Le PSYLLE de
l'ALBIZIA, ou PSYLLE de l'ARBRE à SOIE
!
(Acizzia
jamatonica, Homoptère Psyllidae)
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Intro !
Pour une fois, la quasi totalité
du texte précède les illustrations. Ce choix est
certes inhabituel, et peut donc dérouter, mais faire
l'impasse serait dommage pour la bonne compréhension de la
biologie de ces curieux insectes.
Pour une fois encore, l'image
prévaut largement .... mais n'espérez pas de
miracles ! Comme ses très nombreuses "cousines", la
bestiole est en effet particulièrement petite, d'où
la difficulté conjointe de l'étudier, et la
photographier ... surtout avec un APN pouvant se qualifier de
"grand public" !
Enfin, ultime "dérogation",
là où mes "pages entomo" relèvent
fréquemment d'un "coup de coeur", il s'agit cette fois d'un
"coup de gueule" ... au demeurant très symbolique ! Disons
que les voitures de naturalistes ne sont pas à un miellat
près, et la mienne l'est encore moins, mais comme vous le
verrez, il est quand même des circonstances .... où
trop c'est trop !
Les Psylles ... en
général !
Les Psylles sont des insectes
Homoptères, et à ce titre ils "voisinent" ( entre
autres ! ), avec les cigales, cicadelles, et pucerons. Bien
entendu ils empruntent aux uns et aux autres, à commencer
par les ailes en toit au repos, et une relative aptitude au vol,
mais aussi par la présence d'un rostre piqueur-suceur en
charge de "pomper" la sève nourricière. A cela
s'ajoute la faculté de sauter tous azimuts comme des puces
(d'où le nom de "puces de feuilles" parfois donné !
), grâce à des fémurs postérieurs ...
"renforcés" ! Bien entendu, cela ne facilite pas la
tâche des prédateurs ... ni celle du photographe ! Au
passage, vous noterez que les insectes sauteurs sont parfois dits
"saltipèdes" .... car dotés de pattes "saltatoires"
! .... CQFD !
Par leur très petite taille, le
plus souvent autour de 2 à 3 mm, et par la
sécrétion de cires et miellats favorisant la
formation de fumagine, les Psylles ne sont pas sans rappeler
certains pucerons. La confusion est même parfois possible,
comme avec le puceron lanigère (Eriosoma lanigerum). Ces
"faux pucerons" sont toutefois aisément reconnaissables par
la constance morphologique des adultes (au sein d'une même
espèce s'entend), alors que le polymorphisme est de
règle chez les vrais pucerons.
De très nombreuses espèces
de Psylles sont connues, la seule Alsace en hébergeant
déjà 64 (Malenovsky, 1999). Ces insectes sont
très spécialisés, chaque bestiole ayant
pratiquement son végétal attitré, tels les
psylles des orties, des joncs, du buis, ou encore des ronces. Idem
pour les arbres, y compris décoratifs (mimosa et arbre de
Judée par exemple), et surtout fruitiers (tels les psylles
du poirier, du pommier, du figuier, de l'olivier). Il s'ensuit
bien sûr de sérieux problèmes en cas de
pullulation du parasite, à commencer par le
dessèchement du feuillage, d'où l'affaiblissement
des arbres sévèrement touchés, avec souillure
des fruits le cas échéant. A cela s'ajoute la
difficulté des traitements en raison du chevauchement des
générations, et de la protection induite par les
excrétions cireuses.
... et celui de l'Albizia
en particulier !
L'arbre à soie (Albizia
julibrissin), encore appelé "acacia de Constantinople",
serait originaire de Perse, autrement dit de l'actuel Iran. Chacun
est à même de le constater, cet arbre est très
utilisé sur le domaine public, mais aussi privé.
Cela tient évidemment à ses nombreux atouts, tels
que pousse rapide, résistance à la sécheresse
et à la pollution atmosphérique, et bien sûr
caractère décoratif du feuillage et de la floraison.
Un autre de ses avantages, et non des moindres, était la
faible attirance des parasites et autres bestioles
malfaisantes.... du moins jusqu'à la découverte du
fameux "Psylle de l'albizia", d'abord dans le Vaucluse en 2004,
puis en Languedoc-Roussillon en 2005 ... après avoir
été découvert en Italie du Nord en 2001
!
Originaire d'Asie, l'Acizzia jamatonica
( puisque tel est le nom "savant" de ce psylle ! ), s'est
propagé en France vitesse grand "V", sans doute grandement
aidé par le transport et la transplantation d'arbres ou de
plants contaminés. Ce mode de propagation rappelle celui du
minuscule "apion des roses trémières", lequel a
gagné tout l'Hexagone (et même au-delà), en
grande partie via la "circulation touristique" de graines
parasitées (voir site).
l' Albizia (Albizia julibrissin)
ou arbre à soie, atteint 6 à 10 de mètres,
selon la région.
Sa floraison est à la
fois très belle, et prolongée.
(merci à
www.fond-ecran-image.com, et aux auteurs, pour les images de
floraison)
Comme les illustrations à suivre
le montrent, les adultes sont ailés, et leur coloration,
normalement jaune verdâtre, passe au brun à l'automne
( ne pas confondre avec le jaune orangé des individus
immatures ! ). Vous verrez également les
sécrétions cireuses des larves, et le très
poisseux "miellat" ( bonjour les carrosseries et vitres des
voitures ! ), ce dernier favorisant la survenue d'un champignon
microscopique facteur de la noire fumagine, laquelle n'arrange
rien.
Vous découvrirez également
les oeufs (souvent au bord des folioles), mais aussi des nymphes,
et bien sûr des larves à l'un ou l'autres des 5
stades de leur développement. Sachez encore que les
générations se succèdent tout en se
chevauchant, et que larves et adultes peuvent "trottiner" avec une
étonnante vélocité. Contrairement à
d'autres espèces qui subissent les frimas à
l'état d'oeufs ou de larves, vous noterez que le Psylle de
l'albizia hiverne sous la forme adulte ... d'où la
possibilité de "remettre le couvert" dès les
premiers beaux jours !
Pour clore le "survol" biologique de ces
curieuses bestioles, je dirais que les prédateurs existent
( en dernière page ! ), puisque j'ai trouvé des
coccinelles à l'oeuvre, dont la fameuse "asiatique"
(Harmonia axyridis) ainsi que des larves de Syrphes
(Diptère), et des "punaises" Anthocorides. Cela dit j'ai un
peu l'impression qu'ils n'ont pas encore "intégré"
l'albizia à leur menu, à moins que la saveur de ces
Psylles ne soit pas trop de leur goût.
les adultes
!
Le Psylle de l'albizia ....
... (Acizzia jamatonica) !
... sous la toise de la
S.E.I.T.A. !
Cette photo témoigne bien
de la petitesse de la bestiole,
et donc de la difficulté
de l'observer, et la photographier
Les psylles de l'albizia sont
verts-jaunâtres durant la belle saison, et à
l'automne les futurs hivernants sont bruns.
Ceux ci-dessus sont encore immatures,
car ils viennent tout juste de faire leur mue "imaginale", et donc
de passer à l'état adulte. L'acquisition de la
coloration va se faire progressivement (elle a commencé
à droite), en même temps que la
sclérification, c'est-à-dire le durcissement des
téguments.
la ponte
!
J'ai eu la chance de tomber sur
une pondeuse en action .... et de surcroît sur une "pro"
!
Les oeufs sont en effet
typiquement déposés au bord de la foliole, et de
plus parfaitement alignés et espacés !
Les pontes classiques, comme
à gauche (ou ci-dessus), sont loin d'être la
règle,
et nombreuses sont les femelles
qui se "lâchent" un peu n'importe où, comme au
centre et à droite.
les larves &
nymphes !
Exemple d'une larve "minus de
chez minus" !
... loin d'être à
terme ... et loin d'être naissante !
Exemples de larves .... avec une
nymphe (verte) sur les photos 3 & 4 à partir de la
gauche !
De gauche à droite: 1)-
nymphe qui donnera un adulte vert; 2)- nymphe qui donnera
un adulte brun (larve orangée en sus); 3)- nymphe
immature, avec sa mue; 4)- nymphe venant de passer à
l'état adulte (phase de déploiement des ailes), avec
sa mue. Nota: La nymphe sur l'allumette m'a permis de
constater l'étonnante résistance de ces minuscules
bestioles, puisqu'elle a fait une vingtaine de "longueurs
d'allumette" (soit un bon mètre), et cela à "toutes
pattes", et sans jamais s'arrêter ... si bien que je me suis
lassé le premier !
le miellat
!
Comme vous le voyez, cette
sécrétion anale se présente sous la forme de
jolies perles translucides, à la surface quelque peu
"givrée". Le problème c'est qu'elles sont toujours
prêtes à se rompre .... et donc à
libérer leur très sucré et poisseux contenu !
Vous noterez que le "miellat" est généralement fort
prisé des fourmis .... et beaucoup moins des automobilistes
!
la fumagine
!
Le développement de ce
champignon, noir et microscopique, est grandement favorisé
par les sucres du miellat. En
s'étalant à la surface des feuilles et des rameaux,
la fumagine altère la "respiration" du
végétal, et accélère le
dépérissement et la chute du feuillage. Vous noterez
la présence d'un adulte immature, reconnaissable à
sa livrée jaune orangée.
La totale....
.... pour finir
!
Ce vrai "dépotoir" miniature (
à découvrir sur l'agrandissement ! ), donne la
mesure de l'impact sur le feuillage. Le stade de la
défoliation étant encore loin d'être atteint,
je vous laisse imaginer ce que ça peut donner. Je vous
laisse aussi imaginer ce qui se passe en dessous (par exemple au
niveau d'une voiture ou d'un salon de jardin), et ce qui peut
s'ensuivre quand la pluie s'en mêle.
... et pour
conclure ...
Vous l'aurez compris, ce Psylle est
encore un "cadeau" de la mondialisation, et la minuscule bestiole
peut défolier l'albizia qui faisait votre
fierté,
et ombrageait les heures ô
combien appréciées des siestes estivales ... ou de
l'apéro ! (à consommer avec
modération comme il se doit !)
Enfin, comme l'intro le laisse
entendre, évitez de stationner sous des albizias, surtout
si votre voiture sort du lavage,
et que vous êtes de
mariage le lendemain matin ... comme cela m'est
arrivé !
à suivre :
le Psylle de la ronce !
les pages entomologiques d'
andré lequet
: http://www.insectes-net.fr