Comme tous les "Bombyx", Eriogaster lanestris est un papillon nocturne. D'une envergure moyenne de 30 à 40 mm, il relève de la Famille des Lasiocampidae, représentée en France par une grosse vingtaine d'espèces. Très largement répandu en Europe (atteint même la Sibérie et le fleuve Amour), le Bombyx laineux occupe toute la France, à l'exclusion de la Corse, et en montagne il ne dépasse pas les 1300 m. Plus discrète que rare la bestiole est peu fréquemment observée dans la nature, et les exemplaires de collections sont le plus souvent issus d'élevage. Ce papillon ne s'alimentant pas, la durée de vie s'en trouve fatalement réduite à quelques jours, ce qui ajoute évidemment à la difficulté de le rencontrer.
Ce Bombyx a le plus souvent une seule génération annuelle, au demeurant très précoce, car l'adulte apparaît courant Mars, voire dès la fin Février. Bien entendu, cette précocité est rendue possible par l' hivernage à l'état de cocons ... ces derniers pouvant passer plusieurs hivers (1) avant d'éclore ! Des émergences automnales sont toutefois possibles, mais elles restent exceptionnelles, numériquement très limitées, et sans suite. Les sexes sont très comparables, mais néanmoins aisément reconnaissables. Comme vous le verrez ultérieurement, les chenilles vivent sur divers feuillus, au sein d'une toile soyeuse communautaire.
Vous noterez qu'une espèce voisine, la "Laineuse du prunellier" (Eriogaster catax), est protégée en France par Arrêté du 23 Avril 2007. Elle fait actuellement ( 2012) l'objet d'une enquête de répartition de la part l'OPIE ("Office pour les Insectes et leur Environnement"), dans le cadre de l'INPN ("Inventaire National du Patrimoine Naturel").
(1) ... jusqu'à 7 semble-t-il, mais là j'avoue fortement douter ! La norme est de 2 à 3, comme cela s'observe chez d'autres espèces ("Grand paon de nuit" par exemple).
Tous les éleveurs de bestioles vous le diront, le frigo est un excellent moyen de faire hiverner des insectes, ou de simplement les conserver en "standby", car il suffit de les sortir pour les voir se "réveiller" en quelques minutes. Cette forme de cryoanesthésie (= "endormissement par le froid") est également utilisée pour les euthanasier "en douceur", mais cette fois ... via le congélo ! ... d'où l'étonnante observation ci-après !
Doté d'un antigel cellulaire lui permettant d'hiverner sous "trois fois rien", notre "Citron" (2) me semble sérieusement concurrencé par le Bombyx laineux. Un mâle a en effet retrouvé sa pleine forme, quasi illico ... après 24 h de congélo à -20° ! Vérité oblige, la femelle ne s'est pas remise de cet intermède quasi sibérien, même si l'espèce se complait en cette lointaine et très "frisquette" région !
(2) Ainsi appelé en raison de sa coloration, ce papillon diurne fait l'objet d'une très complète "page entomo" (voir menu).
Bien que la coloration et le graphisme soient identiques, de multiples critères permettent de différencier les sexes. Les femelles sont en effet plus grandes et proportionnellement plus allongées, l'abdomen est censément très volumineux ( avant ponte ! ), et les antennes sont filiformes là où elles sont nettement pectinées chez le mâle. Beaucoup moins classique est l'extrémité abdominale différenciée en une sorte de ... pelote de laine ! ... d'où le nom de la bestiole !
Ces papillons ne s'alimentant pas, il leur faut perpétuer l'espèce vitesse grand "V", tout devant être bouclé en quelques jours. Comme toujours, fécondation oblige, l'accouplement précède la ponte, mais à mon grand désespoir ( je survivrais quand même ! ) je n'ai pu l'observer et encore moins le photographier. Pourtant, croyez-moi, ce n'est pas faute d'avoir joué les voyeurs, y compris à toute heure de la nuit, car j'ai la chance ( ou malchance ! ) d'avoir besoin de très peu de sommeil.
Certes, mon "site de rencontres" a pu s'avérer mal adapté à l'espèce, et donc peu apprécié, mais même en supposant l'accouplement très bref cela n'explique pas tout, car j'avais quand même une trentaine de cocons. Ce Bombyx étant en très nette régression je suis limite tenté d'y voir une sorte d'altération de ses facultés génétiques, possiblement liée à un environnement de plus en plus impacté par le chimique. Par-delà cette hypothèse s'ajoute la destruction des lieux de vie, estimée comme étant la principale cause de la raréfaction de nos papillons de jour, voire de l'extinction de 16 espèces en France métropolitaine (Ouest-France du 16 mars 2012).
Comme les photos ci-dessous le montrent, les oeufs sont pondus autour d'une branchette de l'arbre ou arbuste nourricier et sans doute simultanément ( et fort joliment ! ) manchonnés avec la "bourre" de l'extrémité abdominale. Sur branche de plus forte section, les oeufs sont déposés sous la forme d'une bandelette, et pareillement "mohairdisés". On peut y voir une protection thermique, et mécanique, mais aussi une forme de camouflage vis à vis des prédateurs.
Grégarisme oblige, les chenilles de la laineuse vivent au sein de toiles communautaires qu'elles quittent pour s'alimenter sur le feuillage environnant. Pour l'heure, sur la base de 2 nichées élevées "en parallèles", je dirais que les sorties sont fractionnées, non synchrones, et principalement observables de jour. Passablement éclectique, cette espèce peut se rencontrer sur de nombreux feuillus, et notamment les pruniers, saules, aubépines, sorbiers, aulnes, cerisiers, tilleuls, bouleaux, prunelliers, poiriers. La vie communautaire perdure tout au long du développement larvaire, avec abandon du nid au moment de la nymphose.