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 La GRANDE TORTUE (Nymphalis polychloros) !
 
(Lépidoptère Nymphalidae)
 
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En guise d'intro !
 
la "Grande tortue" ... ....100 % laitue !
Un peu facile .... mais tellement tentant !
... surtout quand l'auteur d'un nom vernaculaire ne nous laisse aucune chance d'en connaître ou subodorer l'origine !
 
Mea culpa : en fait la coloration dite "écaille de tortue" correspond aux chats noirs et roux, comme l'est la "Grande tortue", d'où une très plausible explication suggérée par Désiré Dembski (qu'il en soit remercié ! ). Concernant les chats, j'ajouterais que la répartition des 2 couleurs doit être harmonieuse et équilibrée, sans contrainte de dessin, et qu'il s'agit généralement de femelles.
 
Présentation
 
Nymphalis polychloros, alias la "Grande tortue" (parfois appelée la "Vanesse de l'orme"), relève des Nymphalidae, très importante Famille de papillons diurnes regroupant 130 espèces pour la seule faune française. Comme vous le verrez ultérieurement (en conclusion de cette "page entomo"), la Grande tortue a une petite soeur (Aglais urticae), logiquement dénommée ... la "Petite tortue". Vous verrez surtout que ce papillon soulève des questions allant très au-delà des habituelles préoccupations entomologiques.
 
la " Grande tortue" .... Grande tortue (Nymphalis polychloros) étalé .... la vraie cette fois !
Exemplaire "étalé" ... et donc de collection !
 
La Grande tortue est largement répandue en France, mais elle n'y abonde jamais, et en montagne elle n'excède pas les 1500 m . J'ajouterais qu'elle se fait plus discrète dans le nord, et qu'elle tend globalement à se raréfier, comme de nombreuses espèces d'insectes. En raison de sa "méridionalité", ce papillon est absent du nord de l'Europe, mais son aire de répartition reste par ailleurs très vaste; puisque la bestiole batifole en Afrique du Nord ...tout en se permettant d'aller flirter avec l'Himalaya !
 
Biologie
 
La biologie de la Grande tortue est très souvent comparée à celle du "Morio" (Nymphalis antiopa, voir site), et ce n'est pas sans raisons, d'autant que les 2 espèces ont une certaine propension à partager les mêmes biotopes. La Grande tortue peut se rencontrer un peu partout, (zones bocagères, lisières forestières, abords des cours d'eau, parcs à l'occasion), mais les zones humides plus ou moins arborées, sont souvent appréciées, telle la "Grande Brière" (Loire-Atlantique), non loin de chez moi, où les 2 espèces sont observables.
 
Comme le Morio, la Grande tortue n'a qu'une génération annuelle, avec apparition des adultes début Juillet. Comme lui encore les adultes "estivent" peu après l'émergence, avec une brève réactivation automnale avant l'hivernage. Dès les premiers beaux jours les polychloros reprennent du service, avec pariades et pontes à la clé.
 
Grande tortue (Nymphalis polychloros) in natura (photo 1) Grande tortue (Nymphalis polychloros) in natura (photo 2) Grande tortue (Nymphalis polychloros) verso des ailes Grande tortue (Nymphalis polychloros) détail de la tête
Comme chez tous les vrais "papillons de jour",
la position dite de repos est caractérisée par le parfait accolement des ailes.
 
Vous noterez qu'il n'y a pas de dimorphisme sexuel apparent, si ce n'est que les femelles sont un peu plus grandes, avec un tour de taille à l'avenant, car il faut bien caser les oeufs quelque part. Vous noterez également la longévité exceptionnelle de ce papillon, puisqu'il vit de 10 à 11 mois, à l'instar de quelques autres espèces ... dont le Morio !
 
Toujours au titre des particularités, sachez que la Grande tortue ne butine pas (au sens habituel du terme), hormis sur les chatons des saules. En dehors de cette brève période printanière ce papillon se contente de "pomper" sa subsistance sur les lésions des arbres, les écoulements de sève, et autres "sources" de même nature .... encore et toujours comme le Morio ! 
 
Grande tortue (Nymphalis polychloros) en main (photo 1) Grande tortue (Nymphalis polychloros) en main (photo 2) Grande tortue (Nymphalis polychloros) en main (photo 3) Grande tortue (Nymphalis polychloros) en main (photo 5)
 Les vues ci-dessus sont peu évidentes à réaliser, car ce papillon passe directement du repos (ailes fermées) à l'envol, et cela sans le moindre signe précurseur. Fort heureusement je disposais d'un bon lot d'imagos, ce qui m'a permis quelques clichés .... tout en repeuplant les alentours.!
 
La ponte
 
Elle a lieu en Avril, après l'hivernage, et bien sûr après accouplement. Les oeufs sont joliment côtelés, et régulièrement "déposés-collés" autour des plus fines branchettes de l' arbre nourricier. Il s'agit essentiellement de saules et de bouleaux, plus rarement d'ormes et de trembles, mais aussi de fruitiers, et notamment de cerisiers. A ces classiques il convient d'ajouter le micocoulier, plus connu pour donner vie à "l'Echancré" (Libythea celtis).
 
Quand la bestiole est assidue, et non dérangée, la ponte a la forme d'un manchon de 20 à 30 mm de longueur, et compte en moyenne autour de 200 oeufs. Dans le cas contraire, la ponte peut se voir fractionnée, et prendre l'aspect de courtes bagues, plus ou moins fermées, regroupant quelques dizaines d'unités.
 
Je ne sais si la pratique est courante, mais j'ai eu l'occasion d'observer le curieux manège d'une femelle en train de pondre. A plusieurs reprises elle est brièvement partie "faire un tour", et a toujours repris son ouvrage pile poil où elle l'avait laissé, car le manchon final s'est avéré parfaitement régulier, comme s'il avait été pondu d'un jet.
 
 ponte de Grande tortue (Nymphalis polychloros), photo 1) ponte de Grande tortue (Nymphalis polychloros), photo 2 ponte de Grande tortue (Nymphalis polychloros), photo 3
Exemples de petites pontes, ou plus exactement de pontes en quelque sorte "fragmentées".
Sur celle de droite les derniers oeufs sont sur le point d'éclore.
 
Les oeufs frais pondus sont vert-jaunâtre (ou jaune-verdâtre!), et en tout cas comme ci-dessous à gauche. L'incubation est de l'ordre de 2 à 3 semaines, et les oeufs se rembrunissent progressivement, au fur et à mesure du développement embryonnaire des futures chenillettes.
 
Je rappelle que la taille des oeufs est généralement fonction de leur nombre, lui-même en rapport avec la taille de l'insecte. Quand le taux de "casse" ou de prédation est élevé, il y a souvent compensation par le biais de pontes plus "généreuses" ...et d'oeufs censément plus petits ! La situation inverse est pareillement observable, avec le cas extrême de certains coléoptères cavernicoles qui se contentent d'émettre un oeuf tous les 36 du mois ... et croyez-moi j'exagère à peine !
 
ponte en manchon de Grande tortue (Nymphalis polychloros) détail des oeufs de ponte de Grande tortue (Nymphalis polychloros) oeufs embryonnés de ponte de Grande tortue (Nymphalis polychloros) ponte de Grande tortue (Nymphalis polychloros), après éclosions
Ponte typique .... sur support atypique !
Vous noterez l'importance du manchon (3 cm), et donc du nombre des oeufs, mais aussi leur forme, et leur coloration "frais pondus". Vous noterez également le brunissement de la ponte (induit par l'évolution embryonnaire), et la persistance des "chorions" après éclosions. 
 
La chenille
 
Les chenilles de la Grande tortue sont très fortement grégaires, et dès leur naissance la cohésion se fait au sein d'une toile commune tissée alentour du rameau et des feuilles nourricières, mais il s'agit plus d'une aire de rassemblement, que d'un véritable abri pour la nichée. Quand le feuillage d'un rameau ou d'une branchette est en grande partie croqué, la troupe déménage pour re-tisser, re-croquer, re-déménager, et ce jusqu'au terme d'un développement avoisinant plus ou moins les 5 semaines
 
Compte tenu du grégarisme, et de la coloration assez sombre des bestioles, les nichées de chenilles âgées sont aisément repérables à bonne distance, du moins pour l' oeil aguerri de l'entomologiste ... ou du prédateur ! Il faut attendre le dernier stade larvaire pour observer la dispersion de la colonie, ou plus exactement son fractionnement, car les échanges perdurent plus ou moins entre les groupes "dissidents".
 
Quand on voit des rassemblements de 100 ou 150 chenilles (sinon plus ! ), on a du mal à concevoir la faible fréquence de la Grande tortue, mais il faut savoir que le grégarisme favorise grandement le parasitisme ... et facilite parfois la tâche du prédateur, notamment quand l'effet de masse est insuffisant, et donc non dissuasif.
 
Le développement ... en images !
 
Chenilles naissantes
 chenilles naissantes de Grande tortue (Nymphalis polychloros) chenille naissante de Grande tortue (Nymphalis polychloros), détail (photo 1) chenille naissante de Grande tortue (Nymphalis polychloros), détail (photo 2)
 Petite chenille deviendra grande .... si Dame Nature lui prête vie !
 
 
Du 1e au 2e stade larvaire
chenilles de Grande tortue (Nymphalis polychloros), au premier stade larvaire (photo 1) chenilles de Grande tortue (Nymphalis polychloros)  polychloros), au premier stade larvaire (photo 2) chenilles de Grande tortue (Nymphalis polychloros)  polychloros), au premier stade larvaire (photo 3) chenilles de Grande tortue (Nymphalis polychloros)  polychloros), au premier stade larvaire (photo 4) chenilles de Grande tortue (Nymphalis polychloros)  polychloros), au 2e stade larvaire (photo 2)
Dès le plus jeune âge la toile est de rigueur et joue un rôle primordial dans la cohésion de la nichée.
à droite: exemple de chenillettes au second stade larvaire.
(remarquer l'apparition d'une très nette pilosité, préfiguration des futures soies épineuses de la chenille âgée)
 
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr