Quand un philodendron, un rhododendron, ou encore un lepidodendron, rencontre un sinodendron, que se racontent-ils, sinon des histoires de ... "dendron" ! Ce suffixe, signifiant "arbre" en grec ancien, illustre parfaitement l'approche étymologique permettant d'appréhender les origines d'appellations a priori "hermétiques". Quant à "sino", faute de mieux, je dirais qu'il s'agit cette fois d'un préfixe généralement "sinisant", bien connu et très usité, mais cette explication ne semblant pas satisfaire la noire bestiole (ni moi d'ailleurs !) j'en appelle aux "pros de l'étymo". D'avance merci !
Sachez-le !
Pour que les bestioles puissent "vivre leur vie" dans de bonnes conditions j'ai opté pour 2 gros morceaux de hêtre "mûrs à point" (soit 1 par box), ce qui m'a semblé le mieux répondre aux attentes des bestioles, tout en permettant l'observation aisée de leurs activités, disons de "plein air". Par contre, tout ce qui se passe en interne est évidemment inaccessible, visuellement parlant. L'accès aux pontes, aux jeunes larvules, ou encore au réseau des galeries, implique de morceler l'habitat, et donc le détruire, ce que j'ai été amené à faire pour la plus petite des "bûches". Est-il besoin de le préciser, je me borne comme toujours à observer et constater, même si cela revient parfois à contester à tort ou à raison !
Lucanidae, vous avez dit Lucanidae ...
Les Coléoptères Lucanidés, ex Pectinicornes (= antennes en forme de peigne) sont notamment caractérisés par leurs massues antennaires dotées de feuillets fixes, là où ils sont mobiles chez les Scarabéidés. La Famille des Lucanidés (7 espèces en France, 1300 au niveau mondial) est chez nous parfaitement illustrée par le Lucane (Lucanus cervus), alias le bien nommé "Cerf-volant". Il est suivi, de loin il est vrai, par la "Petite biche" (Dorcus parallelipipedus), espèce très commune mais bien moins connue en raison de la modestie de sa taille, et de son apparence.
Le
"Cerf-volant" est le plus grand coléoptère
européen, les mâles pouvant atteindre 85 mm (cas
ci-contre !), voire les dépasser. Sa taille, ses murs,
et plus encore ses mandibules (parfois XXL, re-ci-contre ! )
comparables aux bois d'un cerf, en font un insecte
particulièrement spectaculaire. Les autres Lucanidés se
font plus discrets, du moins au niveau de la taille (de 5 à 20
mm), car au pays des bestioles l'inventivité de Dame Nature
relève du "no limit". Comme vous le verrez cela vaut bien
sûr pour le "sino" de cette "page entomo", mais aussi pour les
Platycerus caraboïdes et Ceruchus chrysomelinus,
déjà présentés.
Au peu seyant "Sinoderme cylindrique", traduction littérale du patronyme scientifique, j'avoue préférer "Lucane rhinocéros", ou encore "Lucane cornu", appellations à mon sens nettement plus simples et "parlantes". Comme les cartes ci-dessous le montrent l'espèce est très inégalement répartie, la discrétion de la bestiole (taille et moeurs) ajoutant à sa méconnaissance. Plus localisé que rare, ce petit lucanidé n'est pas vraiment menacé ("préoccupation mineure" selon l'UICN), du moins au niveau européen, car "chez nous" il pourrait le devenir car il semble en nette régression. Les "sino" recherchent le bois fortement dégradé, et suffisamment humide, avec un préférendum marqué pour le hêtre (limite spongieux !), le tilleul, et le pommier. La durée de vie constatée est de plus ou moins 2 mois 1/2.

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Contrairement à ce que l'on peut lire et relire sur le web, les murs nocturnes de Sinodendron cylindricum me posent question. De fait, et j'ai eu tout loisir de le constater durant plus de 2 mois, la noire bestiole sort de sa retraite l'après-midi, souvent en seconde partie, et son activité donne lieu à de classiques "scènes de vie". Les envols sont également fréquents, et répétitifs, avec attirance très marquée pour la lumière du jour et le vitrage de mon séjour ! La nuit venue, crépuscule compris, les "sino" restent invisibles, mais au sein du bois l'activité dans les galeries doit plus ou moins se poursuivre à en juger par les déblais évacués sous la forme de minuscules copeaux.

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Le dimorphisme sexuel !
Il ne souffre pas d'ambiguïté tant la corne céphalique des mâles est développée, là où celle des femelles peine à décoller. A titre comparatif ces mêmes embryons de cornes s'observent chez le "Rhinocéros" (Oryctes nasicornis), et les Copris (lunaris et hispanus), mais chez ces derniers l'extrémité de ce semblant de corne présente curieusement l'apparence d'une cassure qu'elle n'est pas !
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La corne !
Vous noterez l'adaptation du mâle au creusement des bois dégradés, mais aussi son aptitude à regrouper et amalgamer les fragments boiseux en résultant. Du fait de sa position céphalique la mobilité de la corne est évidemment aisée, et sa pointe semble se comporter telle une gouge de menuisier, dont elle rappelle la forme. D'autre part l'arrière de la corne des "sino" est nettement aplani, et de part et d'autre rebordé par un alignement légèrement surélevé et grossièrement dentelé. En outre, la moitié antérieure de cette même corne est flanquée de 2 étroites gouttières garnies d'une pilosité roussâtre, peu dense et relativement longue, pouvant se qualifier de "brosses", mais on ne peut exclure de possibles éléments sensoriels. A cela s'ajoutent la concavité thoracique (mode bulldozer !), et les 3 excroissances de son pourtour (2 latérales, 1 sommitale) lesquelles doivent pouvoir assurer l'ancrage et la stabilité de notre "sino" lorsque que la corne entre en action. Semblant peu adaptée à ces "grandes manuvres", la femelle pourrait se contenter d'emprunter les voies déjà tracées, afin d'y assurer son quotidien, tout en oeuvrant pour la pérennité de son espèce ! En fait elle peut bel et bien creuser, aussi lentement que sûrement ... mais elle creuse, ! (photos et vidéo faisant foi !).


L'accouplement !

Vous l'aurez compris nos petits "sino" ne sont pas en reste, du moins le dit-on, car en dépit d'observations prolongées, et quotidiennes, je n'ai rien observé de comparable sur les 2 lots comportant chacun 3 couples. Je dirais même avoir constaté un intérêt très relatif pour les femelles, (hormis de rares et courtes velléités de poursuite), et n'avoir pu observer le moindre accouplement, du moins dans des conditions normales. Comme le fameux "Pique prune" (Osmoderma eremita) tout se passe, semble-t-il, "à l'abri des regards". Le creusement des galeries permet en effet d'aménager des évidements suffisamment spacieux pour servir tout à la fois d'arène et de "copularium", où les pudiques bestioles ont tout loisir pour s'exprimer. J'ajouterais que les bestioles en question ont été prélevées peu avant leur émergence (re-merci Stéphane ! ) d'où la certitude que "tout" s'est passé entre mes "4 murs".
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Suite à la destruction de la plus petite des "bûches ( récolte des oeufs), tous les "sino", soit 6 mâles et 7 femelles, ont été regroupés dans la seconde "bûche". Alors qu'au fil des jours mon petit cheptel semblait se comporter normalement, j'ai été confronté à un bien curieux constat. En l'espace de 2 ou 3 jours toutes les bestioles se sont en effet claquemurées, hormis une femelle errante arpentant la bûche en tous sens, jour après jour. Cette anormalité me semblant prometteuse, ma curiosité et mon impatience ont fini par prendre le dessus. Au bout d'une dizaine de jours, j'ai donc fendu la "bûche" en deux, partition permettant de préserver l'intégrité de l'une des parties ... et de complètement décortiquer l'autre !
J'attendais le mieux, et j'ai eu le pire. Toutes les bestioles étaient en effet çà et là dans leurs galeries et c'est tout juste si j'ai eu droit à quelques mouvements de pattes. Après extraction, et dépôt à la surface d'une nouvelle "bûche", cette quasi léthargie s'est confirmée, avec in fine la découverte de quelques oeufs. Pas cher payé me direz-vous ... sauf que !
Totalement "dépaysées" (on le serait à moins !), les bestioles se sont finalement dégourdies les pattes en arpentant lentement leur nouveau domaine, et la nuit venue la "bûche" était pratiquement désertée. Lors d'une visite nocturne (être insomniaque peut avoir du bon !) je suis tombé une première fois sur une femelle en train de creuser son trou, et la seconde fois (à 2h30 du matin !) sur l'accouplement tant espéré. Bien qu'il se soit passé à la surface du bois, cet accouplement nocturne s'est bien déroulé "à l'abri des regards", confirmant en cela mes présomptions.
L'accouplement s'est prolongé durant plusieurs heures, et les protagonistes ont été trouvés "tête-bêche" (disposition fréquente chez les insectes), là où les lucanes cerfs-volants se "chevauchent". Toute règle ayant ses exceptions le "grand chambardement" a donné lieu, dès le lendemain, à un nouvel accouplement, mais cette fois de jour ...et par chevauchement ! De quoi y perdre son latin, sauf à croire que les sino s'adonnent au kamasutra sans le savoir ... comme Monsieur Jourdain faisait de la prose !
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La ponte !
Chez les insectes les femelles peuvent parfois prendre soin de leur progéniture, à l'image du fameux perce-oreille qui d'ailleurs n'a jamais rien percé ! A contrario les mâles se bornent le plus souvent à "l'essentiel", mais là encore les "sino" témoignent d'une belle originalité. De fait, et aussi étonnant que cela puisse paraître, le mâle "monte la garde" à l'entrée de la galerie où la femelle est à l'uvre. Les oeufs sont le plus souvent émis dans un "cul de sac" de galerie, mais de courtes dérivations sans issues sont toutefois possibles. Dans tous les cas (comme les illustrations le montrent !), les ufs sont déposés au sein de fins copeaux peu densément amalgamés, là où la très parcellaire littérature fait état de "cupules en spirales" (sic) disposées le long de la galerie de ponte.


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La ponte des "sino" pourrait être banale, comme elle l'est fréquemment chez de nombreux insectes, mais la femelle a aussi un "p'tit truc en plus" qu'elle partage avec d'autres "mangeurs de bois". A titre d'exemple, les termites étant incapables de "digérer" le bois (un comble me direz-vous !), ils doivent avoir recours à des "flagellés" intestinaux qui vont transformer la cellulose en sucre, cette fois assimilable. Ces flagellés n'étant pas compris dans le "paquetage" ils seront transmis et échangés entre individus de la naissance à la mort via une sorte de bouche à bouche savamment appelé "trophallaxie".
Chez notre "sino" le bois ingéré par les larves étant fortement dégradé (d'où la notion d'insecte saproxylophages) le processus diffère, mais la finalité reste la même. De fait, chaque uf pondu se verra flanqué de levures qui rendront le bois en quelque sorte "comestible", tout en permettant à la larvule naissante de "s'ensemencer". Vous noterez que ce processus est commun à de nombreux insectes xylophages, et que ces levures sont stockées et dispensées via un organe idoine appelé "mycangium".
La larve !


La
curiosité est, dit-on, un vilain défaut, mais en
entomo ce serait plutôt une qualité. De fait, en
visionnant les séquences d'envols j'ai remarqué
qu'à l'instant du décollage les "sino"
relèvent les pattes intermédiaires, lesquelles
viennent au contact des ailes membraneuses. Rien n'étant
gratuit dans la nature je m'interroge sur la raison d'être
de ce curieux comportement. C'est à la fois très
fugace et très net, les 4 ralentis (à 5 images
seconde) de cette courte
vidéo permettent
d'illustrer et accréditer cette observation. Si des
spécialistes "es sinodendron" sont au fait de la chose, je
leur serai reconnaissant de bien vouloir éclairer ma
lanterne.
Les années passent (la 87e est en vue), et à chaque nouvelle "page entomo" je me dis "cette fois c'est la dernière", mais en fait la suivante n'est jamais très loin ... passion oblige ! De fait, tant que la tête et les jambes iront bien, et que l'envie sera là, je ne pourrais m'empêcher de passer des heures le nez sur une bestiole. Au risque de manquer de modestie je pense que la plus banale d'entre elles a toujours quelque chose à dire sous l'objectif de mon APN ... et sous l'encre de ma plume ! Qu'on le veuille ou non l'horloge tourne, et un jour viendra où le mot "FIN" s'écrira, et où ces "pages entomo" disparaîtront à jamais, mais je compte sur la mémoire "éléphantesque" de Google pour y suppléer au travers de mes vidéos Youtub, et d'illustrations porteuses d'un certain petit logo vert ... qui en a enquiquiné plus d'un !