bon train, et la ponte débute sitôt l'accouplement "consommé". Tels les semis en "poquets" du jardinier, les oeufs sont déposés par petits lots, à la base des "aiguilles" du pin, ou encore sur les fines branchettes jouxtantes.
 
Comme souvent chez les papillons "arboricoles", les arbustes et jeunes arbres sont préférés (notamment quand ils sont plus ou moins isolés ou situés en lisières), mais à défaut les branches basses peuvent convenir. Souvent pontes varient ( comme ces dames dit-on ! ), mais la moyenne me semble se situer entre 100 et 150 unités.
 
Isabelle (Graellsia isabellae), oeufs Isabelle (Graellsia isabellae), oeufs (détails)
 Exemple de "poquet".
Vous noterez la coloration plus ou moins "ferrugineuse" des oeufs, en parfaite harmonie avec l'écorce,
et plus encore avec les parties basales des aiguilles, où ils sont fréquemment déposés.
 
 
La chenille
 
La durée de l'incubation ( ou plus savamment du développement embryonnaire ! ), est bien sûr soumise aux conditions climatiques du lieu et du moment, la normalité étant de 10 à 15 jours. Vous noterez que le chorion de l'oeuf ( = "coque" ! ) n'est pas consommé, alors qu'il sert très souvent de premier repas chez les chenilles naissantes de très nombreuses espèces de papillons. Vous noterez enfin que la chenille arrive au terme de sa croissance en 5 à 6 semaines, et qu'elle préfère le pin sylvestre, sans pour autant dédaigner le pin noir et le laricio.
 
 1e stade (= L 1)
Isabelle (Graellsia isabellae), chenille naissante Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 1, photo1 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 1, photo2 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 1, photo3
à gauche: chenille venant d'éclore; à suivre: morphes typiques du premier stade, avec ligne latérale blanchâtre.
 
2e stade (= L 2) 
Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 2, photo1 Isabelle (Graellsia isabellae), chenilles stade 2, photo2 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 2, photo3 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 2, photo 4 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 2, photo 5
Le logique accroissement de la taille, et la différenciation des tubercules  épineux, témoignent du second stade larvaire.
 
3e stade (= L 3)
Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 3, photo1 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 3, photo2 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 3, photo3
les chenilles gagnent là encore en taille, et les tubercules épineux se font globuleux et jaunissants.
 
4e stade (= L 4) 
Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 4, photo1 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 4, photo2 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 4, photo3 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 4, photo4
 
Ci-dessus à gauche: chenille venant de tout juste finir sa mue, d'où une capsule céphalique non encore pigmentée,
et une livrée encore brune; à suivre et ci-dessous: panel de "L 4", stade marqué par la différenciation du chromatisme et du graphisme.
 
Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 4, photo 5 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 4, photo 6 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 4, photo 7 Isabelle (Graellsia isabellae), chenille stade 4, photo 8
 
 
 
 
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr