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L' ÉCAILLE du SÉNEÇON, ou "GOUTTE de SANG" !
 (Tyria jacobaeae, Lépidoptère Arctiidae)
 
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Intro !
 
Encore appelé la "Goutte de sang", ou le "Carmin" ou encore l' "Ecaille jacobée", ce papillon et sa chenille ont la particularité d'être toxiques. Ils ont aussi le "bon goût" ( si j'ose dire vu leur toxicité ! ), de le faire savoir aux prédateurs que sont notamment les oiseaux insectivores.
 
Comme vous le verrez, l'Ecaille du séneçon affiche même la couleur (et ce n'est pas une image !), là où d'autres espèces donnent au contraire dans la discrétion, pour elles gage de survie !
 
Présentation !
 
Tyria jacobaeae est un papillon de nuit, autrement dit un "Hétérocère", par opposition aux "Rhopalocères" que sont les papillons diurnes. Il peut néanmoins voler de jour, mais bien souvent l'envol fait suite à un quelconque dérangement de l'insecte au repos (passage de bétail, de promeneurs, coup de vent, ou autre !). J'ajouterais que les "performances" de jacobaeae apparaissent limitées, car son vol hésitant (voire carrément incertain!) ne l'amène jamais bien loin ni bien vite. En outre la bête donne souvent l'impression d'atterrir en catastrophe, et pas forcément là où elle voudrait, d'autant qu'elle se laisse volontiers porter par le vent.
 
L'écaille du séneçon relève de la Famille des Arctiidae, représentée en France par à peu près 70 espèces, souvent très vivement colorées. Elle vole de mai à juillet, en une seule génération. L'espèce occupe pratiquement toute la France, en deçà de 1600 m d'altitude, et une grande partie de l'Europe. Elle affectionne les friches ensoleillées, les carrières à l'abandon, les bords de chemins, les lisières forestières, etc.. Ce gracieux papillon est encore relativement fréquent par place, mais globalement il tend nettement à se raréfier, tout en étant plus présent dans le sud.
 
Goutte de sang (Tyria jacobaea), adulte au repos, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea), adulte au repos, photo 2. Tyria jacobaeae étalé La Goutte de sang (Tyria jacobaea), adulte en main, photo 1 La Goutte de sang (Tyria jacobaea) adulte en main, photo 2
à gauche: Tyria jacobaeae au repos, avec les ailes classiquement en "toit"; au centre: exemplaire "étalé", et donc issu de collection;
à droite: la traditionnelle photo "en main" !
 
  
Zygene du trefle (Zygaena trifolii), photo 4. Zygene du trefle (Zygaena trifolii), photo 1. Zygene du trefle (Zygaena trifolii), photo 2 Zygene du trefle (Zygaena trifolii) , Photo3.
La "Zygène du trèfle" (Zygaena trifolii) ... à titre comparatif !
Par delà la convergence morphologique, et plus encore chromatique, les Zygènes n'ont strictement rien à voir avec Tyria jacobaea  
 
L'insecte est rouge et noir, et cette livrée est qualifiée d' "aposématique", en ce sens qu'elle a valeur d'avertissement vis-à-vis des prédateurs. L'hémolymphe (= le "sang" des insectes!) comporte en effet des composés cyanhydriques, d'où une toxicité conférant évidemment une réelle protection à la bestiole. A noter que les Zygènes sont pareillement dotées, et qu'elles ont souvent la même allure générale, mais c'est là l'expression d'une convergence, et non d'une parenté. A noter enfin que "monsieur et madame" Goutte de sang portent la même livrée (graphisme et coloration), la femelle se différenciant uniquement par le volume plus important de l'abdomen. 
 
Les chenilles de la "Goutte de sang" sont pratiquement coloniales, ce qui est exceptionnel chez les Arctiidae. Elles se développent principalement sur le grand séneçon de Jacobée (Senecio jacobaea, ci-dessous), mais elles ne sont pas rare sur le petit séneçon vulgaire (Senecio vulgaris). Faute de mieux ces chenilles se contenteraient de Tussilages, ou encore de Pétasites, mais à mon avis c'est là un pis-aller, et je n'ai pas eu l'occasion d' observer le fait.
 
 
Grands seneçons, photo 1. Grands seneçons, photo 2. Grands seneçons, photo 3. Grands seneçons, photos 4.
Séneçons de Jacobée "in natura". Les "pieds" peuvent se montrer clairsemés, comme à gauche, ou au contraire très denses ... comme à droite !
Cette plante est toxique, et elle atteint couramment plus du mètre, ce qui la rend aisément repérable.
( elle domine d'ailleurs très nettement les plus grandes graminées).
 
La ponte, et les oeufs !

La ponte suit bien sûr l'accouplement, et se fait non moins logiquement sur la plante nourricière. Les oeufs sont jaunes, nombreux, et classiquement déposés par lots au revers du feuillage. A l'occasion les tiges peuvent recevoir quelques oeufs, mais ce n'est pas la norme. Les images présentées totalisent près de 150 oeufs, mais la femelle concernée avait peut-être déjà pondu avant .... et continué après ! Vu l'avancement de la saison, j'ajouterais qu'il m'aura fallu de la chance (et un peu d'astuce ! ), pour vous présenter cette ponte.

 
Goutte de sang (Tyria jacobaea), ponte, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea), ponte, photo 2. Goutte de sang (Tyria jacobaea), détail des oeufs.
Ci-dessus: exemple de ponte de Tyria jacobaea , et détail des oeufs.
 Ci-dessous: plus l'éclosion approche, et plus la tête des futures chenillettes devient visible par transparence;
à droite: éclosion imminente ... sauf pour les 4 oeufs non fécondés, et donc restés jaunes !
Goutte de sang (Tyria jacobaea), ponte embryonnée, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea), ponte embryonnée, photo 2. Goutte de sang (Tyria jacobaea), ponte embryonnée, photo 3. Goutte de sang (Tyria jacobaea), oeufs embryonnés, pdétail.
 
La chenille ... généralités !

Régulièrement annelée de jaune et de noir, la chenille de T. jacobaea est facilement reconnaissable, car à nulle autre pareille. A terme elle atteint une trentaine de mm, et compte tenu de l'échelonnement des pontes elle est quasiment observable de juin à septembre. Sa coloration et ses tendances coloniales la rendent en outre bien visible, d'autant quelle ne fait rien pour se cacher aux yeux des prédateurs (tels les oiseaux insectivores) ... et pour cause !

Comme le papillon qu'elle deviendra, la chenille est en effet toxique (toujours les fameux composés cyanhydriques), et comme lui encore elle "affiche la couleur", mais cette fois la livrée aposématique est du type "vespoïde", par référence à la couleur des guêpes et frelons, insectes bien connus pour être du genre "qui s'y frotte s'y pique ! Comme vous le verrez dans la rubrique "conclusion", notre quotidien emprunte là encore à un monde animal qui n'a pas fini de nous étonner ... et de nous inspirer !

Les très jeunes chenilles ne pouvant prétendre à la toxicité de leurs aînées, Dame Nature a prévu une protection très efficace, et non moins astucieuse. En cas de danger les menues bestioles se laissent choir instantanément dans la végétation sous-jacente, ce qu'elles font "en rappel", à la manière des alpinistes. Une fois l'alerte passée chacune remonte le long de son fil , et toute la nichée se retrouve là où elle était ... jusqu'au prochain "sauve qui peut".

 
Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenilles in natura, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenilles in natura, photo 2. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenilles in natura, photo 3. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille gros plan.
Exemples de chenilles "mûres", autrement dit au maxi de leur taille, et donc proches de se chrysalider.
 
... et en main ! .... Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille en main, photo 1............. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille en main, photo 2. ... comme d'hab !
 
 
La chenille ... développement !
 
De la naissance au "premier âge" !  
 Goutte de sang (Tyria jacobaea), éclosion des chenilles. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille naissante sur allumette (échelle). ..........Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenilles "premier âge".
Sitôt nées ... sitôt attablées ! ... telle est la règle au pays des '"Gouttes de sang" ... et des autres chenilles !
 
De l'ébauche à l'acquisition de la livrée typique !
Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille , ébauche de la livrée typique, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille , ébauche de la livrée typique, photo 2 ...... Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille, acquisition de la livrée typique, photo 1 Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille, acquisition de la livrée typique, photo 2.
A compter de la naissance le chromatisme type, à droite, a été acquis en guère plus une semaine.
Autant dire que les bestioles ne font pas semblant de passer à table !
 
En avant toute !
 Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille à mi-parcours, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille à mi-parcours, photo 2. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chenille à mi-parcours, photo 3.
Une fois la coloration acquise, il n'est d'autre changement que l'accroissement de la taille.
Cette dernière est bien sûr à la mesure du feuillage dévoré, mais elle est aussi fonction du facteur temps ... durée et météo !
 
 Terminus, tout le monde descend !
Gouttes de sang (Tyria jacobaea), groipe de chenilles. Goute de sang (Tyria jacobaea), chenilles, photo 1.
Chenilles "in natura" sur séneçon de Jacobée,
mais plus pour longtemps car la toute proche nymphose se fait au niveau du sol.
Goutte de sang (Tyria jacobaea) chenilles à terme, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea) chenille à terme, photo 2. Goutte de sang (Tyria jacobaea) chenilles à terme, gros plan.
 
La chrysalide !
 
Arrivées à maturité les chenilles descendent à terre pour se nymphoser. Quand le sol est particulièrement meuble, ou plus ou moins friable, la chenille est susceptible de fouir, mais elle se nymphose toujours à très faible profondeur, et au sein d'un pseudo cocon formé de particules terreuses à peine agglomérées par une ébauche de trame soyeuse. Dans la majorité des cas les chenilles s'insinuent simplement sous les débris végétaux, ou les plantes herbacées, et elles s'y nymphosent à nu. La chrysalide hiverne ainsi, et la nouvelle génération de Tyria jacobaeae sera visible de Mai à Juillet, compte tenu de l'échelonnement des émergences.
 
Goutte de sang (Tyria jacobaea) cocons, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea), cocons, photo 2. Goutte de sang (Tyria jacobaea), cocons, photo 3. 
exemples de cocons "terreux" de Tyria jacobaea
 
 
Goute de sang (Ttyria jacobaea), cocon ouvert, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobea), cocon ouvert, photo 2. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chrysalides, photo 1. Goutte de sang (Tyria jacobaea), chrysalides, photo 2
Chrysalides de la "goutte de sang", en place, et après extraction du cocon.
 
 
En guise de conclusion ...

En matière de sécurité (industries, travaux publics, etc...) notre signalétique emprunte en quelque sorte au monde des insectes, car par convention normalisée l'alternance de zébrures jaunes et noires est toujours synonyme de danger. Ce choix n'est certainement pas fortuit, et on peut même le qualifier de judicieux dans la mesure où il s'inspire de la crainte généralement ressentie face à tout insecte arborant ce type de graphisme. En pareil cas il s'ensuit de notre part un recul systématique, quasi-réflexe, et c'est précisément cette réaction salutaire qui est recherchée en matière de sécurité.

En tant qu'entomologiste il faut cependant signaler que cette crainte est souvent irraisonnée car de très nombreux insectes, totalement inoffensifs, ne font que mimer les quelques espèces pouvant poser problème, tels les guêpes et les frelons.

Signalons enfin que la notion même de mimétisme est parfois controversée, certains considérant que la convergence morphologique doit plus au simple hasard qu'à une évolution en quelque sorte orientée. Comme il se doit les arguments en faveur de l'une ou l'autre de ces thèses ne manquent pas, mais en débattre dépasserait censément le cadre de cette "page entomo", et fortiori celui de la présente conclusion.

  
FIN
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr