Remerciements !
Avant d'entrer dans le vif du sujet je tiens à remercier Michèle Tourdot, pour les chenilles et chrysalides franciliennes aimablement envoyées, car elles m'ont permis de réaliser cette ébauche ( déjà sympa ! ), de "page entomo". Dès que la bestiole (nettement moins sympa ! ) arrivera en Loire-Atlantique, ce qui ne saurait tarder (*), la présente sera bien sûr complétée voire corrigée si nécessaire ! .......(*) Elle vient tout juste ( 2013 ! ) d'y montrer le "bout de ses antennes" (un seul signalement ! ), puis 7 localités ont été découvertes en 2014 ... et de multiples autres en 2015 !
Intro !
Avec cette nouvelle venue, le très populaire adage "jamais 2 sans 3" trouve là encore sa raison d'être. Après la coccinelle asiatique, et le frelon aux yeux pareillement bridés, une 3e "chinoiserie" nous arrive en effet, et croyez-moi elle mérite également sa place sur le podium des espèces aussi envahissantes que nuisibles. Comme vous le verrez, il s'agit cette fois d'un petit papillon nocturne, fort élégamment vêtu de blanc et noir, comme l'est une dame enchapeautée ... non moins familière des podiums !
Historique ... en bref !
Bien entendu la bestiole est totalement incapable de porter ses méfaits à de telles distances, si ce n'est par le biais des circuits commerciaux spécialisés, mais aussi des activités annexes (pépiniéristes, jardineries, paysagistes, fleuristes, bourses aux plantes etc... ) ... et bien sûr de leur clientèle ! En second lieu, et donc au plan local, la propagation se fait cette fois "en tache d' huile", et cela relativement progressivement, car ce papillon n'est pas vraiment doué pour les grandes envolées.
Présentation !
Cette Pyrale relève de la Famille des Crambidae, représentée en France par 270 espèces. Les papillons de cette Famille sont petits, nocturnes, et bon nombre d'entre eux sont nuisibles à l'agriculture et aux denrées alimentaires entreposées. Comme son nom l'indique la pyrale du buis s'attaque au buis et plus exactement à tous les buis, qu'ils soient "naturels" ou horticoles. L'adaptation à d'autres végétaux, fusains notamment, n'est pas confirmée, mais elle ne peut être exclue. J'en veux pour exemple les plantes dites de "substitution" bien connues des éleveurs de papillons. Vérité oblige, j'ai testé sans succès le très polyvalent troène, et le fusain panaché de mon jardin. Faute de mieux c'était avec des chenilles relativement âgées, d'où la nécessité de réitérer l'expérience avec des "jeunettes" toujours plus aptes ... à s'adapter !
Les 3 générations annuelles observées en Alsace me donnent à penser que cette pyrale peut se reproduire "non-stop", d'autant qu'elle semble pouvoir hiverner simultanément à l'état de chrysalide et de très jeune chenille, dualité très inhabituelle chez les papillons. Le seul "frein" au développement larvaire de ce ravageur étant à coup sûr la baisse des températures, il reste à déterminer le niveau de "froidure" induisant la "cessation d'activités", et donc l'hivernage.
Sachant que la météo niçoise lui est censément plus favorable que la strasbourgeoise, et qu'une baisse passagère ou modérée des températures peut induire un simple ralentissement du développement, une 4e génération (si ce n'est plus ! ) me semble tout à fait possible au niveau méditerranéen. Dans les conditions optimales le cycle complet (et donc d'oeuf à oeuf ! ) étant en effet de l'ordre de 2 mois ... je vous laisse compter ! Autant dire que les buis concernés ont du souci à se faire... et les jardiniers encore plus !
"En 2015, j'ai repris des pointages journaliers sur les captures réalisées avec 2 pièges à phéromones. A ce jour, 14 août, j'ai compté 529 captures depuis début juin dont 353 de forme typique et 176 de forme brune. Le % de bruns actuellement enregistré cette année est donc un peu plus faible que celui de l'an passé et se stabilise autour de 33 % indiquant donc qu'on rencontre actuellement chez nous, un papillon brun pour deux blanc à marge brune".
Comme vous le verrez cette pyrale est prolifique, sa chenille insatiable, et sa progression à l'évidence inéluctable. Nul ne sait où elle s'arrêtera, puisqu'outre l'Allemagne et la France, elle est dorénavant signalée (voire implantée ! ) en Suisse, Autriche, Grande-Bretagne, Pays-Bas ... et ce n'est sans doute qu'un début ! En plus c'est une espèce butineuse, gage de longévité en regard des nombreuses espèces nocturnes privées de trompe ou dotées d'un organe atrophié, et donc inutilisable.
Pour info: Par-delà un nom commun parfaitement explicite, et un nom d'espèce bien établi ( perspectalis ! ), ce papillon truste littéralement les noms de Genre (Diaphana, Cydalima, Glyphodes, Phakrellura, Palpita, Neoglyphodes .... excusez du peu ! ). Il s'agit bien sûr de synonymes, Diaphana et Cydalima étant semble-t-il consacrés par l'usage. Vous noterez qu'en vertu de la règle dite "d'antériorité" la dénomination la plus ancienne devrait prévaloir, et être la seule valide.
De prime abord les 2 sexes sont identiques, mais comme le montrent les illustrations ci-dessous les extrémités abdominales diffèrent nettement. Moyennant un peu d'attention, et une bonne vue (ou une loupe !) le sexage est aisé.
Les oeufs sont bien sûr en rapport avec la petite taille du papillon, l'importance de leur nombre (200 /300) ajoutant à cette petitesse. Ils sont classiquement pondus au revers des feuilles, ce qui leur confère protection et discrétion vis à vis des intempéries et prédateurs en tous genres. Comme les photos ci-dessous le montrent, ils sont aplatis, lenticulaires, plus ou moins chevauchants et semi translucides, d'où une réelle originalité en regard de la notion d'oeuf ... par nature ovoïde !
Bien entendu c'est elle qui pose problème, à la fois par sa boulimie, par sa taille (relativement importante en regard de celle du papillon), et par sa fâcheuse préférence alimentaire pour les buis, qu'ils soient "sauvages" ou horticoles. En plus ces chenilles tissent tous azimuts une sorte de filet de camouflage, à la fois très inesthétique et peu ragoûtant, car fait de soie et de crottes mêlées. Ces dernières se faisant plus ou moins "ramollo" sous la pluie, je vous laisse imaginer la "cata" visuelle qui s'ensuit.
Comme si cela ne suffisait pas cette chenille semble dédaignée par les oiseaux insectivores, et notamment par les très efficientes mésanges. Connu pour ses vertus médicinales le buis contient en effet des alcaloïdes (buxine, entre autres ! ), lesquels deviennent toxiques au-delà d'un certain seuil, et notre chenille pourrait fort bien les concentrer et s'en imprégner au point de devenir elle-même plus ou moins toxique. Vous noterez que cette forme de "transfert" n'est pas rare chez les chenilles, et que les espèces concernées arborent souvent des couleurs très voyantes (dites "aposématiques"), sorte de mise en garde à l'intention des prédateurs.
La bonne nouvelle, et c'est bien la seule, c'est que cette chenille n'est pas urticante ! ... mais ce n'est pas une raison pour faire n'importe quoi !
Le développement !
Pour de multiples raisons ("cheptel" réduit, petitesse et fragilité des premiers stades larvaires, entrelacs soyeux tous azimuts, bestioles adorant y jouer à cache-cache), les manipulations ont été fatalement limitées, d'où la difficulté de situer très précisément les stades du développement larvaire. Le recours systématique à mon "allumette / échelle" permettant d'apprécier le volume de la tête (seul critère fiable), les risques d'erreurs sont limités ... mais ils existent !