La ponte ... suite !
La mantispe est connue pour être une "grosse pondeuse", mais la femelle ci-dessous a vraiment fait fort, au point de se demander si le cap des 8000 oeufs n'est pas franchi, et même largement. Bien entendu une telle quantité a sa raison d'être, car par-delà l'inévitable prédation elle vise avant tout à compenser l'énormité de la "casse" induite par le caractère particulièrement aléatoire d'une biologie larvaire totalement hors normes.
Ce principe vaut également pour les méloés, gros coléoptères atypiques à la biologie larvaire non moins complexe (parasites d' "abeilles" sauvages), car la ponte principale (la 1e), peut atteindre les 4000 unités, et 3 ou 4 autres de moindre importance sont émises les jours suivants. A titre informatif, les chiffres records sont évidemment détenus par les insectes coloniaux (dits "sociaux"), la palme revenant aux reines de certains termites africains, à raison d'un oeuf toutes les 2 secondes, soit 13 millions l'an, et cela tout au long d'une durée de vie de l'ordre de ... 10 ans !!! . A l'inverse certains coléoptères cavernicoles, de type Aphaenops, sont si peu soumis à la prédation et aux aléas du métier, qu'ils pondent 1 seul oeuf (au demeurant énorme ! ) de temps en temps ... limite tous les "36 du mois" !
Au terme de l'incubation, une quinzaine de jours en moyenne, la larvule se libère via une zone de rupture (d'où la notion d'ovirupteur) générant l'ouverture en "Y" de l'enveloppe de l'oeuf (= chorion). Laborieuse et entrecoupée de phases de "récup", la sortie demande souvent plus d'une dizaine de minutes, au terme desquelles les minuscules larvules (1 mm ! ) tendent à s'agglutiner, puis tournicotent temporairement de concert, avant de se disperser et très vite se fondre dans leur environnement. Dans la mesure où elles sont très mobiles, ne s'alimentent pas, et peuvent éclore tôt en saison (d'août à septembre), je pense que les larvules se mettent au plus vite en quête d'un gîte où elles passeront l'hiver.
Quand la rencontre a lieu, ou plus exactement que les chemins respectifs se croisent, la larve de Mantispe va pénétrer par effraction (sans doute aussi promptement et subrepticement que possible ! ) dans le cocon que transporte l'araignée !
Rendue à pied d'oeuvre, si l'on peut dire, la larvule passablement affamée (on le serait à moins après 7 mois de jeune ! ) va s'attabler aux dépens de la ponte de l'araignée. Quelques semaines plus tard, n'ayant plus que faire de pattes fonctionnelles devenues inutiles, elle va muer une première fois. Nettement plus "ramassée" et boudinée, elle ressemblera alors à une sorte de larve de guêpe (voir site), pattes à minima en sus. Au terme de sa croissance, la larve confectionne son propre cocon (au sein même de celui de l'araignée), puis elle va de nouveau muer, et prendre cette fois la forme d'une nymphe. Chez la grande majorité des insectes ce stade larvaire peut tout au plus bouger, mais non se mouvoir ... sauf que !
A l'instar des chrysalides de certains papillons xylophages (Cossus et Sésies par exemple, voir site) la nymphe de Mantispe est en effet dotée d'une relative mobilité. Le moment venu (généralement courant juin), cette mobilité va permettre à la nymphe en question de s'affranchir de son cocon, et de celui de l'araignée, afin de donner vie à une mantispe adulte, via une 3e et dernière mue, dite "imaginale". La boucle s'en trouve ainsi bouclée, mais vous l'aurez compris, ce n'est jamais gagné d'avance, et loin s'en faut !
Bien entendu tout cela n'arrange pas les affaires de l'entomologiste, car quand la lointaine Styrie s'en vient flirter avec l'Océan, que l'aragne se fait loup, et qu'une païenne revêt les atours d'une religieuse (à moins que ce ne soit l'inverse ! ), convenez qu'il y a de quoi perdre son latin, et même ne plus savoir à quel Saint se vouer ! C'est tellement vrai que Friedrich Moritz Brauer (1832-1904), entomologiste autrichien, a mis 17 ans pour découvrir le lien entre le premier stade larvaire de la mantispe et son devenir au sein des sacs ovigères des araignées.
Quand la Mantispe fait son cinéma !
Autant qu'il m'a été donné d'en juger, il s'agit de manoeuvres purement défensives. Concrètement la bestiole se démène littéralement en tous sens, à une vitesse telle que l'oeil ne peut suivre. L'esbroufe n'excède pas une à deux secondes, puis l'insecte reprend instantanément sa position favorite jusqu'à la prochaine alerte, qu'il s'agisse par exemple de la survenue d'un insecte trop gros ... ou d'un doigt inquisiteur faussement mal intentionné !
Les illustrations ci-dessus ont été rendues possibles par une véranda limitant fort opportunément les essors de l'insecte, ou plus exactement son rayon d'action. Le reste du temps la bestiole rejoignait son bocal, où elle trouvait gîte et couvert, à savoir verdure et mouches à sa convenance.
Pour info cette Mantispe a été prise de nuit, aux UV, alors que j'espérais attirer tout autre chose. C'était le 10 août 2005, non loin de la Tranche sur Mer (Vendée), dans une étroite zone boisée classiquement située à l'interface de la dune et du marais.
N'ayant jamais trouvé cet insecte en Vendée, et ne l'ayant d'ailleurs jamais recherché, j'avoue ignorer si sa présence en ces lieux est connue ou pas. Bien entendu je suis preneur de toute info sur la question (références bibliographiques, répartition de la bestiole, signalements de captures en Vendée et dans les Dpts limitrophes, etc...). D'avance merci !
En guise de conclusion ...
Je dirais que cette peu banale bestiole n'indiffère jamais, et même qu'elle suscite toujours une réelle curiosité, qu'il s'agisse du profane, du débutant, ou du plus chevronné des entomologistes !
Pour info : la Raphidie ou "mouche-serpent" !