Voilà encore une bestiole qui vaut le détour, notamment pour le particularisme de son développement. Pour une fois le livresque s'imposera, du moins en partie, et pour les mêmes raisons l'adulte prévaudra sur la larve, et le texte sur l'image ....
Il se trouve en effet que la Mantispe évolue en "partenariat", avec un groupe zoologique pour lequel je n'ai guère d'affinités. La seconde, et principale raison, est qu'il faudrait être aussi chanceux qu'un boeuf watusi est cornu, pour pouvoir vous présenter la "totale", de l'oeuf à l'adulte. La Nature s'est en effet ingéniée à brouiller la donne, et la quête sur le terrain s'en trouve aussi problématique que l'élevage, et vous verrez que c'est peu dire.
Vous noterez que la Mantispe est parfois appelée "Mantispide" (par référence à sa Famille zoologique, à savoir les Mantispidae), mais aussi qu'elle est du genre féminin, et non masculin comme très souvent figuré sur le Web. Le genre du nom vernaculaire, et donc "commun", est en effet déterminé par la terminaison de l'appellation latine, autrement dit par la "déclinaison" ... et celles en "a" ou "ae" sont du genre féminin .... CQFD !
Présentation !
La mantispe (ci-dessous à droite) est de petite taille, au plus 20 mm de corps, pour le double d'envergure. De prime abord cet insecte ressemble étonnamment à une minuscule mante religieuse (ci-dessous à gauche), à la fois par la similitude des attitudes et du profil, mais surtout par la présence de pattes antérieures dites "ravisseuses", de surcroît particulièrement développées et adaptées à la capture des proies.
En fait Mantispa styriaca (= pagana) relève des Névroptères = Neuroptères, insectes principalement caractérisés par le port de 4 ailes membraneuses, très densément "résillées", et restant planes au repos, d'où le terme de "Planipennes" plus anciennement employé.
Ce groupe Zoologique, au demeurant très hétérogène, est par ailleurs subdivisé en de nombreuses Familles, dont celle des Mantispidae, précisément différenciée par les fameuses pattes "ravisseuses". Vous noterez que cette Famille a très longtemps été représentée en France par une seule espèce, à savoir la "Mantispe de Styrie" (alias la mantispe païenne), objet de cette "page entomo". Considérée comme simple variété, d'où sa mise un temps en synonymie, la Perlamantispa aphavexelte (décrite en 1994) a pris du galon. S'y ajoutent Perlamantispa perla découverte en Corse en 2008, et Perlamantispa icterica connue de l'Esterel, tel se présente le quator de nos actuelles mantispes ... quasi indifférenciables pour l'oeil du profane !
La Mantispe vole aisément, mais brièvement. Elle passe pour être active de jour comme de nuit, le surdimensionnement des yeux faisant foi, tout comme la propension à "venir" aux UV. Perso j'avoue m'interroger car la curieuse bestiole chasse plus volontiers à l'affût qu'à courre, et ses proies de prédilection (mouches) sont inactives de nuit. J'ajouterais qu'un trio en élevage (2 mâles, 1 femelle) poursuivait ses activités lors de la survenue du crépuscule, les bestioles s'immobilisant totalement une fois la nuit tombée ... ou la lumière éteinte ! Les mantispes passent le plus clair de leur temps sur les arbres et arbustes, buissons et grandes herbes étant semble-t-il moins prisés.
Quand elle est dérangée, ou surprise, la bestiole marque son "agacement", ou son inquiétude, par de curieux "sauts de puces" qui pourraient se qualifier d'écarts, ou de sauts "à pattes jointes", tant leur amplitude est faible. Toujours extrêmement rapides, et non répétitifs (sauf nouvelle sollicitation), ils n'excèdent pas quelques centimètres, et sont susceptibles de partir tous azimuts, selon les supports environnants disponibles. Les pattes de l'insecte n'étant pas particulièrement adaptées au saut, les ailes interviennent évidemment plus ou moins, dès l'instant où l'ampleur du déplacement confine l'essor.
Il est à la fois morphologique, comportemental, et bien sûr physiologique. Au niveau morphologique le dimorphisme porte avant tout sur l'ampleur abdominal des femelles, sachant que la stature générale des deux sexes ne constitue pas un critère, du moins chez les mantispes. En d'autres termes une grande mantispe n'est pas forcément femelle ... et une petite n'est pas toujours mâle ! Comme les illustrations ci-dessous le montrent, les extrémités abdominales sont logiquement les plus "parlantes", notamment au niveau ventral (sternites) mais bien sûr une loupe s'impose, encore qu'un oeil exercé puisse distinguer la pointe des cerques ... ou "jauger" le profil abdominal !
La parade est avant tout l'apanage du mâle, et la manifestation la plus évidente et spectaculaire du dimorphisme comportemental. S'y ajoute un aspect physiologique plus ou moins concomitant se traduisant par l'émission de phéromones sexuelles visant évidemment à "conditionner" la femelle. Ces phéromones sont émises via une volumineuse glande évaginable sensiblement hémisphérique se situant dorsalement au niveau du 5e segment abdominal ( et donc du 5e tergite ! ). La parade commence généralement par de légers soulèvements des ailes, plus ou moins rythmés, accompagnés de battements abdominaux verticaux, relativement peu rapides et amples. Quand la surexcitation bat son plein la bestiole se dresse sur ses pattes locomotrices, l'abdomen et l'avant-corps se relevant pour former une sorte de "V". Dans le même temps les ailes passent à la verticales, les mouvements abdominaux s'accentuent en ampleur et vitesse, et les pattes ravisseuses se "brandissent" plus ou moins longuement et lentement, tantôt simultanément, tantôt à tour de rôle. La femelle semble plus passive, mais dans une moindre mesure elle peut répondre quasi à l'identique aux avances du mâle.
Selon Claude Poivre (L'Entomologiste, N°1 de 1976) il y aurait un seul accouplement, les femelles fécondées restant ultérieurement de marbre devant les avances non équivoques de partenaires pareillement captifs. Faute de mâles suffisamment "pérennes", si je puis dire, je n'ai pas eu loisir de vérifier la chose ... mais j'avoue douter ! Abondamment nourrie, et "bichonnée un max", une femelle reçue début août ( et donc tardivement ! ), était toujours vivante début septembre après m'avoir gratifié de 4600 oeufs. Au début le taux de fécondation était pratiquement de 100 %, mais sur l'avant dernière ponte (1163 oeufs) le taux est tombé à 24 %, et ce sera sans doute pire pour la dernière ponte (976 oeufs ) avant "crevaison"... si je puis dire ! Vous l'aurez compris, de très nombreux oeufs étaient "clairs", et un tel gaspillage n'étant pas dans les habitudes de Dame Nature je pense qu'un mâle aurait été le bienvenu . A vérifier l'année prochaine ... si l'ami Pierre-Yves et sa lampe UV le veulent bien !
La ponte !
Au vu des ouvrages consultés il s'avère que le développement des Mantispes est particulièrement complexe et aléatoire, ce qui d'entrée de jeu se traduit logiquement par le dépôt de très nombreux oeufs, l'étonnant chiffre de 8000 étant parfois atteint, et même dépassé (8385 pour une espèce américaine; Hungerford, 1936). En toute logique les oeufs sont très petits, 0,5 mm de longueur pour une section de 0,2 mm.
Brièvement pédicellés, les oeufs en question semblent déposés au gré des pérégrinations de l'insecte, avec toutefois une préférence pour les arbres, les anfractuosités de l'écorce offrant une certaine protection. Sur une surface plane les oeufs sont généralement déposés à distance les uns des autres, et en arcs de cercles plus ou moins concentriques. A contrario, sur une surface plus réduite (tige herbacée par exemple) la "distanciation" n'est pas toujours de mise, d'où des juxtapositions, superpositions, et accumulations, comme vous le verrez ci-après.
Comme cette vidéo le montre, quelques rapides tapotements à la surface du substrat permettent de coller le pédicelle. Ce dernier s'étire ensuite à la manière d'un élastique, en donnant la nette impression d'extraire l'oeuf de l'abdomen, puis il se rétracte à la longueur voulue une fois l'oeuf émis. Vous noterez que la longueur du pédicelle en question est un peu inférieure à celle des oeufs, mais aussi qu'il est particulièrement ténu (1/100e de mm), au point d'être tout juste visible à la loupe binoculaire. Cette finesse fait qu'il se courbe aisément tous azimuts, sous le simple poids de l'oeuf. En toute logique le pédicelle est implanté à l'extrémité de l'oeuf, du côté opposé au "micropyle" (= orifice permettant le passage des spermatozoïdes ! )