Les noms latins des bestioles sont bien connus pour être du genre "à coucher dehors avec un billet de logement", mais ce n'est rien en regard de ceux de la chimie. Ces derniers sont pourtant conformes à la langue de Molière, mais cela n'enlève rien à leur complexité, et les prive en grande partie de l'universalité d'usage dont bénéficient les appellations naturalistes latines J'en veux pour exemple le dichlorodiphényltrichloroéthane, autrement dit le fameux DDT. Encensé par les uns, mais dénoncé par les autres, ce très puissant insecticide a bien failli sonner le glas du hanneton ... et donc de cette " page entomo " !
Historique ... en bref !
Fut un temps où les hannetons pullulaient au-delà de l'imaginable, au grand dam des cultures en tous genres. Les insecticides restant à inventer, les autorités se contentaient de mobiliser les enfants des écoles et les populations concernées en vue de ramasser et détruire le maximum de bestioles, d'où le nom de "hannetonnages" donné à ces expéditions tant rituelles que "punitives". Un très édifiant exemple est à lire ici ! ( retour assuré ! )
A l'issue de la seconde guerre mondiale l'usage agricole du fameux DDT s'est très vite généralisé, bien souvent en dépit du bon sens et d'atteintes environnementales tous azimuts, les oiseaux insectivores étant les premiers touchés. Paru en 1962, et fort explicitement intitulé "Printemps silencieux" le livre de la biologiste américaine Rachel Louise Carson fit grand bruit en son temps, et réveilla fort heureusement les consciences, mais elle eut fort à faire avec les "lobby" de l'époque. Le DTT a finalement été interdit en France le 19 Février 1971 (en 1972 pour les USA), et remplacé par d'autres insecticides organochlorés, tel le Lindane (HCH) ... lui-même interdit depuis 1998 !
Autant dire que les hannetons d'antan ont été décimés, la mécanisation et la modernisation des techniques culturales ajoutant à l'hécatombe et au déclin de l'espèce. En voir un "en chair et en os" au tout début de ce XXIe sciècle ( ou à la fin du précédent ! ) tenait d'ailleurs du miracle, et cela en de nombreuses régions. De nos jours, tel le Phoenix, le hanneton semble renaître de ses cendres, au point de recommencer à se montrer ça et là ponctuellement nuisible, notamment dans l'Est de la France.
Le hanneton commun (Melolontha melolontha pour l' initié ! ) fait partie de la Famille des Scarabaeidae (240 espèces en France), notamment caractérisée par la présence de massues antennaires lamellées pouvant se déployer à la manière d'un éventail ... d'où le nom de "Lamellicornes" également donné à ces insectes ! Fut un temps où les hannetons était regroupés au sein de la Famille des Melolonthidae, mais cette dernière a été rétrogradée au niveau de la Sous-Famille ... et donc des Melolonthinae !
La bête est relativement grande, 25 à 30 mm, et très largement répandue en France, du moins en plaine, car elle ne s'aventure guère au-delà des 800 à 1000 m d'altitude. L'espèce est non moins présente en Europe, à l'exclusion des contrées les plus nordiques et les plus méridionales. Ce hanneton affectionne les cultures bocagères, les jardins, les champs, les vergers, les bordures de zones boisées. La bête est active de jour, et plus encore au crépuscule. Ce n'est pas un insecte grégaire, les "rassemblements" parfois observables résultant simplement de populations ... populeuses !
Le développement est long puisqu'il porte sur 4 années civiles. Les adultes prennent forme au cours de leur 3e été de vie larvaire, mais ils émergeront seulement en Avril-Mai de l'année suivante. Les fruitiers d'antan (pruniers, noyers, cerisiers) pouvaient se voir défoliés tant les hannetons étaient nombreux, mais cette époque est de longue date révolue. De nos jours les dégâts imputables aux adultes sont le plus souvent insignifiants pour ne pas dire nuls, d'autant que le feuillage des chênes, érables, hêtres, marronniers, est pareillement apprécié ... le chêne restant néanmoins le "chouchou" !
Compte tenu de leur taille les hannetons constituent une masse alimentaire non négligeable, et si larves et adultes font ventre pour certains prédateurs (sangliers, blaireaux), d'autres "consommateurs" ( hérissons, taupes, chauves-souris, crapauds, oiseaux divers) doivent se contenter d'une sorte de "plat unique" ... à savoir adultes ou larves ! Les volailles domestiques en tous genres sont non moins friandes de ces croquantes bestioles, mais pour des raisons évidentes cela concerne essentiellement les basses-cours familiales à l'ancienne, ou les petites unités artisanales pratiquant le vrai "plein-air". A l'occasion les renards peuvent également se laisser tenter par ces "amuse-gueules", et si cela peut sembler étonnant de la part de maître Goupil, sachez que j'ai eu une "bergère allemande" qui ne ratait pas une occasion de littéralement se gaver ... de sauterelles !
Dimorphisme sexuel et accouplement !
Chez les hannetons le plus visible des caractères sexuels dits secondaires porte sur les antennes, et plus exactement sur la partie terminale, souvent qualifiée de "massue". Comme les photos ci-dessous le montrent, ladite massue est beaucoup plus courte chez la femelle, tout en étant pareillement "lamellée".
Les oeufs !
A l'émergence les femelles du hanneton sont sexuellement immatures et donc inaptes à se reproduire. Alimentation aidant les "hannetonnes" sont en "état de marche" en l'espace d'une à deux semaines, la ponte proprement dite étant bien sûr préalablement subordonnée à l'accouplement. Les oeufs, de l'ordre d'une vingtaine, sont déposés dans les sols meubles, à 10 /15 cm de profondeur. Moyennant une durée de vie plus importante, et une alimentation en conséquence, bon nombre de femelles peuvent doubler la mise, et même la tripler, mais dans ce dernier cas on confine l'exceptionnel. En zone agricole vous noterez que les lieux de pontes peuvent se trouver à quelque distance des "réfectoires", d'où la notion de vols alimentaires, par opposition à ceux qualifiés de reproducteurs.
Dès sa naissance, fin juin-courant juillet, la jeune larve commence à ronger les radicelles, et se déplace au gré de ses besoins alimentaires . A l'approche des premiers froids, elle s'enfonce dans le sous sol et entre en hivernation. La 2e année, elle remonte vers la surface à partir de la mi-avril et reprend son alimentation. Elle se montre alors très vorace, d'où une mobilité accrue. En octobre, commence la 2e période d'hivernation, toujours en profondeur. En 3e année, le ver blanc reprend son activité alimentaire près de la surface, et cela jusqu'en juillet, puis il s'enfonce dans le sol jusqu'à une trentaine de cm pour y confectionner une logette, et s'y nymphoser. Les adultes sont formés en août mais restent en loges jusqu'au printemps suivant.
Comme son nom l'indique, le hanneton forestier (Melolontha hippocastani) se développe et vit en forêt, là où le hanneton commun préfère les espaces "ouverts", tels les prairies et zones de cultures. Non moins logiquement, le hanneton forestier peut s'avérer tout aussi nuisible, du moins quand il abonde, car les larves s'attaquent au système racinaire des jeunes plantations, et les mettent ainsi à mal, au point de parfois les anéantir. De même les adultes peuvent causer des défoliations importantes, lesquelles entraînent fatalement des retards de croissances, et donc une perte pour l'exploitant.
Bien qu'il puisse se trouver en d'autres régions, le hanneton forestier est nettement plus répandu dans l' Est de la France, au point de pouvoir pulluler. A titre d'exemple, en Mai 2014 il a été dénombré 35 larves au m2 dans la forêt de Haguenau (Alsace), et à cette même période les forêts (15.000 hectares) de la région d' Ingwiller (Bas-Rhin) ont eu à pâtir de 40.000 à 200.000 hannetons à l'hectare d'où des dégâts aussi évidents que considérables (sources ONF / Le Point).
1971: interdiction du DDT (*); 1972: interdiction de la Dieldrine; 1998: interdiction du Lindane; 2004: suspension du Régent TS; 2008: interdiction du Malathion, du Carbofuran, et de l'Endosulfan; 2012: interdiction du Cruiser OSR; 2013 / 2014: interdiction du Fipronil, suspension des Gaucho et Poncho; 2017: suspension du Closer et du Transform; 2018: interdiction du méthamsodium............(*) synthétisé en 1874 par Othmar Zeidler le DDT a très vite été utilisé massivement à compter de 1939 date de la découverte de ses propriétés insecticides et acaricides par Paul Hermann Müller.