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les blattes !
 
À une lointaine époque où j'exerçais dans l'Éducation Nationale…
 
blatte américaine (dessin)J'avais l'habitude de déjeuner dans un restaurant très fréquenté par les étudiants, et un jour où j'étais assis non loin de grandes rangées de portemanteaux muraux , il m'a semblé y voir "quelque chose" dépasser, et bouger, sans que je puisse en définir l'origine.
 
Curiosité aidant, je me suis approché, et là surprise : il s'agissait en effet des fines antennes de très nombreuses blattes tapies derrière les grandes lattes de bois supportant les patères proprement dites.

Les bestioles étaient alignées comme à la parade, et donnaient vraiment l'impression d' "attendre le client", d'autant qu'elles étaient toutes à la partie inférieure des lattes, c'est-à-dire bien placées pour être "coiffées" par les vêtements.

Ajoutez à cela la douce tiédeur du vêtement qui vient d'être quitté, et le très attractif " fumet " des odeurs corporelles qui s'en dégage, et vous comprendrez que bien des manteaux, vestes, ou blousons, repartaient lestés de quelques passagers clandestins en quête de nouveaux horizons !

 

Re blattes !

A l'époque de cette historiette, comme dans tout labo Universitaire de Zoologie, nous avions des élevages de petits animaux. Le tout occupait 2 salles "optimisées".... du moins autant que faire se peut !

Certains pensionnaires étaient destinés à la recherche fondamentale ou appliquée, d'autres finissaient dans les cuvettes à dissections des étudiants, d'autres encore servaient de pâtures aux précédents, et les plus chanceux se contentaient de "faire bien dans le décor".

Par-delà les incontournables souris blanches, nous avions par exemple des reptiles et batraciens, mais aussi bon nombre d'insectes, le gros de la troupe étant constitué d'un panel de grillons, phasmes, et blattes.

Parmi ces dernières, il était des espèces atteignant largement les 5 cm, et d'autres n'excédant guère la dizaine de mm. Il était surtout des blattes dites "américaines" (Periplaneta americana !), longues de 3 cm à l'état adulte, que nous dénommions familièrement "blattes de course" ou encore "blattes de compétition", tant elles étaient véloces et réactives.

Bien entendu il s'en trouvait toujours pour nous fausser compagnie, notamment lors des soins. La palme revenait évidemment aux très jeunes larves des "ricaines", leur petitesse et leur aspect diaphane les rendant difficilement repérables au milieu du grouillement de leurs aînées.

Au final, et vous l'aurez compris, il y avait quasiment autant de bestioles en dehors des cages que dedans, et j'exagère à peine. Fort heureusement nos évadées avaient le bon goût de rester dans les salles d'élevages, notamment en raison d'une température élevée, d'une humidité à l'avenant, et de multiples coins et recoins où elles pouvaient se réfugier dans la journée, mais aussi croître et se multiplier!

Il nous fallait donc périodiquement "réguler", sachant qu'à l'époque les boîtes pièges restaient à inventer, et qu'il n'était pas question d'utiliser le moindre insecticide, sous peine de voir disparaître tous nos élevages.

Pour ces "safaris-blattes", censément très spéciaux, nous disposions fort heureusement d'une arme secrète terriblement efficace, à savoir une source d'air comprimé très puissante, et directement disponible sur les "paillasses". Dès lors un simple tuyau permettait d'accéder partout sans rien déménager....si ce n'est les fameuses blattes !

Les moins chanceuses se voyaient littéralement "décalquées" , et les autres, expulsées manu militari, se retrouvaient plus ou moins groggy "au milieu de la place". Là elles finissaient promptement "écrabouillées" sous les semelles de chaussures en tous genres, au gré du bon vouloir et de la disponibilité des personnels du labo.

Au fil des ans il s'est trouvé des blattes pour jouer les exploratrices, et aller voir ce qui se passait dans les labos voisins, ce que ces derniers n'appréciaient pas vraiment. Dès lors il a fallu redoubler de vigilance, mais aussi "sécuriser" ce qui pouvait l'être, tout en faisant en sorte d' affamer les fuyardes en ne laissant rien de consommable à leur portée.

Le bilan s'est avéré plutôt positif, mais à notre grande surprise on a commencé à voir des fientes dignes d'un feu d'artifices. Il en était des bleues, des vertes, des rouges, des jaunes, voire de quasiment "arcs en ciel", sans parler d'une semi liquidité génératrice de coulures murales très psychédéliques !

Le pot aux roses s'est finalement découvert par hasard, et bien plus tard, à l'occasion d'un rangement allant très au-delà de l'habituel.

Dans un labo, comme dans toute maison occupée de longue date, il se crée en effet des coins débarras, sortes de zones de non droit, où tout ce qui peut "servir un jour" (mais ne sert jamais !) s'accumule le plus souvent en dépit du bon sens.

Présentement il s'agissait d'un très grand placard encastré, aux étagères croulant sous l'entassement de matériels aussi divers qu' obsolètes, et là nous avons trouvé un vrac de gros crayons à verre multicolores.

Inutilisés, et dorénavant définitivement inutilisables, ces sortes de bâtonnets cireux étaient tous passablement grignotés. A l'évidence ils devaient contenir un ingrédient propre à satisfaire l'estomac de nos bestioles, ou à compenser ce qu'elles ne trouvaient plus à se mettre sous la mandibule.

En guise de conclusion je dirais que 30 ans se sont depuis écoulés, et que les dernières descendantes de cette époque "héroïque" se sont paraît-il réfugiées dans le labyrinthe de galeries techniques en tous genres. Elles y couleraient même des jours heureux, la page des cuvettes à dissections, des gueules de sauriens béantes, et des "45 fillettes", étant définitivement tournée !
 
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