Au pays des bestioles, la vie est bien loin d'être "un long fleuve tranquille" ... et ce n'est pas Dame Nature qui dira le contraire ! Par-delà les prédateurs proprement dit, à savoir les animaux "mangeurs d'insectes" (entre autres les oiseaux par exemple), les parasites constituent un excellent moyen de réguler les populations d'insectes et d'ainsi concourir au fameux équilibre naturel ... que l'homme ne cesse de mettre à mal. Parmi les innombrables parasites, les uns sont en quelque sorte "multicartes", là où d'autres officient en "exclu". Selon les circonstances ils peuvent être utiles ou nuisibles, et comme vous le verrez la Piéride du chou en est un bon exemple .... d'où une "page entomo" à rallonges !
Chez les papillons les insectes parasites sont particulièrement nombreux, et souvent plus ou moins spécialisé au niveau des hôtes et de leur stade de développement, ledit parasitisme pouvant s'exercer au niveau des ufs, des chenilles, ou encore des chrysalides. Concrètement il est rare que la pullulation d'un insecte donné se produise plus de 2 années consécutives en un même lieu.
Schématiquement quand une espèce abonde, voire pullule (chenilles défoliatrices par exemple) ses parasites s'en donnent évidemment à cur joie, au grand dam des papillons en devenir mais aussi de la future génération de parasites ! L'année suivante ces derniers sont en effet amenés à eux-mêmes disparaître, ou pour le moins se raréfier, car sans papillons point de chenilles à parasiter ! Non moins logiquement cela permet aux papillons de se refaire progressivement une santé, d'où un rééquilibrage de la donne. Comme nous venons de le voir les parasites ont leur raison d'être, mais point trop n'en faut. En pareil cas Dame Nature a prévu une "parade imparable" à savoir des hyper parasites, et donc des parasites de parasites en charge de remettre les pendules à l'heure si je puis dire !.
Au final, et vous l'aurez compris, tout le monde finit par y trouver son compte, mais quand les bipèdes interfèrent, le bel édifice des équilibres biologiques vacille, et peut même menacer ruine. J'ajouterais que ces équilibres sont à l'évidence bien plus fragiles, complexes, et subtiles, que ces quelques lignes le laissent entrevoir, d'où l'absolue nécessité de les préserver, d'autant que l'interdépendance des "écosystèmes" n'est plus à démontrer.
L'Apanteles (Braconidae) !
L'Apanteles glomeratus = Cotesia glomerata, abondamment illustré ci-dessous, est un très petit Hyménoptère Braconidé, voisin des Ichneumons. Il a la particularité d'être "programmé" pour parasiter les chenilles de piérides et notamment celle du chou. Son efficience est telle que la minuscule bestiole peut contrer les plus fortes pullulations d'un papillon considéré comme nuisible.
La femelle du parasite s'attaque aux très jeunes chenilles, et tarière de ponte aidant le tégument est perforé, et les oeufs insérés au sein même de l'hôte. Les larves du parasite, en moyenne 20 à 30 par chenille, se développent d'abord aux dépens de l'hémolymphe, c'est à dire du "sang" de la chenille, puis des corps dits gras, les futées bestioles faisant en sorte de préserver les organes vitaux
C'est seulement à l'approche de la formation de la chrysalide que le pot aux roses, si l'on peut dire, se découvre. De fait les larves du parasite, elles-mêmes arrivées à terme, se frayent un passage au travers des téguments de la chenille, et "coconnent" dans la foulée. La chenille en quelque sorte exsangue, est évidemment condamnée et sa dépouille reste le plus souvent au contact des cocons du parasite.
Les larves parasites évoluant en même temps que la chenille, cette dernière conserve un comportement tout à fait normal, à telle enseigne que jusqu'au dernier moment rien ne distingue une chenille parasitée d'une qui ne l'est pas. De ce fait les Apanteles sont considérés comme de "simples" parasitoïdes, et non comme de vrais parasites.
Vous noterez que les cocons sont typiquement jaunes chez A. glomeratus, ce qui les rend aisément identifiables. A noter encore qu'il existe une quarantaine d'espèces d'Apanteles, plus ou moins spécialisées, comme l'est glomeratus. A noter enfin que la présence conjointe de la chenille et des cocons fait que ces derniers sont souvent appelés "oeufs de chenilles". Bien entendu il n'en est rien, mais qui peut se targuer de tout connaître, ou de n'avoir jamais été abusé par les apparences .... comme je l'ai été, d'où le "mea culpa" au bas de cette page !
Pour illustrer l'efficacité de ce parasite, et du parasitisme en général, j'avais récolté une petite centaine de chenilles "grandinettes", et au terme de leur élevge j'ai vu le moment où je n'allais pas obtenir une seule chrysalide. C'était lors de la première mouture de cette page, et cette année là "mon" champ de choux tenait de la dentelle tant les chenilles étaient nombreuses, et bien entendu les parasites s'en étaient donnés à coeur joie. Fort heureusement il est toujours quelques chenilles pour échapper au "génocide", et par ailleurs les papillons migrants ont évidemment tôt fait de réinvestir la place, ce qui explique en partie la pérennité de l'espèce, car nous verrons qu'il est d'autres raisons.
Une collègue n'ayant pas son pareil pour recenser la moindre bestiole en son jardin morbihannais (elle se reconnaîtra ! ) a eu la gentillesse de m'alerter à propos d'une observation pour le moins tronquée concernant le comportement des chenilles du chou (entre autres sans doute) victimes des Apanteles ci-dessus illustrés. Comme vous le verrez je pense avoir des circonstances atténuantes tant les faits s'avèrent incroyables, voire irrationnels, à telle enseigne que comme Saint Thomas il m'a fallu le voir, pour le croire ... vidéo à l'appui ! (*)
Lorsque les nombreuses larves d'apanteles émergent, transperçant la chenille de toutes parts, cette dernière reste "de marbre", comme l'est tout cadavre ... fut-il chenille ! A ce stade, en guise de conclusion, on pourrait dire "circulez il n'y a plus rien à voir" .... sauf que ! En fait, et c'est là où j'ai pêché, la chenille est simplement anesthésiée, à dessein, et cela suffisamment longtemps pour qu'entre temps vous puissiez passer à autre chose, et ratiez ... ce que j'ai raté !
Après un "certain temps" (allant très au-delà du fameux sketch de Fernand Raynaud ! ), la chenille reprend vie pour tisser un réseau soyeux par-dessus l'amas des cocons des larves d'apanteles qui se sont longuement nourries à ses dépens. Dans la mesure où les prédateurs ne sont jamais bien loin, à commencer par les hyperparasites, il pourrait s'agir d'une protection essentiellement chimique, l'option "mécanique" n'étant pas cohérente tant le réseau soyeux est ténu. Pour moi le débat reste donc ouvert ... avis aux amateurs !
(*) Compte tenu de l'avancement de la saison, cette observation est pour l'heure restée unique. Bien entendu cela n'enlève rien à sa validité, et son intérêt, mais le déroulé méritant néanmoins d'être précisé .... il faudra patienter !