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le PRIONE TANNEUR (Prionus coriarius) !
(Coléoptère Cerambycidae)
 
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Intro !
 
Au pays des longicornes, et aussi surprenant que cela puisse paraître, il est des noms qui fleurent bon l'artisanat. Outre le Prione tanneur, on trouve en effet le Lamie tisserand, ou encore l'Ergate forgeron .... mais bien évidemment ils ne tannent, ni ne tissent, ni ne forgent !
 
Pour faire simple, disons que les appellations scientifiques, et les communes à un moindre degré, résultent de la nécessité de différencier les espèces, tant animales que végétales, à commencer par le 1.000.000 d'insectes connus.
 
Très souvent ces noms se réfèrent à des critères concrets ( morphologiques, comportementaux, géographiques, etc...), mais les auteurs ont censément puisé en d'autres domaines ( la mythologie par exemple ), ou tout simplement fait appel à leur imagination .... au grand dam de la nôtre, car l' imagé n'est pas toujours aisé à décrypter, et l' imaginaire l'est encore moins !
 
 
Pour info !Prione tanneur (mâle) Ergate forgeron Lamie tisserand
à gauche: Prione tanneur (Prionus coriarius) 25-40 mm; au centre: Ergate forgeron (Ergates faber) 30-50 mm;
à droite: Lamie tisserand (Lamia textor) 20-35 mm,.
( les 3 espèces sont présentes sur le site !)
 
 
Présentation
 
En son temps ( 1758 ! ), le Prione Tanneur (Prionus coriarius), a été ainsi dénommé par Linné, en raison de la coloration de la carapace, et de son aspect rappelant la texture du cuir ( = "corium"). D'autres ont en quelque sorte francisé la dénomination de la bestiole, en la décrétant "coriace" ....comme l'est le cuir ( dixit le dico ! ). Quoi qu'il en soit, je dirais que la carapace en question est fort peu rigide et résistante, notamment en regard de celle quasi blindée du Lamia textor (ci-dessus à droite) .... et là c'est une certitude !
 
Cela précisé, le Prione tanneur relève de la Famille des Cerambycidae, autrement dénommés "longicornes", ou encore "capricornes", en raison de la longueur et de la forme des antennes. La faune française comporte un peu plus de 230 espèces, en grande partie xylophages, la majorité d'entre-elles se développant dans les bois morts et dépérissants, ou encore fraîchement abattus.
 
Par leur taille (40 mm bon compte) et surtout leur corpulence, les femelles du Prione comptent parmi les plus robustes insectes de notre faune. Largement répandu en France, mais jamais abondant pour autant, cet insecte s'observe assez tardivement en saison, de mi-juillet à mi-septembre selon les régions. L'activité est essentiellement crépusculaire et nocturne, mais la bestiole peut se rencontrer dans la journée, faisant la sieste (si je puis dire ! ) sur les vieilles souches ombragées.
 
Les 2 sexes du Prione sont aptes au vol, mais celui du mâle est particulièrement spectaculaire, et assimilable à celui d'une mouche par son aisance et sa rapidité. Le mâle, encore lui, est capable d'essors diurnes, mais c'est toujours très exceptionnel, pour ne pas dire accidentel. Par contre, et je l'ai maintes fois constaté, mâles et femelles sont très nettement attirés par la lumière.
 
 
 Prione tanneur mâle sur le vif (photo 1) Prione tanneur mâle sur le vif (photo 2) Prione tanneur mâle sur le vif (photo 3) Prione tanneur mâle sur le vif (photo 4) Prione tanneur mâle en main (photo 1)
Prione tanneur mâle dans ses oeuvres  !
 
 
....et un autre en main ....Prione tanneur mâle, dimorphisme antennaire Prione tanneur mâle en main (photo 2) ....pour l'échelle !
 
 
Prione tanneur femelle sur le vif (photo 1) Prione tanneur femelle sur le vif (photo 2) Prione tanneur femelle sur le vif (photo 3) Prione tanneur femelle sur le vif (photo 4) Prione tanneur femelle sur le vif (photo 5)
acrobaties "digitales" pour Prione tanneur femelle !
 
 
Le dimorphisme sexuel
 
Chez les longicornes le dimorphisme porte souvent sur la longueur des antennes, celles des mâles étant classiquement plus longues que celles des femelles. Chez le Prione tanneur la différence intéresse plus nettement la forme, les antennes des mâles étant très fortement dentelées, comme une lame de scie, par opposition à celles des femelles, plus fines et sub-filiformes.
 
Le dimorphisme concerne également la taille des bestioles, les femelles faisant fréquemment le double de leurs partenaires. Enfin, si besoin était, la face ventrale de l'abdomen des femelles est totalement glabre, et celle des mâles recouverte d'une fine pubescence, courte et peu dense .....mais pour en juger mieux vaut avoir une loupe .... ou de bons yeux !
 
 
Prione tanneur femelle, dimorphisme antennaire accouplement de Prione tanneur
à gauche: mâle de Prione, remarquez les fortes dentelures antennaires; au centre: femelle, avec ses antennes quasi filiformes;
à droite: remarquer la disparité des tailles, et en l'occurrence la classique petitesse du mâle.
 
 
 
pilosité abdominale du Prione mâledimorphisme antennaire du Prionus coriarius face ventrale  abdominale de la femelle de Prionus
à gauche: abdomen pubescent du mâle; à droite: abdomen glabre de la femelle;
au centre: illustration du dimorphisme antennaire du Prione tanneur ( mâle en haut ! )
 
 
L'accouplement & la ponte
 
L'accouplement est classique, comme les illustrations ci-dessous en témoignent, et là encore on peut constater l'importante disparité des tailles, quasi norme chez cet insecte. La ponte se fait au niveau des vieilles souches plus ou moins cariées (et souvent dessous quand c'est possible), mais également au pied des arbres dépérissants, et notamment des chênes. Pour ce faire la femelle dispose d'un "oviscapte" (= organe de ponte) dévaginable, mais quand le terrain le permet, elle peut s'enterrer, au moins en partie (comme ci-dessous) pour déposer ses oeufs en bonne place, et donc au contact du bois nourricier.
 
Je ne saurais dire combien d'oeufs sont pondus, mais compte tenu de leur grosseur, et du fort volume abdominal des femelles, je les crois assez nombreux, et sans doute au-delà de la centaine ... mais pour la certitude il faudra attendre !
 
 
accouplement de Priones tanneurs (photo 1) accouplement de Priones tanneurs (photo 2) accouplement de Priones tanneurs (photo 3)
accouplement de Priones  !
Vous noterez que le dérangement leur importe peu !
 
 
"pondeuse" en pleine action .... memelle de Prionus en train de pondre oeufs du Prionus ....et récolte des futures larves !
  
 
Bizarre ... et même plus que bizarre !
 
Une femelle de Prionus cherchant à pondre c'est toujours bon à prendre (en photos s'entend ! ), mais j'étais bien loin de m'attendre aux images ci-dessous, qu'il s'agisse de la position de la bestiole, ou de l'espèce de baudruche "jaillissant" de son ovipositeur. Concernant la position (cliché ci-dessous à gauche), il pourrait s'agir d'un appel sexuel, mais cela reste une pure hypothèse, car je n'ai jamais observé pareil comportement, et je ne l'ai pas davantage vu décrit ou photographié.
 
Cette totale absence de références vaut également pour cette étrange structure, à la fois tubulaire, sub-translucide, et dévaginable à volonté en tout ou partie. Pour le moment personne n'a pu fournir d'explication "carrée", que ce soit sur l'origine de cet "organe", et sur sa raison d'être dans le présent contexte. A en croire des "VIP" de l'entomo, il pourrait y avoir une relation avec le tube digestif, mais le point d'interrogation demeure. Bien entendu je suis preneur de toute observation du même genre, et de toute documentation sur le sujet.
 
 
 femelle de Prione "en appel" ? ovipositeur de Prione (photo 1) ovipositeur de Prione (photo 2) ovipositeur de Prione (photo 3) ovipositeur de Prione (photo 4)
Photos datant du 17 juillet 2008
 à gauche: une position pour le moins étrange, faisant penser à une sorte d'appel sexuel.
A suivre : dévagination normale de l'ovipositeur (= "organe de ponte"), puis avec cet étrange "organe" tubulaire, lui même dévaginable.
 
Notez-le ! mon appel ayant été entendu (le 1-01- 09) par un visiteur au fait du sujet, mes observations et hypothèses se voient confirmées par ce lien ( merci Vincent ! ), la bibliographie afférente renvoyant à la description originale , en 2006, dans le "Journal of insect Behavior".
 
Au final, et vous l'aurez compris, cette curieuse posture correspond bien à un très explicite "appel sexuel", avec émission de phéromones attractives, via cette non moins curieuse "baudruche". Vous noterez le caractère récent de cette découverte et de sa publication (2006) ... ma propre observation datant du 17 juillet 2008 !
 
12 Juillet 2012 : seconde observation, cette fois en vidéo !
22 Juillet 2013: ... et là encore mieux !
 
La larve
 
Comme précédemment évoqué, le Prione se développe aux dépens des vieilles souches cariées, qu'il contribue d'ailleurs à décomposer. Comme tous les insectes vivant dans des bois plus ou moins dégradés, notre bestiole n' a pas d'exigence particulière quant à la nature de l'arbre proprement dit. En d'autres termes, tous les feuillus font ventre, et faute de mieux les larves peuvent même s'accommoder de résineux, tels les pins.

A l'instar des autres grandes espèces de longicornes, et en raison sans doute des piètres qualités nutritives des bois consommés, le développement larvaire du Prione demande 3 années. La nymphose se fait dans une sorte de coque très résistante, constituée de particules de bois agglomérées, et de terre mêlée. Cette loge peut être élaborée au sein même de la souche, ou dans le sol sous-jacent. Pour l'heure je n'ai pas d'illustrations à proposer .... mais j'ai bon espoir de pouvoir le faire cette année !

 
 
larves naissantes de Prionus coriarius (photo 1) larves naissantes de Prionus coriarius (photo 2) larve âgée de Prine tanneur in situ panel de larves de Prionus
la larve du Prione tanneur (Prionus coriarius)
 de gauche à droite: 1 & 2)- larves naissantes, issues des oeufs illustrant la ponte;
3)- larve âgée "in situ"; 4)- panel larvaire !
 
 
En guise de conclusion ....
 
En d'autres temps, faute de pouvoir les extraire aisément et à moindres frais, les souches des arbres morts ou abattus restaient le plus souvent en terre, et la table des Priones, Lucanes, et autres bestioles xylophages, s'en trouvait ainsi abondamment et durablement servie.
 
De nos jours, mécanisation aidant, il n'est pas de souches en mesure de résister à la puissance d'un tractopelle, et encore moins à celle d'une pelleteuse ou d'un bulldozer. A cela il faut ajouter les destructeurs chimiques, et plus encore les redoutables "rogneurs de souches", et autres "grignoteurs" en tous genres, qui n'ont pas leur pareil pour vous transformer la plus rebelle des souches ...en simple tas de copeaux !
 
Ce faisant, et vous l'aurez compris, tout un pan de notre biodiversité entomologique s'en trouve affecté,
et je le regrette doublement, car le devenir des prédateurs naturels en est pareillement touché, à commencer par celui des oiseaux insectivores.
 
  
FIN
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr