Que ce soit par les circonstances de
leur capture, par la couleur de leur robe, ou par les deux
à la fois, ces 3 vipères justifient pleinement le
terme d'inoubliables....
1)- la vipère du rocher de
l'Enfer .
C'était sur Orvault, au nord
de Nantes, et j'y chassais souvent la vipère en compagnie
de Mr V.
En fait il serait plus exact de dire que je l'y accompagnais,
et qu'en ces occasions je bénéficiais de sa grande
expérience. Il était gardien au Muséum
d'Histoire Naturelle, et c'était un chasseur de reptiles
hors pair. C'est d'ailleurs lui qui a été à
l'origine des tous premiers vivariums de ce Musée.
À l'époque la vallée du Cens était
très sauvage, et les reptiles ne manquaient pas, notamment
sur le rocher dit de l'Enfer, alors que le tout proche rocher de
la Vierge en était dépourvu.
Par-delà toutes considérations à
connotations philosophico-religieuses, il faut bien
reconnaître que le premier était nettement plus
favorable à l'herpétofaune, notamment en raison de
son exposition, mais aussi d'une moindre densité de la
végétation buissonnante et arbustive.
Cela précisé nous étions donc sur le
fameux rocher, et venions déjà d'y prendre plusieurs
vipères. Le site était certes excellent, mais aussi
très réduit, et une fois mon secteur exploré
j'ai tout naturellement rejoint mon maître es reptiles.
Il chassait avec une paire de pinces à longues
branches, et j'étais à ses côtés quand
je l'ai vu se saisir d'un beau mâle de vipère sous un
petit rebord de rocher. Dans le même temps j'ai fort
heureusement précédé son geste d'un
ième de seconde, et coincé un tout proche
deuxième reptile qu'il n'avait pas décelé, et
qui à coup sûr l'aurait mordu.
La bête était tout à fait inhabituelle.
C'était une femelle, à la fois très grande et
très élancée, et la robe gris cendre
était soulignée de mouchetures verdâtres sur
les flancs, tandis que les plaques ventrales étaient d'un
noir de jais. La tête était très petite en
regard de la norme, et elle se démarquait à peine du
cou en raison d'une étroitesse là encore
surprenante. Son dessous était entièrement d'un
superbe rose bonbon, qui peu après la tête se
résolvait très vite en macules et ponctuations
éparses qui tranchaient joliment sur le noir de
l'écaillure ventrale.
Sans échanger un mot nous nous
sommes regardés. Son sourire était quelque peu
crispé, et au travers de l'expression de ses yeux gris j'ai
eu le sentiment d'avoir sur l'instant définitivement
gagné mes galons de " chasseur de vipères
".
*****************
2)- la vipère des
blés ..
C'était sur
Treillières, et à l'époque je chassais avec
une " fourchette ". En l'occurrence il s'agissait d'un bâton
se terminant par une courte fourche en " V ", ce qui permettait de
coincer le reptile, et partant de l'immobiliser pour mieux s'en
saisir.
Ce jour-là j'avais malencontreusement cassé mon
engin en me frayant un passage au travers d'une petite friche, et
dans l'urgence je m'étais très sommairement
taillé un nouvel outil.
J'en étais à longer une haie sur talus bordant
un champ qui venait d'être très récemment
moissonné. Eu égard à la perturbation
causée je ne comptais guère trouver mon bonheur, et
je marchais moins lentement qu'à l'accoutumée.
C'est alors que j'ai perçu le déplacement de la
bête au moment même où je l'enjambais, et
instinctivement la fourchette est violemment partie entre les
jambes pour tenter d'immobiliser le reptile, et donc éviter
une possible morsure.
Aujourd'hui encore je dirais que le coup à
été très heureux car la vipère s'est
retrouvée littéralement clouée au sol. De
fait les extrémités de ma fourchette
improvisée étaient plus ou moins biseautées,
et une des branches du " V " est carrément passée au
travers du corps de l'animal.
Je dirais également que le coup a été
aussi particulièrement malheureux, car cette vipère
était d'une grande beauté tant sa coloration
était exceptionnelle. Elle était en effet
uniformément jaune, et à peine plus foncée
que la paille sur laquelle elle était lovée. La face
ventrale tirait sur le beige, et virait au blanc sous la
tête et à son approche.
Je dirais enfin que ce mimétisme, en quelque sorte
occasionnel, est néanmoins assez troublant, pour ne pas
dire dérangeant. De fait la paille jonchant le sol
était très ponctuellement répartie, et par
ailleurs la bête était à 2 bons mètres
de son talus, ce qui est loin d'être habituel. Double
coïncidence, recherche mimétique
délibérée, ou simple tropisme, la question
peut se poser, d'autant que la malheureuse bestiole s'en est
trouvée empalée, pour ne pas dire
crucifiée.
Bien entendu je n'avais jamais vu
pareille coloration, et vous l'aurez compris, je ne l'ai jamais
revue.
****************
3)- La vipère des
fougères ..
C'était à Nantes, dans
la vallée du Gesvres, et non loin de la
Jonelière....
Ce jour là j'étais venu voir un copain dont les
parents tenaient une petite ferme. Pour l'heure il s'était
très provisoirement absenté, et en attendant son
retour j'avais entrepris de flâner un peu aux environs.
Apercevant un talus du genre " prometteur " je n'ai pu
m'empêcher d'aller y jeter un il, tout en ayant
parfaitement conscience d'être particulièrement
imprudent. N'ayant pas prévu de chasser j'étais en
effet en short et en " tatanes ", autrement dit en nus-pieds. Par
ailleurs les grandes fougères aigles avaient
été coupées, et desséchées
elles jonchaient le sol.
Bien entendu je progressais très lentement, en veillant
où je mettais les pieds, et en restant très attentif
au moindre bruit. Prémonition ou non, la tension montait
à chaque pas, et j'ai fini par quasiment m'arrêter
pour rebrousser chemin, quand j'ai entendu le " sifflement "
caractéristique d'une vipère.
La bête était manifestement sous mes pieds mais
je ne la voyais pas du fait de l'accumulation des fougères.
J'étais complètement tétanisé, et au
moindre changement de pression, ou au plus petit
déplacement d'un orteil (si je puis dire !), j'entendais la
vipère se gonfler, puis bruyamment expulser l'air
inspiré. C'était la " cata ", et qui plus est avec
un grand " C ".
J'aurais peut-être pu me dégager d'un bond, mais
je n'y ai même pas pensé tant j'étais
stressé et obnubilé par les sifflements
répétés de l'animal. Espérant qu'il
finirait par pouvoir se dégager de lui même
j'attendais sans trop y croire, et entre temps j'étais
parvenu à briser une branche morte qui se trouvait à
portée de main. Elle n'était pas bien grosse, ni
bien longue, mais en dépit de sa fragilité
c'était toujours mieux que rien.
Une vraie " minute de silence " paraît
déjà interminable, mais là c'était
bien pire, et je ne saurais dire si j'ai attendu 5 minutes, ou 10,
ou davantage encore. J'ai alors perçu un léger
bruissement, assorti d'un frémissement des fougères,
puis très vite j'ai vu ma vipère filer vers son
talus. Sur l'instant j'ai littéralement bondi pour
l'immobiliser avec ma branchette, et le bois s'est rompu au moment
même où je saisissais l'animal par la toute
extrémité de sa queue.
La bête était de belle taille, et surtout
entièrement d'un noir de jais, à l'exclusion de
quelques gouttelettes roses sous la gorge. De surcroît elle
venait de muer et sous le soleil son écaillure était
superbement irisée.
Là encore ce spécimen
est resté unique, et par ailleurs la cuisante leçon
s'est avérée des plus salutaires, et c'est bien le
moins qui se puisse dire.
ACCUEILhistoriettes
les pages entomologiques d'
andré lequet
:
http://www.insectes-net.fr