Avec mes remerciements à Jean-Paul Loizeau pour ses providentielles larves de Verdet !
Non sans logique la bestiole doit son appellation courante à sa couleur, verte en l'occurrence, mais elle la doit plus encore à la chimie, car l'acétate de cuivre ( plus connu sous le nom de "vert de gris" ! ) est également appelé "verdet".
Par contre la dénomination latine n'a rien à voir avec la couleur, et si la "traduction" de nobilis (= noble ! ) va de soi, celle de Gnorimus est nettement moins évidente. En effet, les descripteurs ( Lepelletier et Serville, 1828) sont allés "piocher" chez les grecs ( si je puis dire ! ), le terme de gnorimus pouvant se traduire par "qui se reconnaît aisément" ... et le fait est ! ... du moins pour l'initié !
Voici une petite quinzaine d'années, la verte bestiole était commune par chez moi ( et même chez moi ! ), mais elle est devenue introuvable ... et il n'est qu'elle à savoir pourquoi ! Certes la répartition géographique des espèces ne cesse d'évoluer, mais par-delà les données globales c'est au plan local qu'elle est la plus perceptible, mais aussi la plus fréquente. Qu'elles soient naturelles ou résultent d' activités humaines, les raisons de cette évolution sont à la fois multiples et variées, souvent poly-factorielles, et pas toujours expliquées, voire explicables. Là où certaines espèces "gagnent du terrain", de nombreuses autres régressent, et avec le recul conféré par l'âge je peux même dire que ces dernières sont légion, et que régression rime bien souvent avec disparition !
Là où son cousin est toujours vêtu de noir, le bien nommé Verdet peut se faire joliment cuivré. La silhouette des 2 espèces est par contre identique, et toutes deux portent des taches "café au lait" (avec plus ou moins de lait ! ) dont le nombre, la forme, et l'étendue, diffèrent pratiquement d'un individu à l'autre Schématiquement le Verdet se complait plutôt du centre au nord de la France, et a contrario l'octopunctatus est plutôt un hôte du centre au sud, avec une nette tendance montagnarde, mais il s'agit là de préférences, non de limites exclusives. Toujours au titre des différences le Verdet aime butiner au soleil, et jouer ainsi les "m'as tu vu", là où son noir homologue est un modèle de discrétion, au point de passer une grande partie de son temps quasi cloîtré au sein de ses gîtes larvaires, un peu à la manière du fameux Pique-prune, autre cousin ... plus éloigné !
Il est bien marqué, encore faut-il savoir où regarder car il ne siège pas forcément là où on l'attend. En toute logique il est comparable à celui de Gnorimus octopunctatus, et à ce titre 3 zones morphologiques sont concernées, et ci-dessous illustrées. Vous noterez que le sillon abdominal des mâles est très marqué, alors qu'il est le plus souvent à peine ébauché chez octopunctatus. A l'inverse le "museau" ( clypeus ! ) du mâle des Verdets est souvent moins nettement retroussé, le risque de confusion se voyant illico dissipé ... via la patte des bestioles ! Loin de correspondre à une bizarroïde malformation, la très typique courbure de la patte intermédiaire des mâles de Gnorimus traduit au contraire une avancée disons ... "technologique" ! Lors de l'accouplement cette curieuse conformation permet en effet de parfaitement enserrer et maintenir la femelle, prévenant ainsi tout ... "délit de fuite" !
Après fécondation, comme il se doit, les femelles du Verdet s'enfoncent dans le substrat (terreau ou bois très dégradé), aussi profondément que possible, et les oeufs y sont déposés au sein de logettes individuelles. Il s'ensuit une bonne protection de la ponte, d'où un nombre d'oeufs relativement faible, de la même façon qu'une "casse" importante (prédation par exemple), est logiquement compensée par une ponte numériquement élevée. Faute d'avoir pensé à les dénombrer j'avoue ignorer la moyenne des oeufs pondus par ce Gnorimus mais je pense pouvoir la situer aux alentours d'une cinquantaine d'unités.
Comme celles de son noir homologue les larves du verdet se développent dans les vieilles souches pourrissantes, et plus encore dans les cavités cariées des vieux arbres. Pareillement encore elles affectionnent une grande humidité du substrat, voire une quasi saturation. Par contre celles du Verdet sont nettement plus éclectiques, car par-delà les chênes, hêtres, et châtaigniers, de nombreux autres feuillus (y compris fruitiers) font ventre, tels que saules, charmes, aulnes, frênes, pruniers, pommiers, cerisiers.
Le cycle complet du Verdet porte sur 2 ans et la nymphose intervient là encore peu avant l'émergence, d'où des logettes nettement moins élaborées et robustes que les espèces de cétoines qui passent l'hiver à l'état de pré-nymphes (tel le fameux "pique-prune"), voire de nymphes, ou encore de jeune imago comme la cétoine dorée.
Tout comme l'allumette-étalon, et la "prise en main", l'intro est devenue une incontournable de mes "pages entomologiques". Cette "mise en bouche" se rapportant souvent à l'étymologie des appellations latines ( comme en témoigne la présente ! ) il me paraît bon de rendre hommage à Rémy Perrier et à sa "Faune de France en tableaux synoptiques illustrés" (*) car sans lui et sans elle ces "intro" ne seraient pas ce qu'elles sont.
(*) Comportant une dizaine de fascicules (de 250 pages en moyenne), et initialement éditée de 1923 à 1930, cette faune de France est dans l'absolu obsolète, mais ses rééditions successives (la dernière en 1998) témoignent à l'évidence d'un intérêt qu'il me plaît de souligner.