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La ROSALIE des ALPES, ou ROSALIE ALPINE !
(Rosalia alpina, Coléoptère Cerambycidae)
 
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couple de rosalia alpina
Intro....
 
La Rosalie alpine, ou Rosalie des Alpes, est actuellement protégée au niveau national ( arrêté du 22-VII-93 ), et au niveau européen elle figure en annexe II de la Convention de Bern. Elle est par ailleurs classée prioritaire au titre des annexes II et IV de la Directive Habitats Faune-Flore.
 
En dépit de ce statut juridique déjà fort enviable, la belle ne vaut pas ( si je puis dire ! ) le "number one" des insectes français protégés, à savoir Osmoderma eremita, autrement dit le fameux "Pique-prune de l'autoroute".
 
Sans aucunement vouloir polémiquer, je dirais seulement que les "aménageurs" en tous genres ne s'en plaindront pas, d'autant qu'ils auraient pu se retrouver au chômage, car sur ses terres de prédilection, la belle Rosalie est finalement ... rarement rare !
 
Présentation
 
La Rosalia alpina (couple ci-dessus), est l'un de nos plus beaux et gracieux coléoptères. Elle relève des Cerambycidae, immense Famille qui pour la faune française compte autour de 230 espèces. Cet insecte est assez commun en montagne (Alpes et Pyrénées), et il peut également l'être en plaine, tout en étant généralement localisé.
 
Le Hêtre est son arbre de prédilection mais la Rosalie peut se développer dans d'autres essences (Saule, Noyer, Marronnier, Aulne, Frêne, Tilleul, plus rarement Chêne). Dans l'Ouest (cf. anecdote) la jolie bestiole semble préférer le Frêne d'où sa relative fréquence sur les bords de Loire, ou encore dans le marais poitevin, c'est-à-dire là où cet arbre abonde sous forme de "têtards" fréquemment multicentenaires.
 
La taille de la Rosalie est très variable, de 20 à 40 mm, et sa coloration l'est tout autant, d'où la description d'une ribambelle ( plus d'une centaine ! ) de formes individuelles plus ou moins fréquentes, et pour certaines discutables. Très schématiquement elles sont basées sur la disposition, le nombre, et l'ampleur des taches noires. A titre indicatif, et outre les phénomènes de fusion ou de coalescence, on trouve quasiment tous les gradients entre les élytres entièrement bleus, ou au contraire entièrement noirs. Il va sans dire que ces extrêmes ne courent pas les rues!
 
Vous remarquerez, cliché ci-dessous à droite, que la partie apicale des articles antennaires porte des houppettes de poils noirs qui contrastent joliment avec le bleu ciel des parties dénudées , ce qui ajoute encore à la joliesse, la grâce, et l'élégance générale de cet insecte.
 
 
Rosalia sur le vif (photo 1) Rosalia sur le vif (photo 2) Rosalia sur le vif (photo 3) Rosalia sur le vif (photo 4) Rosalia alpina: détail des houpettes antennaires
Florilège de Rosalies ligériennes, et détail des gracieuses "houppettes" des articles antennaires !
 
 
Les fins de matinées bien ensoleillées ( et sans vent ! ) sont des périodes propices pour observer les Rosalia. Bien que le vol soit aisé, l'insecte se contente souvent de gracieusement déambuler sur les troncs où il s'est développé. Les heures chaudes, et la pariade, génèrent toutefois un surcroît d'activité, et pour tout dire de fébrilité.
 
Les Rosalia adultes semblent se nourrir des exsudats inhérents aux maladies ou aux plaies des arbres. Les observer sur les fleurs, ombellifères par exemple, reste à mon avis assez exceptionnel, alors que le Capricorne musqué (Aromia moschata) s'y rencontre fréquemment. Par contre je serais plus enclin à la croire capable de s'accorder une petite douceur sur les ronciers, quand ils sont présents là où elle réside, et que les mûres ...sont mûres !
 
 
possible ? ....Rosalia sur ombellifère ...pas possible ?
.....ne l'ayant jamais observée ainsi, il m'a fallu un peu tricher !
 
 
Dimorphisme sexuel
 
Les sexes sont aisément reconnaissables à la longueur des antennes, celles des mâles dépassant très largement l'abdomen (cf. premier cliché en haut de page). Toujours au titre des caractères sexuels dits secondaires, vous noterez la conformation des mandibules, celles des mâles étant dotées d'une très nette saillie dentiforme latérale.
 
 
Mr Rosalia ! ...R. alpina, détail des mandibules du mâle R. alpina, détail des mandibules de la femelle ... et Madame !
illustration du dimorphisme mandibulaire
 
 
 
après la théorie ...la pratique !
 
 trio de Rosalia sur le vif accouplement de Rosalia (photo 1) accouplement de Rosalia (photo 2) accouplement de Rosalia (photo 3)
Contrairement à certaines espèces, les accouplements sont répétitifs chez la Rosalia, et tout mâle quelque peu entreprenant est volontiers accepté
 
 
 
les amoureux sont dit-on seuls au monde ... accouplement de Rosalia, sur la main ...mais les Rosalies ne le sont pas moins ...
.... car rien ne saurait les distraire quand il s'agit de perpétuer l'espèce ! 
 
La ponte
 
La Rosalia affectionne les très vieux frênes plus ou moins dépérissants, voire morts sur pieds, et ce n'est pas sans raison car elle pond dans les parties plus ou moins cariées, milieu où elle-même s'est développée à l'état larvaire. Contrairement à certaines espèces la maturation de la ponte semble assez longue, de l'ordre de 2 semaines au moins. Durant ce laps de temps la Rosalie femelle est très "courtisée", et la plupart du temps les mâles arrivent aisément à leurs fins, qu'il soient sollicités, ou simplement rencontrés chemin faisant.
 
Les oeufs ( ci-dessous ) sont insérés dans les anfractuosités des parties dégradées de l'écorce, ou du bois proprement dit . Pour ce faire la femelle dispose d'un "ovipositeur" en quelque sorte télescopique, présentement très développé ( cf. ci-dessous également ). Vous noterez que cet organe rétractable fait seulement saillie lors de la ponte, et que son extrémité est dotée d'organes sensoriels permettant d'apprécier la qualité du substrat, mais aussi de détecter les fissures, crevasses, interstices, et autres petites cavités susceptibles de recevoir et protéger les oeufs.
 
 
 oeufs de R.alpina ovipositeur de R. alpina (photo 1 ) ovipositeur de R. alpina (photo 2 ) R. alpina, exemple d'insertion d'un oeuf (photo 1) R. alpina, exemple d'insertion d'un oeuf (photo 2)
 de gauche à droite: 1)- oeufs de R; alpina; 2 & 3)- morphologie d'ovipositeurs entièrement dévaginés;
3 & 4)- ovipositeurs en action, sur large fissure et sur orifice particulièrement étroit.
 
 
femelle de R. alpina prête à pondre R. alpina  à pondre (cliché 1) R. alpina  à pondre (cliché 2) R. alpina  à pondre (cliché 3) R. alpina  à pondre (cliché 4)
à gauche: pondeuse en prospection.; à suivre: pondeuse en action !
Au cours des pérégrinations de la bestiole, l'ovipositeur est souvent en grande partie dévaginé,
sa mobilité lui permettant de repérer où déposer son oeuf, ou plusieurs à l'occasion, si l'endroit s'y prête.
 
 
La larve

Le développement larvaire semble demander 3 ans, et les galeries sont relativement superficielles. Les émergences des l'adultes se produisent de juin à juillet selon les régions et l'altitude. A noter que les trous de sorties, nettement elliptiques, sont fréquemment observables sur les parties dépourvues d'écorce, et notamment au niveau des anciennes coupes sur les arbres dits "têtards".

 
Rosalia alpina : larve naissante (échelle) Rosalia alpina : larves naissantes larve de Cerambyx scopolii
à gauche et au centre : larves naissantes, après incubation d'une quinzaine de jours. Sur l'agrandissement de la photo centrale on voit bien l'oeuf prêt à éclore; à droite : faute de pouvoir ( et vouloir ! ) débiter un "arbre à Rosalia", vous vous contenterez d'une larve "approchante", en l'occurrence celle du Cerambyx scopolii. Bien entendu je compte sur un élagage ou un abattage pour proposer de vraies de larves ... avant qu'elles finissent en bois de chauffe !
 
 
La préservation de l'espèce
 
Avant d'aborder l'anecdote évoquée au chapitre "présentation", il me paraît bon d'insister sur la nécessité de conserver les vieux arbres, y compris tombés à terre. A trop vouloir "entretenir", "régénérer", "aménager", et pour tout dire "faire propre" ( mécanisation aidant ! ), le risque est grand de voir la jolie Rosalia se raréfier, voire disparaître, du moins là où son habitat est restreint ou fragilisé. Cela vaut également pour d' autres insectes xylophages ou saproxylophages, y compris protégés, qui subissent le même sort.
 
 
En guise de conclusion ....

Il y a une éternité de cela…

 
Rosalia alpina "in natura"Comme tout débutant je rêvais de trouver la fameuse Rosalie des Alpes. On la disait présente sur les bords de la Loire nantaise, mais j'avais du mal à concevoir que la belle montagnarde puisse ainsi venir flirter avec l'océan.
 
Après bien des illusions, et non moins de déceptions, j'ai fini par croiser le chemin du bel insecte. C'était sur une île du grand fleuve, laquelle est aujourd'hui totalement urbanisée.
 
Par- delà le couple trouvé j'avais le sentiment de détenir le plus précieux des sésames, en ce sens que dorénavant je savais "où, quand, et comment" trouver le bel insecte.
 
L'avenir s'annonçait donc prometteur, mais contre toute attente pas une seule Rosalia daigna se montrer l'année suivante, et pas davantage celles à suivre. J'en éprouvais évidemment une certaine déception, même si la rareté attribuée à l'insecte se voyait par le fait confirmée.
 
Bien des années plus tard je suis de nouveau tombé sur la bestiole, mais cette fois fin juillet, et là j'ai enfin tout compris. De fait mes premières captures dataient d'un 14 juin, ce qui était particulièrement précoce, car les émergences se situent normalement dans la seconde quinzaine de juillet, du moins pour la région!
 
Trouver Rosalia est dès lors devenu quasi formalité, et bon nombre de nouvelles stations ligériennes sont venues confirmer une expansion régionale toujours d'actualité.
 
A l'époque j'ai même eu l'occasion d' "expérimenter", et ce de bien de curieuse façon…
 
Plus que dépérissant l'énorme frêne têtard avait été mis à bas par la tempête (aidé en cela par le poids des ans!), et les gracieuses bestioles déambulaient sur le tronc par dizaines. L' idée m'est alors venue de les marquer, l'essentiel étant de voir si elles restaient là où elles s'étaient développées, ou au contraire si elles migraient volontiers aux alentours.
 
Un fil de coton rouge à la patte devait s'avérer très commode et j'ai pu constater que la plupart des Rosalia demeuraient sur place (sans doute tant que l'arbre restait pour elles exploitable). Fort de ce premier constat, un second contingent a été marqué avec des fils verts, puis relâché sur des frênes sains dans un rayon de 100 à 150 m. Là encore l'attraction du lieu de naissance s'est avérée indéniable, car dès le lendemain bon nombre de "fils verts" évoluaient déjà parmi les "rouges".
 
Durant plus d'une semaine les visites ont été quotidiennes, jusqu'au jour où de loin j'ai aperçu un couple de corneilles juchées sur "mon" tronc. Très vite mes craintes se sont confirmées, car si les Rosalia étaient bien là, toutes étaient amputées de leur abdomen. Elles l'étaient même fort proprement, car peu d'élytres ou de pattes s'en trouvaient dissociés.
 
Par acquis de conscience je suis revenu le lendemain, mais les corneilles étaient tranquillement posées sur des piquets de clôture, à deux pas du tronc, et les pattes encore frémissantes de quelques Rosalia mutilées attestaient de la vigilance des prédateurs.
 
Pour conclure je dirais qu'on peut être corvidé… et avoir si je puis dire le bec fin !
 
En guise d'épilogue, je dirais également que la belle Rosalie évolue dorénavant en des zones protégées, du moins pour une partie de ses effectifs nantais. Je dirais enfin que ces mesures (initiées dans le cadre de l' Agenda 21), ajoutent nettement à l'efficience d'une Loi qui trop souvent protège l'insecte sans tenir compte de son biotope, ce qui est pour le moins aberrant.
FIN
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr