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La RHYSSE PERSUASIVE (Rhyssa persuasoria) !
(Hyménoptère Ichneumonidae)
 
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Détection des "proies" !
 
Le principe : Les larves hôtes sont détectées par des récepteurs physico-chimiques (les fameuses "sensilles") situés sur les antennes, et en l'occurrence aux extrémités à en juger par le comportement des bestioles. Les odeurs, les mouvements, les bruits émis (grignotages par exemple), sont ainsi perçus avec une efficience et une précision dépassant l'entendement. Quand une larve est repérée à une profondeur compatible, la femelle de la Rhysse enfonce sa tarière à la manière du Sirex, c'est à dire en la dégainant plus ou moins, selon la difficulté du percement, et la profondeur atteinte, le tout sans jamais se déplacer au cours de forage.
 
En pratique : Dans un premier temps la Rhysse femelle arpente son tronc ou rondin. Tendues vers l'avant, et sans cesse en mouvements, les antennes attestent de sa quête. Quand la détection se fait positive les extrémités des antennes de la rhysse se recourbent et viennent tapoter la surface du bois afin de très précisément localiser la larve sous-jacente. En fait il s'agit d'une véritable auscultation car les organes sensoriels hypersophistiqués de ses antennes vont parfaitement la renseigner. Outre la localisation précise des larves recherchées, leur profondeur au sein du bois sera en effet "calculée", la longueur de la tarière devant bien sûr être compatible. De même le volume du futur déjeuner sera sans doute pareillement estimé afin d'assurer le parfait développement de la larve parasite.

Quand ces conditions sont remplies, la rhysse se positionne de façon à amener l'extrémité de sa tarière entre les pointes des antennes, et donc à l'aplomb de la larve ainsi localisée. Au terme d'un forage pouvant atteindre une quarantaine de mm de profondeur, du moins chez les grandes femelles, la larve hôte sera paralysée préalablement au dépôt d'un œuf aux allures de spermatozoïde. Selon la dureté du bois, et la profondeur du forage, la durée moyenne requise est de l'ordre de 15 à 30 mn. Compte tenu de l'ampleur et de la rudesse de la tâche le nombre d'oeufs quotidiennement pondus est censément limité, et je pense pouvoir l'estimer, au plus, de 6 à 10 unités.

Dame Nature ayant réponse à tout, je pense qu'à titre compensatoire, si je puis dire, les femelles bénéficient d'une relative longévité, le volume de la ponte devant être suffisant pour parer aux aléas d'une vie de rhysse. A titre d'exemple vous noterez qu'une espèce "cousine" (Pseudorhyssa sternata) se comporte tel le coucou (d'où le terme de cleptoparasitisme) en profitant du trou de ponte de la rhysse pour introduire ses propres oeufs, afin d'éliminer la concurrence ... et pouvoir ainsi déjeuner gratis !

 
Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria), détection de larves hôtes, photo 2 Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria), détection de larves hôtes, photo 1 Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria), détection de larves hôtes, photo 3 Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria), détection de larves hôtes, photo 4
Rhysse en "chasse" .... mode d'emploi !
La Rhysse ausculte littéralement le bois susceptible de recéler des larves de Sirex, futur déjeuner de sa progéniture. Pour cela elle se déplace de long en large, avec les antennes frémissantes, typiquement pointées en arc de cercle sur le bois. Quand la bestiole subodore une potentialité, elle affine son examen par de rapides tapotements, parfois du plat de ses antennes.
 
Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria),  pointage de la tarère, photo 1 Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria),  pointage de la tarère, photo 2 Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria),  pointage de la tarère, photo 3 Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria),  pointage de la tarère, photo 4
Le "pointage" de la tarière !
Quand une larve hôte sous-jacente est détectée, et localisée, les extrémités des antennes de la rhysse se rapprochent (parfois à quasi se toucher ! ), et se positionnent à l'aplomb de la "proie", toujours en plus ou moins "tapotant". Dans le même temps la bestiole amène la pointe de sa tarière pile poil à la jonction des antennes, avant de verticalement basculer pour démarrer le forage.
 
Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria) duo à pondre.
Tout en illustrant parfaitement les très fréquentes et importantes différences de statures chez les 2 sexes de cette espèce, cette photo témoigne non moins parfaitement du relatif intérêt des pondeuses pour les trous de sorties, fussent-ils anciens ou récents. C'est encore plus vrai pour les menues fissurations du bois, mais il est évidemment impossible de savoir s'il s'agit de simples manœuvres exploratoires, ou au contraire d'un moyen de faciliter l'accès à une larve hôte sous-jacente. D'autre part, pour l'avoir longuement observée (et filmée ! ) je pense que la petite femelle procède plus par imitation que par conviction ... si je puis dire !
 
Au passage vous noterez que la très sophistiquée détection acoustique des termites, au travers du bois, est une technique relativement récente,
à l'évidence pratiquée par Dame Nature depuis la nuit des temps ! ... no comment !
 
Morphologie générale de la tarière !

Par définition, une tarière est un outil adapté au creusement, qu'il s'agisse des sols (tarières agricoles), du bois (tarières des menuisiers), ou des deux comme chez les insectes dotés d'un organe de ponte savamment dénommé "oviscapte", ou encore "ovipositeur" ... voire "ovopositeur" ! En regard du rudimentaire des "tarières humaines", celles de certains insectes relèvent de la plus haute technologie, et croyez-moi la Rhysse en est le parfait exemple

Chez les grandes femelles de rhysses la tarière atteint une longueur de 45 mm pour une section maxi de 4/10 de mm. Schématiquement elle se compose de 2 demi-gouttières accolées formant la gaine du stylet perforateur ( 2/10 de mm ! ) lui-même composé de 3 éléments, dont l'extrémité n'est pas sans rappeler les vrilles de menuisiers. En présence de bois dur le stylet de chitine "high tech" s'enfonce en coulissant dans la gaine, qui tout en servant de guide permet d'accentuer la pression, et donc de faciliter la pénétration sans risque de "casse".

A contrario, et donc sur bois plus tendre, le stylet est totalement dissocié de la gaine et l'on peut alors prendre la pleine mesure de sa longueur, de sa finesse, mais aussi de sa flexibilité, laquelle lui permet de "flamber" sans risquer de se rompre. A l'incontournable chitine s'ajoute en effet de la résiline, protéine connue pour ses propriétés élastiques. Si nécessaire le stylet peut s'enfoncer "jusqu'à la garde", autrement dit sur toute sa longueur, ce qui donne lieu, à terme, à de très esthétiques et spectaculaires postures lors de son "rangement" au sein de la gaine. Durant le retrait du stylet, souvent laborieux, vous noterez que l'extrémité de la gaine prend fréquemment appui sur le substrat (tronc, rondin), ce qui permet à l'abdomen d'exprimer toute la puissance de sa force de traction, et donc d'extraction.

Bien entendu les femelles de rhysses et de sirex en action de ponte sont particulièrement vulnérables.  Littéralement prisonnières de leur tarière, elles sont à la merci des prédateurs (oiseaux et lézards notamment) … tout en faisant le bonheur du photographe amateur de "gros plans" ! Pouvant être trouvées en place, les tarières brisées témoignent la plupart du temps d'un acte de prédation, et non d'un "accident de forage".

 
Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria), tarère en regard de l'allumette de référence. Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria) tarière montrant  le stylet rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria)  les 5 éléments composant  la tarière. Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria), les 5 éléments composants la tarière, avec échelle.
de gauche à droite: 1)- la tarière proprement dite (gaine souple + stylet coulissant); 2)- les 2 demi-gouttières de la gaine, et au centre le stylet proprement dit; 3)- toujours les 2 demi gouttières de la gaine, et au centre les 3 parties composant le stylet, 4)- idem la photo précédente, mais avec mon incontournable allumette servant d'échelle sur le site.
 
 
.... et détails du stylet ! 
Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria) stylet avec échelle. Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria)  extémité du stylet, avec échelle. Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria) détail de l'extrémité de la tarière. 
Vous noterez la grande longueur de la tarière, et donc du stylet ci-dessus présenté (35 mm). Vous noterez également l'extrême finesse dudit stylet (2/10e de mm), mais surtout son extrémité en "pas de vis", a priori bien faite pour pénétrer le bois. Là encore il s'agit de chitine "high-tech", et donc à l'évidence particulièrement dure. J'ajouterais que ce stylet est doté d'une relative souplesse, ce qui lui permet de se cintrer un peu sous la pression exercée lors du forage, voire de légèrement onduler. Bien que les risques de casse puissent paraître évidents l'observation d'une seule femelle avec la tarière réduite d' 1/3 (cause inconnue) donne à penser qu'ils sont rares (ne pas confondre avec les actes de prédation précédemment évoqués).
  
Un record ? ... pas sûr !
40 mm pour le corps ! .... Rhysse persuasive (Rhyssa persuasoria), femelle étalée (collection) ... + de 46 pour la tarière !
  
Le coin des curieux ... ou les secrets de la tarière !

Compte tenu de l'extrême finesse de cette "perceuse", et du fait que tout se passe à l'intérieur du bois et donc hors de vue, il est à l'évidence bien difficile de comprendre "comment ça marche", et plus encore de le montrer ... et donc le démontrer ! Le problème de la tarière du sirex s'étant pareillement posé, et résolu via une vidéo pouvant se qualifier de chanceuse, il était logiquement tentant d'extrapoler. En fait, contrairement au sirex qui joue les perçeuses en misant sur la vitesse d'un mouvement rotatif, la rhysse préfère une sorte de burinage à cadence réduite, la puissance de la pression prévalant manifestement sur la vitesse.

Occupant la majeure partie interne des 2 derniers segments abdominaux, le mécanisme de la tarière est parfaitement individualisé. Il se présente en effet sous la forme d'une sorte de module grossièrement ovoïde où les masses musculaires sont à la mesure de la forte chitinisation des éléments "mécaniques". De prime abord la tarière de la rhysse donne l'impression d'être cylindrique, d'une seule pièce, et de se terminer par une sorte de vrille. En fait elle est sensiblement aplatie et comporte 3 parties coulissantes (y compris au niveau de la vrille), la médiane servant de guide aux 2 autres. Symétriquement conformées ces dernières sont dotées d'une forte articulation, en relation avec un système d'enroulement rappelant celui de la "tête de cheval" des derricks pétroliers. Il s'ensuit un mouvement alternatif comparable, de type va et vient, tout à fait apte à initier le creusement car en dépit de leur dissociation les 3 parties de la vrille restent individuellement opérationnelles.

 
Rhysse (Rhyssa persuasoria), positionnement de la tarière, gaine et stylet. Rhysse (Rhyssa persuasoria)  module de la tarière, après extraction, photo 1. Rhysse (Rhyssa persuasoria)  module de la tarière, après extraction, photo 2. Rhysse (Rhyssa persuasoria)  module de la tarière, après extraction, photo 3. Rhysse (Rhyssa persuasoria)  module de la tarière, après extraction, photo 4.
de gauche à droite : 1)- localisation des insertions de la gaine (G) et du stylet (S); 2)- le module "tarière", après extraction; 3)- idem, stylet dégainé; 4)- détail du module; 5)-détail des composantes du stylet. La partie fixe A sert de guide aux parties B et C actionnées sur le mode "va et vient"
 
 
Tarière de sirex ....................Rhysse (Rhyssa persuasoria), tarière en action.
à gauche : Stylet de sirex en action, Le fait de tomber sur un "point dur" a permis une excellente et exceptionnelle observation de la vitesse de "rotation", extrait à voir en vidéo ! ; à droite : illustration du fonctionnement du stylet de la rhysse, au "point mort" sur la photo centrale. Comme vous le verrez, l'amplitude et la cadence des va et vient sont parfaitement mis en évidence sur cette vidéo , 2 petits "je ne sais quoi", issus de la surface du bois venant très opportunément servir de repères en se collant là où il fallait. Vidéo recommandée : comparaison (morphologie / action) entre les tarières de Rhysse et de Sirex)
 
 La preuve par 9 .... en (très) gros plans !
 
la Rhysse persuasive (Rhyssa persuisoria) gaine du stylet, vue externe la Rhysse persuasive (Rhyssa persuisoria) gaine du stylet, vue interne de la gouttière. la Rhysse persuasive (Rhyssa persuisoria)  comparaison du stylet avec un poil de sourcil.
à gauche : la gaine du stylet, vue externe; au centre : 1/2 gaine, avec vue interne de la gouttière; à droite : illustration de la petitesse du stylet !
 
 
Rhysse (Rhyssa persuasoria) les 3 parties de la tarière. Rhysse (Rhyssa persuasoria), vrille de la tarière, au "point mort".
à gauche : mise en évidence des 3 parties constituant le stylet; à droite : apex du stylet, disons au "point mort".
 
 
Rhysse (Rhyssa persuasoria),, tarière en action, photo 1. Rhysse (Rhyssa persuasoria),, tarière en action, photo 2. Rhysse (Rhyssa persuasoria),, tarière en action, photo 3.
Illustration de la mobilité des parties coulissantes du stylet
(les déplacements, aléatoires, ont été obtenus manuellement, post-mortem, après section de la tarière)
Rhysse (Rhyssa persuasoria),, tarière en action, photo 4. Rhysse (Rhyssa persuasoria),, tarière en action, photo 5.
 
 
Nota : 1)- L'extrême finesse de la tarière, et de ses composants, a rendu leur mise en évidence particulière difficile, y compris au niveau photographique. En l'occurrence mon petit Lumix TZ 30 a fait plus que se surpasser (et moi aussi !) notamment au niveau de l'autofocus dont la bluffante précision lui permet de cibler un sujet dont la taille est inférieure au diamètre d'un poil de sourcil.
2)- Alors que la tarière est d'un noir franc vous noterez la très différente couleur de ces photos. La lumière du jour s'avérant d'une mise en oeuvre difficile, et surtout insuffisante, j'ai été amené à utiliser un dispositif rapproché et puissant comportant une soixantaine de leds dont la "température" de la couleur n'est pas adaptée aux capteurs photographiques des APN. ... ou de l'APN ci-dessus mentionné. 
 
Pour info : Dolichomitus imperator, espèce voisine de la rhysse, use d'une technique de perçage très particulière. Dans un premier temps elle se campe carrément à la verticale, tête en bas, avec la tarière ramenée le long du corps, et plantée à l'aplomb de la larve sous-jacente. En second lieu, et c'est là son originalité, elle tourne autour de l'axe formé par la tarière, laquelle s'enfonce progressivement, comme la vrille du menuisier. En fait il s'agit le plus souvent d'une succession de déplacements en arcs de cercles (peu fréquemment de tours complets), tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche, en alternance avec des phases de "sur-place" ... mais la tarière reste toujours en action.
 
 
 

les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr