Cette "page entomo" est la 17e consacrée aux Sphinx, et sa très tardive réalisation, en regard d'espèces beaucoup moins fréquentes, témoigne très opportunément des aléas du "métier" d'éleveur. Entre la capture de géniteurs, l'obtention de pontes, l'élevage des chenilles, la conservation des chrysalides, et l'émergence des papillons, de nombreux problèmes peuvent en effet survenir, voire se répéter. A mon grand "désespoir" ( sniff ! ) le sphinx du liseron les a cumulés, et même accumulés, les remerciements ci-dessus confirmant cette calamiteuse succession.
Présentation !
Le Sphinx du liseron ( Agrius convolvuli pour les initiés ! ) relève de la Famille des Sphingidae, laquelle comporte 24 espèces françaises, Corse comprise. Avec le Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), et le Sphinx du laurier rose (Daphnis nerii), il fait partie du trio de tête des plus grands Sphinx d'Europe, et même des plus grands papillons de ce Continent, toutes espèces confondues. Ils sont en effet seulement "battus" par le "Grand paon de nuit" (Saturnia pyri, voir site) dont l'envergure peut atteindre 15 cm.
Il s'agit bien sûr d'une espèce dite nocturne, mais s'activant dès le crépuscule, voire plus tôt ponctuellement, une période prolongée de mauvais temps pouvant par exemple générer une certaine "impatience" de se dégourdir les ailes. En sa qualité de migrateur ce sphinx peut fort bien échoir en milieu urbain, d'autant que cette espèce est sensible à l'attraction lumineuse. Il est alors aisé de le voir tournicoter en tous sens sous les lampadaires, sa grande taille lui conférant des allures de chauves-souris, du moins pour un oeil non averti. Sa position au repos, sa coloration "passe-partout", et sa parfaite immobilité, font qu'il passe aisément inaperçu en mode "diurne".
Facultés et propensions migratoires aidant, la répartition de ce Sphinx est quasi mondiale, à l'évidente exclusion des zones polaires et avoisinantes. Cela ne l'empêche pas de parfois "atterrir" ( c'est le cas de le dire ! ) en Islande, excusez du peu, et donc fort loin de son Afrique natale. Comme tout ce qui migre en volant, ce papillon sait profiter des vents portants, mais ses qualités intrinsèques en font un des meilleurs "volateurs" ( = "voiliers" ), sorte de F1 chez les lépidoptères, avec une vitesse de croisière de 40 à 50 km/h, et le double en pointe. A cela s'ajoute l'endurance, et le terme est faible, car à titre d'exemple (merci Google ! ) les capitales Islandaise (Reykjavik) et Algérienne (Alger) sont distantes de 3500 km, et qu'elle que soit la route empruntée le trajet se terminera par un survol océanique de 700 à 800 km, au mieux avec une pause médiane aux iles Féroé ... et le tout sans gilet de sauvetage ! Toujours au titre des performances ce Sphinx aurait été observé à une altitude de 2800 m, et là encore c'est loin d'être banal.
J'ajouterais que ces papillons, "grands migrateurs devant l'Eternel" sont parfois attirés par les lumières de bord des navires, ce qui leur permet de "souffler" un peu (comme le font les oiseaux) ... voire de voyager gratis ! Sous d'autres cieux, et en d'autres circonstances, le Commandant de marine Georges Branger, un ami entomologiste nantais (décédé), s'est constitué une fort belle collection de sphinx sud-américains en chassant pour l'essentiel ... sur son cargo !
... quand les avis sont partagés !
Certaines espèces de sphinx sont connues pour migrer plus ou moins régulièrement d'Afrique, les arrivées sur notre sol s'échelonnant de Mai à Septembre. Les épisodes caniculaires quelques peu tardifs et prolongés, comme en cette année 2016, sont pareillement connus pour favoriser la venue des grands migrateurs, et là on retrouve notre trio ( liseron / laurier rose / tête de mort). On peut évidemment s'étonner de cette remontée vers des cieux d'autant moins cléments que les espèces et individus les plus "performants" peuvent atteindre la lointaine et précitée Islande.
Trouvant chez nous des conditions favorables, les premiers arrivés ont toutes les chances de pouvoir s'y reproduire. Par contre leurs descendants se voient fatalement confrontés aux mêmes problèmes que les derniers migrants, à savoir des rigueurs climatiques décimant chenilles et chrysalides, les possibilités de survie étant quasiment limitées à la région méditerranéenne.
Bien que la vacuité de certains abdomens puisse simplement résulter de possibles pontes chemin faisant, il semblerait que la longueur du voyage, et les ressources physiques qu'il implique, aient une incidence plus ou moins négative au niveau de la reproduction, notamment chez les migrants pouvant se qualifier de "caniculaires", et donc tard venus. Selon E. Friedrich (*) les observations de pontes réduites, voire nulles, ou encore plus ou moins stériles, seraient imputables à une sorte de "sommeil ovarien", au demeurant expérimentalement réversible ... vitamines "E" aidant !
La présente "page entomo" témoigne de la possible fertilité de génitrices tardivement capturées (mi-septembre), mais il s'agit là d'un simple constat, en raison même de la méconnaissance du statut des géniteurs (vrais migrants, ou descendants de migrants), mais aussi de la diversité des observations par ailleurs constatées ou relatées. Au final le dilemme sur la fertilité des immigrants "automnaux" demeure, et pourrait se résumer à la mode normande .... "p'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non" !
(*)- L'élevage des papillons, Editions Sciences Nat, 1982.
Un peu de morphologie !
Le dimorphisme sexuel !
Le plus souvent peu apparent chez les Sphinx, il l'est nettement plus chez celui du liseron. Classiquement les mâles sont en principe plus petits, avec un abdomen logiquement plus étroit et proportionnellement moins volumineux, mais cela ne "saute pas aux yeux", du moins pas toujours. Par contre la coloration des ailes antérieures des femelles est d'un gris relativement uniforme, là où celle des mâles présente normalement des zones sensiblement plus foncées et contrastées.
En pratique ce critère n'est pas toujours évident à apprécier pour le profane, notamment sur des spécimens isolés, car une certaine variabilité individuelle est de règle, et donc de nature à pouvoir plus ou moins "brouiller les pistes". En fait le seul critère fiable est la présence du "joug alaire" (ou "frein") chez les mâles, mais comme cela serait trop simple, ce curieux dispositif de couplage alaire se fait présentement particulièrement discret, y compris sous la loupe, là où il est le plus souvent nettement perceptible à l'oeil nu.
Rappel : certains lépidoptères, dont les Sphinx, sont équipés d'un joug ou frein, astucieux et peu banal dispositif de couplage des ailes améliorant le vol. Il est constitué d'une bride coulissante s'enroulant tel un ressort autour d'une très forte soie articulée, ces 2 éléments étant respectivement situés sur les bords antérieurs des ailes antérieures et postérieures.
Les oeufs ! ... merci Marc ! ( http://passions.entomologie.free.fr/ )
Joliment verts, petits et donc nombreux, ils pourraient dit-on atteindre le millier, d'où leur nécessaire dispersion, notamment en regard de l'insatiable appétit des chenilles. Ils sont déposés à l'unité, ou groupe de quelques unités, sur les liserons du Genre Convolvulus, cela expliquant les appellations vernaculaire et scientifique de ce papillon. L'émission des oeufs se fait en vol, et plus exactement lors de très brèves phases stationnaires, souvent de l'ordre de la seconde. Les oeufs sont généralement et logiquement disséminés au gré des pérégrinations alimentaires du papillon, y compris pour certains auteurs lors des phases migratoires. Assimilable à une sorte délestage, cette pratique faciliterait le vol, et serait censée expliquer l'arrivée "hexagonale" de femelles plus ou moins "à vide".