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Le Bombyx laineux ou Laineuse du cerisier (Eriogaster lanestris) !
(Lépidoptère Lasiocampidae)
  
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Intro !
 
Histoire d'œufs …
 
Il y a très très longtemps de cela, j'ai eu l'opportunité de visiter le laboratoire souterrain de Moulis (Ariège), et d'y découvrir "de visu" les très curieux coléoptères cavernicoles que sont les Aphaenops. Etant les seuls prédateurs de ce peu banal milieu de vie, ces petits Carabidae (au plus 5 à 6 mm) ont la particularité de pondre un seul œuf … tous les 36 du mois ! J'ajouterais que cet œuf, presque aussi gros que l'abdomen de la bestiole, est déposé sans la moindre protection … là où il veut bien tomber !
 
A l'inverse, les oeufs soumis à "gaspillage", ou à forte prédation, sont logiquement très nombreux, et de ce fait très petits. C'est par exemple le cas de la Sésie apiforme, papillon mimant un frelon (voir menu), dont la ponte dépasse allègrement le millier d'unités
 
Par-delà ces cas extrêmes, Dame Nature dispose évidemment de tout un panel de "solutions" visant à assurer la protection des oeufs, et donc la pérennité des espèces concernées. En la matière le Bombyx laineux fait preuve d'une peu banale originalité ... que je vous invite à découvrir !
 
Présentation !

Comme tous les "Bombyx", Eriogaster lanestris est un papillon nocturne. D'une envergure moyenne de 30 à 40 mm, il relève de la Famille des Lasiocampidae, représentée en France par une grosse vingtaine d'espèces. Très largement répandu en Europe (atteint même la Sibérie et le fleuve Amour), le Bombyx laineux occupe toute la France, à l'exclusion de la Corse, et en montagne il ne dépasse pas les 1300 m. Plus discrète que rare la bestiole est peu fréquemment observée dans la nature, et les exemplaires de collections sont le plus souvent issus d'élevage. Ce papillon ne s'alimentant pas, la durée de vie s'en trouve fatalement réduite à quelques jours, ce qui ajoute évidemment à la difficulté de le rencontrer.

Ce Bombyx a le plus souvent une seule génération annuelle, au demeurant très précoce, car l'adulte apparaît courant Mars, voire dès la fin Février. Bien entendu, cette précocité est rendue possible par l' hivernage à l'état de cocons ... ces derniers pouvant passer plusieurs hivers (1) avant d'éclore ! Des émergences automnales sont toutefois possibles, mais elles restent exceptionnelles, numériquement très limitées, et sans suite. Les sexes sont très comparables, mais néanmoins aisément reconnaissables. Comme vous le verrez ultérieurement, les chenilles vivent sur divers feuillus, au sein d'une toile soyeuse communautaire.

Vous noterez qu'une espèce voisine, la "Laineuse du prunellier" (Eriogaster catax), est protégée en France par Arrêté du 23 Avril 2007. Elle fait actuellement ( 2012) l'objet d'une enquête de répartition de la part l'OPIE ("Office pour les Insectes et leur Environnement"), dans le cadre de l'INPN ("Inventaire National du Patrimoine Naturel").

(1) ... jusqu'à 7 semble-t-il, mais là j'avoue fortement douter ! La norme est de 2 à 3, comme cela s'observe chez d'autres espèces ("Grand paon de nuit" par exemple).

 
Elle ! ... Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), couple étalé (collection). ... et lui !
Exemplaires "étalés", et donc de collection, seule façon de voir les ailes postérieures, toujours masquées sur le vif .
Coloration et graphisme sont identiques chez les 2 sexes, mais il est d'autres critères permettant de les différencier à coup sûr.
 
 
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), adulte, photo 1. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), adulte, photo 2. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), adulte, photo 3. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), adulte, photo 4.
Exemples de "Bombyx laineux" ... Eriogaster lanestris pour les initiés !
 
 
Gros plan ! .... Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  gros plan. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), adulte en main. ...mâle en main !
 
 Etonnant !

Tous les éleveurs de bestioles vous le diront, le frigo est un excellent moyen de faire hiverner des insectes, ou de simplement les conserver en "standby", car il suffit de les sortir pour les voir se "réveiller" en quelques minutes. Cette forme de cryoanesthésie (= "endormissement par le froid") est également utilisée pour les euthanasier "en douceur", mais cette fois ... via le congélo ! ... d'où l'étonnante observation ci-après !

Doté d'un antigel cellulaire lui permettant d'hiverner sous "trois fois rien", notre "Citron" (2) me semble sérieusement concurrencé par le Bombyx laineux. Un mâle a en effet retrouvé sa pleine forme, quasi illico ... après 24 h de congélo à -20° ! Vérité oblige, la femelle ne s'est pas remise de cet intermède quasi sibérien, même si l'espèce se complait en cette lointaine et très "frisquette" région !

(2) Ainsi appelé en raison de sa coloration, ce papillon diurne fait l'objet d'une très complète "page entomo" (voir menu).

 
Dimorphisme sexuel !

Bien que la coloration et le graphisme soient identiques, de multiples critères permettent de différencier les sexes. Les femelles sont en effet plus grandes et proportionnellement plus allongées, l'abdomen est censément très volumineux ( avant ponte ! ), et les antennes sont filiformes là où elles sont nettement pectinées chez le mâle. Beaucoup moins classique est l'extrémité abdominale différenciée en une sorte de ... pelote de laine ! ... d'où le nom de la bestiole !

 
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), femelle. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  femelle, détail extrémité abdominable. ...........Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  femelle, mise en évidence de la "bourre" laineuse. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  détail de la bourre laineuse.
à gauche: mise en évidence de la "pelote de laine" de l'extrémité abdominale de la femelle.
à droite: extraction partielle, et détail de la "laine". Vous noterez son abondance et son extrême finesse.
Quant à l'usage il vous faudra patienter ... un tout petit peu !
 
 
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  mâle, photo 1 Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  mâle,  face dorsale. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  mâle,  face ventrale, photo 1. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  mâle,  face ventrale, photo 2.
Plus petit, et plus "court", tel se présente le mâle.
Vous noterez la forme de l'abdomen, son uniformité, et son extrémité plus ou moins aplatie en "pinceau".
 
 
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  couple, comparaison des antennes. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  mâle,  détail des antennes. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  antennes mâle et femelle isolées.
à gauche: juxtaposition antennaire comparative (mâle à gauche).
au centre: détail des antenne du mâle; à droite: duo antennaire ... mâle en bas !
 
La ponte, et les oeufs !

Ces papillons ne s'alimentant pas, il leur faut perpétuer l'espèce vitesse grand "V", tout devant être bouclé en quelques jours. Comme toujours, fécondation oblige, l'accouplement précède la ponte, mais à mon grand désespoir ( je survivrais quand même ! ) je n'ai pu l'observer et encore moins le photographier. Pourtant, croyez-moi, ce n'est pas faute d'avoir joué les voyeurs, y compris à toute heure de la nuit, car j'ai la chance ( ou malchance ! ) d'avoir besoin de très peu de sommeil.

Certes, mon "site de rencontres" a pu s'avérer mal adapté à l'espèce, et donc peu apprécié, mais même en supposant l'accouplement très bref cela n'explique pas tout, car j'avais quand même une trentaine de cocons. Ce Bombyx étant en très nette régression je suis limite tenté d'y voir une sorte d'altération de ses facultés génétiques, possiblement liée à un environnement de plus en plus impacté par le chimique. Par-delà cette hypothèse s'ajoute la destruction des lieux de vie, estimée comme étant la principale cause de la raréfaction de nos papillons de jour, voire de l'extinction de 16 espèces en France métropolitaine (Ouest-France du 16 mars 2012).

Comme les photos ci-dessous le montrent, les oeufs sont pondus autour d'une branchette de l'arbre ou arbuste nourricier et sans doute simultanément ( et fort joliment ! ) manchonnés avec la "bourre" de l'extrémité abdominale. Sur branche de plus forte section, les oeufs sont déposés sous la forme d'une bandelette, et pareillement "mohairdisés". On peut y voir une protection thermique, et mécanique, mais aussi une forme de camouflage vis à vis des prédateurs.

 
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  ponte, photo 1. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  ponte, photo 2. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  ponte, détail des oeufs. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  ponte,  détail de la bourre.
de gauche à droite: 1 & 2)- exemples de pontes; 3)- détail du positionnement des oeufs
4)-détail du manchon. Son aspect "laineux", digne du plus beau mohair, est bien sûr à l'origine des noms scientifique et vernaculaire de ce Bombyx.
 
 
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  détail des oeufs, photo 1. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  détail des oeufs, photo 2 Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  détail des oeufs, photo 3 Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), ponte extraite de l'abdomen, photo 1. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), ponte extraite de l'abdomen, photo 2
de gauche à droite: 1 à 3)- oeufs de la laineuse ... après détricotage !
4 & 5)- La totalité d'une ponte ... soit 326 oeufs  !
 
La chenille !

Grégarisme oblige, les chenilles de la laineuse vivent au sein de toiles communautaires qu'elles quittent pour s'alimenter sur le feuillage environnant. Pour l'heure, sur la base de 2 nichées élevées "en parallèles", je dirais que les sorties sont fractionnées, non synchrones, et principalement observables de jour. Passablement éclectique, cette espèce peut se rencontrer sur de nombreux feuillus, et notamment les pruniers, saules, aubépines, sorbiers, aulnes, cerisiers, tilleuls, bouleaux, prunelliers, poiriers. La vie communautaire perdure tout au long du développement larvaire, avec abandon du nid au moment de la nymphose.

 
Larves naissantes = stade larvaire 1 ( = L1 )
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), nichée de chenilles stade 1, photo 1. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),chenille naissante, photo 1. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),chenille naissante, photo 2. ................. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), nichée de chenilles stade 1, photo 2. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), nichée de chenilles stade 1, photo 3.
à gauche: chenilles naissantes à partir d'oeufs plus ou moins en vrac ( ponte avortée ou femelle dérangée ! ) ; à droite: premiers jours de vie communautaire.
Comme ci-dessous, l'incubation des oeufs a été de 15 jours ... en véranda ! Dans la nature il faut certainement compter de 3 à 4 semaines, selon régions.
 
 
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), éclosions des chenilles, photo 1.  Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), éclosions des chenilles, photo 2. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), éclosions des chenilles, photo 3. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), chenilles venant d'éclore Bombyx laineux (Eriogaster lanestris), chenillettes âgées de 24 h, premirers coups de mandibules, et fils de soie.
Eclosions .... "crescendo" !
à gauche: premières éclosions ( et en vidéo ! ),
à droite: moins de 24 h plus tard: premiers coups de mandibules, premiers fils de soie ... et premières crottes !
 
... et "in natura"
Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  nid sur aubépine,  chenilles  "in natura", stade 1, photo 1. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  nid sur aubépine,  chenilles "in natura" stade 1, photo 2. Bombyx laineux (Eriogaster lanestris),  nid sur aubépine,  chenilles "in natura" stade 1, photo  3.
Une ponte, mise en situation dans une haie d'aubépines, en est ici au 1er stade larvaire, alors qu'une autre ponte "au chaud" vient de déjà passer au 3e. Vous noterez que ce bain de soleil collectif , pris au soleil levant, témoigne de l'activité diurne des chenilles de ce bombyx. Les "nocturnes" sont toutefois possibles, mais elles paraissent limitées dans le temps, et intéressent peu d'individus. Elles sont également tributaires de la météo, les bestioles restant au chaud par mauvais temps ... comme vous et moi !
 
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr