Les larves d'anthrènes se complaisant très souvent à uvrer au sein même des carapaces, et donc à l'abri des regards, il n'est pas évident de les observer, ou de les photographier, du moins dans de bonnes conditions. J'ai donc rusé en offrant en pâture une nèpe desséchée, insecte aquatique naturellement "extra-plat". Les larves d'anthrènes (une quinzaine) restant logiquement en surface de leur frugal déjeuner, ma tâche s'en est trouvée facilitée avec un très inattendu corollaire !
Comme les photos ci-dessous en témoignent, de nombreuses et curieuses "bouloches" se sont en effet formées au fil des jours, et leur examen montre qu'elles sont constituées par l'accumulation et l'enchevêtrement d'innombrables poils défensifs. C'est là une simple hypothèse, mais la relative promiscuité de ces larves a pu provoquer des "énervements", voire des réactions plus ou moins défensives, leur répétition étant supposée générer ces peu banales "bouloches". Une seconde hypothèse a toutefois ma préférence. Dans la mesure où ces larves étaient parvenues au dernier stade larvaire, il est fort possible qu'à l'approche de la mue nymphale cette pilosité défensive soit naturellement éliminée, car devenue inutile. Le fait semble d'ailleurs nettement confirmé par l'examen des nymphes et mues nymphales totalement dépourvues de dispositif défensif.
Reste à savoir si les poils en question tombent d'eux-mêmes, ou sont au contraire volontairement "virés", Reste également à savoir si le confinement est à l'origine de ces drôles de bouloches (ou a pu les favoriser), et enfin si leur formation est le fait du hasard, ou résulte du regroupement instinctif de ... "contributions" individuelles !
La nymphe !
Chez les Coléoptères la mue nymphale, c'est-à-dire le passage de la larve à la nymphe, se solde par le refoulement de la dépouille larvaire, et par l' abandon pur et simple de cette dernière. Chez l'anthrène les choses se passent très différemment, et les illustrations ci-dessous en témoignent. Le moment venu, et donc quand elle est parvenue au maximum de son développement, la larve cesse de se nourrir, puis finit par s'immobiliser. Après une période de latence la nymphe se forme à l'intérieur même de la dépouille larvaire .... et y reste ! Vous noterez l'ouverture dorsale de l'exuvie, laquelle se produit lors de la nymphose, son rôle étant bien sûr de faciliter l'émergence de l'anthrène quand elle deviendra adulte.
Autres exemples !
La "page entomo" initiale commençant à dater, j'avais prévu de la renouveler ... d'où la nécessité d'un "élevage" d'anthrènes ! A cet effet, et en guise d'appât, 8 Sphinx tête-de-mort très abimés (épinglés dans une boîte entomologique fermée), ont été mis dans un garage annexe, mais sans susciter l'attaque escomptée. Le temps passant, l'oubli est venu ... et les anthrènes aussi ! Bien que découvert trop tardivement (presque toutes les larves étaient déjà en prénymphose, et donc inactives) le résultat est aussi spectaculaire que démonstratif.
Dans tous les cas ce sont les récepteurs olfactifs qui guident l'insecte et peuvent donc le conduire là où il n'est pas désiré. La meilleure prévention consiste donc à masquer les émanations susceptibles de l'attirer, et en l'occurrence la naphtaline des armoires de nos grands-mères, ou le bouquet de lavande encore utilisé de nos jours contre les mites, relèvent exactement du même principe.
Dans les boîtes à insectes la créosote de hêtre est très efficace comme répulsif, mais sa très particulière odeur, à la fois forte et tenace, peut en limiter l'usage. Actuellement retiré des grands circuits commerciaux le paradichlorobenzène a ses adeptes. Outre une odeur à peine plus "agréable" que celle de la naphtaline d'antan il a pour inconvénient d'être passablement volatil. A terme il s'ensuit une sorte de "dépôt" (perceptible sur la face interne du vitrage de la boîte) lequel finit par ternir la rutilance des insectes à coloration métallique. Personnellement je préfère traiter l'intérieur de la boîte une fois pour toutes, mais cela implique évidemment d'utiliser un insecticide extrêmement puissant, et à haute rémanence, ce qui n'est pas non plus sans inconvénients.
Cela dit les Anthrènes sont très fréquentes dans la nature, et les adultes s'observent aisément au printemps, notamment sur les inflorescences des ombellifères. Reste que la bestiole vole fort bien, et qu'elle n'a pas son pareil pour détecter l'effluve qui l'amènera directement chez l'entomologiste ...ou à votre domicile !
En effet l'éclectisme de l'insecte fait qu'il peut assurer sa subsistance de multiples façons, et par exemple mettre à mal un cadre de fleurs séchées, une carpette végétale, un tapis de laine, une peau tannée, un trophée de chasse, des vêtements en laine, et bien d'autres choses encore. Mieux vaut donc le savoir et se méfier de ce qui peut passer pour de minuscules et inoffensives coccinelles. A noter que les adultes "nouveaux nés" de l'anthrène sont très souvent attirés par la luminosité extérieure et qu'ils sont alors aisément repérables au bord du vitrage des fenêtres, ou encore sur les voilages et rideaux clairs.
Au terme de cette page quelques remarques s'imposent, d'autant qu'elles méritent réflexion.
Vu la petitesse du ravageur, et pour qui connaît la dureté de certaines carapaces d'insectes (notamment de coléoptères), la puissance des mandibules de la larve apparaît véritablement peu ordinaire. En regard des "mâchoires en béton" louées par un spot TV, on peut dire que celles de nos minuscules bestioles tiennent davantage de l'acier trempé.
Pour rester dans le domaine des comparaisons, on peut également dire que la sobriété légendaire du chameau n'est rien en regard de celle des larvres de l'anthrène. De fait ces dernières n'absorberont jamais la moindre gouttelette de liquide durant toute leur vie, alors qu'elles ingèrent quotidiennement une matière on ne peut plus coriace et déshydratée.
A noter encore que l'insecte parvient en quelque sorte à "créer" l'eau nécessaire à tout organisme vivant (il suffit d'écraser une larve pour s'en convaincre), alors qu'il se développe dans le confinement de boîtes toujours très soigneusement préservées de la moindre humidité. Cette dernière est en effet très préjudiciable aux collections entomologiques car elle peut générer des moisissures, et entraîner le ramollissement des appendices, d'où un fastidieux et délicat travail de restauration qui implique de nettoyer et ré-étaler chaque insecte.
Si les anthrènes "vous font des misères" ... quelques conseils pratiques !
- En toute logique il faut d'abord essayer de trouver la ou les "sources", de façon à intervenir au plus vite, et donc " traiter " (au sens large du terme) ce qui peut l'être, voire éliminer ce qui n'est pas récupérable. Les "nichées" sont évidemment situées dans des endroits où ne va pas voir tous les jours, et où sont bien sûr entreposées des "denrées" en quelque sortes consommables.
-Tous les textiles coton, les lainages, les soieries, les tapis et carpettes (y compris à base de végétaux) sont très appréciés, tout comme l'est la "tranquillité" (les fonds d'armoires, penderies, placards, commodes, sont "plébiscités" ! ), et l'obscurité est un "plus" pour les larves de ces bestioles. Au gré des espèces, les bibliothèques peuvent également se voir attaquées ( gare aux vélins et reliures cuir ! ). Idem pour les produits riches en amidon, notamment céréaliers (blé, maïs, farine, etc... ) également très attractifs, et même doublement vulnérables, car d'autres insectes sont eux aussi très ... intéressés !
- Par-delà les problèmes d'allergies qu'ils peuvent poser, les poils des animaux dits de compagnie (tels que lapins, chats, chiens), ont fatalement tendance à se fourrer dans les coins et recoins, ce qui fait le bonheur des anthrènes. Plinthes et parquets aux lames disjointes sont par exemple des classiques du genre, et l'aspirateur n'a pas forcément la capacité d'y remédier.
- Les anthrènes adultes sont par contre attirées par la lumière du jour, et moyennant un minimum d'attention il est facile de les repérer le long des vitrages, et plus précisément le long de l'encadrement de ces vitrages. Attention, comme vous avez pu le voir, la bestiole est petite, et même très petite !
Les "options" possibles !
- Le "lave-linge", à chaud de préférence, qui va effectivement détruire tout ce qui doit l'être.
- La congélation, radicale là aussi. Quand c'est possible, il suffit d'un sac plastique où vous mettez ce qui doit l'être, et le tout est placé au congélo durant 2 à 3 jours.
- Le nettoyage "vapeur" est également, possible mais à mon avis trop rapide et superficiel pour être pleinement efficace sur des fringues, tentures, etc... ou alors il faut un peu "insister" si le textile le supporte. Par contre c'est une bonne solution pour "décontaminer" l'intérieur des meubles, le supportant là encore.
- Si vous n'êtes pas totalement réfractaire aux insecticides, il est bon de compléter par un insecticide dit de contact (= pour rampants) qui a une rémanence de plusieurs semaines. Préférez les produits à base de pyrèthres, et donc d'extraits végétaux naturels, moins nocifs pour vous et votre environnement que le chimique pur et dur. Respectez scrupuleusement le mode d'emploi, car l'efficacité et votre sécurité en dépendent. Bien entendu ce complément "insecticide" n'est pas possible là où des denrées alimentaires sont entreposées.
- Dans les cas extrêmes il est possible de "gazer" à l'aide de "bombes" faites pour, mais il faut tout calfeutrer et quitter les lieux durant 48 h. C'est plutôt le domaine réservé des pro, car je n'ai pas confiance dans les "bombinettes" accessibles aux particuliers.
- Ensuite, et seulement ensuite, vous pourrez utiliser les sachets de lavande, les bois odorants, et autres produits similaires qualifiés à tort d'antimites ou de répulsifs. En effet, ces produits "masquent" seulement l'odeur des vêtements entreposés, et de ce fait les bestioles ne sont pas attirées. Par contre, si mites et ou anthrènes sont déjà en place, dans une armoire par exemple, ces produits sont totalement inefficaces, cela valant également pour les spécialités à base de Transfluthrine, censées tuer les indésirables bestioles (commercialisées sous forme de grosses pastilles, sous protection individuelle faisant office de diffuseur).
-Pour des "gros volumes", tel un matelas, la vapeur doit sinon solutionner mais faire plus qu'améliorer les choses. A l'occasion, si vous avez une housse plastique étanche vous pouvez y vaporiser (pyrèthres toujours ! ) un insecticide cette fois pour insectes volants, et laisser agir quelques heures afin que les bestioles, si bestioles il y a, "respirent" les molécules toxiques.